Homélie
Jeudi de l’octave de Pâques
« Il fallait que saccomplisse tout ce qui a été écrit de moi dans la loi de Moïse, les prophètes et les psaumes. » Le Seigneur révèle que tout a un sens ; rien de ce quil vit nest absurde ou subi. Quand il sest fait chair, Dieu a fait corps avec notre histoire. Notre Dieu est un Dieu qui se révèle dans notre histoire, qui marche sur nos chemins et qui marche à notre rythme. Il a laissé à ses disciples le temps dêtre déconcerté par la Croix, le temps de sinterroger sur le chemin dEmmaüs, mais depuis toujours il les prépare à entrer dans la pleine lumière de sa résurrection. Bientôt le vent de lEsprit les poussera là où ils nauraient jamais imaginé aller.
Pour lheure, Jésus ouvre le chemin, il roule la pierre de nos tombeaux, mais il nous laisse le temps de nous approprier, autant que faire se peut, la grandeur du don quil nous fait : un moment après avoir pris patience en écoutant le récit des disciples sur la route dEmmaüs, le voici qui vient encore au milieu deux pour confirmer leur expérience, le voici qui réclame à manger pour montrer quil est bien vivant.
Mais, ce faisant, Jésus les enseigne encore. En effet, « il fallait que saccomplisse tout ce qui a été écrit ». Pour se tourner vers lavenir quouvre la résurrection, il faut encore faire mémoire. « Rappelez-vous les paroles que je vous ai dites quand j’étais encore avec vous », leur dit-il. Tout ce qui a été vécu, tout ce qui a été dit, ne dévoile son sens plénier quà la lumière de la résurrection. Depuis cette situation unique et nouvelle, la vie divine, les disciples peuvent enfin considérer sous un jour convenable ce quils ont reçu. Ils reçoivent l« intelligence des Écritures », c’est-à-dire quils deviennent capables de discerner luvre de Dieu dans lhistoire et lachèvement vers lequel elle tend.
Cette intelligence nest cependant pas une faculté surhumaine nous verrons dailleurs quelle engendre lobéissance à lEsprit. Lenseignement que donne Jésus est en effet adressé à des hommes qui sont joyeux de la manifestation du Ressuscité et, dans le même temps, encore incrédules : « dans leur joie, ils n’osaient pas encore y croire, et restaient saisis d’étonnement », précise lévangéliste. Leur étonnement procède sans doute de la lenteur à croire, mais ce nest pas lessentiel ; il procède surtout de la nouveauté de lexpérience. Les disciples croient, puisquils sont joyeux, mais ils sont au seuil dun monde nouveau qui provoque leur étonnement. Ce monde est dans la continuité de celui quils connaissent, la capacité de Jésus de se faire reconnaître et de manger avec eux latteste, mais il est aussi en totale rupture. Voilà que Jésus est au milieu deux, comme naturellement, alors quon ne la pas perçu entrer. Ainsi, ce mélange de joie et dincrédulité est important pour nous parce quil nous montre que la résurrection nest pas seulement une affirmation à laquelle adhérer, elle est aussi ouverture sur un monde nouveau à expérimenter, sur une nouvelle création.
Au soir de Pâques, Jésus ne transmet pas une science qui ouvre les voies du salut, il ne requiert pas notre soumission à une démonstration de force ; il manifeste le monde nouveau dans lequel il nous invite à entrer. Lapparition du Ressuscité que nous méditons en ce jour nous lannonce : la résurrection du Christ est aussi notre résurrection. Sa gloire est aussi la nôtre. Sa paix est également la nôtre. Accueillons donc notre Sauveur qui vient simplement à nous partager le fruit de sa victoire : « la paix soit avec vous ».