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 - 12 mars 2024 - Bx Louis Orione
Date : vendredi 29 août 2014

 

Homélie

Martyre de saint Jean-Baptiste

Ce long récit au cœur de l’Évangile le plus court, a vraiment de quoi surprendre. D’autant plus qu’il s’agit du seul passage dont Jésus est absent - disons : dans lequel Jésus n’est pas explicitement nommé. Mais le récit du martyre de Jean le Baptiste ne lui est pas étranger, dans la mesure où le destin de Jean préfigure le sien. Comme le Baptiste, Jésus sera arrêté (Mc 14,44.46.49) et lié (Mc 15,1). Si on l’a écouté avec plaisir (Mc 12,37), on veut cependant le mettre à mort (Mc 14,1) mais on le craint (Mc 11,18). Et on déposera le cadavre de Jésus comme celui de Jean dans un tombeau (Mc 15,45-46) : le sort des deux martyrs est décrit par l’évangéliste de manière à ce que la similitude saute aux yeux.
Jean est le précurseur, non seulement par son ministère public, lorsqu’il prépare les voies du Seigneur, qu’il annonce la venue d’un plus fort que lui (Mc 1,7) ; mais aussi par sa fin tragique, qui anticipe celle de Jésus. Le banquet offert par Hérode, que le meurtre sordide de Jean va agrémenter, annonce le repas au cours duquel Jésus révèlera qu’il sera livré (Mc 14,17-21). Aussi la place importante que Saint Marc attribue aux circonstances du martyr de Jean, pourrait bien se justifier par cette opposition : le festin d’Hérode n’est-il pas l’antitype du repas chrétien ? Le fait que le (premier) récit de la multiplication des pains suit immédiatement notre péricope, confirme cette interprétation.
L’endroit où Jésus nourrit les foules est « à l’écart », loin du palais luxueux du Tétrarque à la solde des Romains qui se prend pour le roi de Perse (Es 7, 2). Les convives au repas d’Hérode ont été triés sur le volet et ont dû montrer patte blanche ; ceux qui vont bénéficier de la multiplication des pains n’ont guère été invités et ne seront pas contrôlés à l’entrée : voyant Jésus et ses disciples s’éloigner en barque, « les gens coururent à pied, de toutes les villes » (Mc 6,33) vers le lieu où ils prévoyaient que le Maître allait débarquer.
Hérode méprise les flatteurs qui l’entourent, mais il a besoin d’eux pour consolider son pouvoir éphémère. Jésus « fut saisi de pitié en voyant la foule, car ils étaient comme des brebis sans berger » (Mc 6,34). Il renonce au repos qu’il désirait prendre avec ses disciples, pour « se mettre à les instruire longuement ». Le rapport entre Hérode et son entourage est ici inversé : Jésus se fait le serviteur de ceux qui le cherchent, alors qu’Hérode se fait servir par un entourage à sa solde. « Les rois des nations païennes commandent en maîtres, et ceux qui exercent le pouvoir sur elles se font appeler bienfaiteurs. Pour vous, rien de tel ! Au contraire, le plus grand d’entre vous doit prendre la place du plus jeune, et celui qui commande, la place de celui qui sert. Quel est en effet le plus grand : celui qui est à table, ou celui qui sert ? N’est-ce pas celui qui est à table ? Eh bien moi, je suis au milieu de vous comme celui qui sert » (Lc 22,25-27).
Tout est faux dans le repas d’anniversaire du roitelet : Hérode est au centre du récit, mais sa passivité - disons même sa lâcheté - le discréditent dans le rôle du héros. La fille d’Hérodiade est certes active, mais elle demeure anonyme et n’est qu’un instrument entre les mains de celle qui mène les événements derrière les coulisses : Hérodiade. Celle-ci en effet n’apparaît pas sur l’avant-scène, mais c’est bien son désir de vengeance envers le Baptiste, qui conduit les étapes du drame. L’acteur principal demeure cependant caché : celui qui tire les ficelles de cet anti-repas n’est autre que le démon qui, « comme un lion qui rugit, va et vient à la recherche de sa proie » (1 P 5,8). Aussi cette convivialité mensongère ne pouvait-elle déboucher que sur un meurtre, car « dès le commencement, le démon a voulu la mort de l’homme. Il n’a jamais été dans la vérité, parce qu’il n’y a pas de vérité en lui. Quand il dit le mensonge, il parle selon sa nature propre, parce qu’il est menteur et père du mensonge » (Jn 8,44).
Jésus lui agit au grand jour : il multiplie les pains et les poissons après les avoir bénis et les « donne aux disciples pour qu’ils les distribuent. Tous mangèrent à leur faim » (Mc 6,41). On imagine sans peine la joie débordante mais simple qui devait présider à ce repas campagnard, qui ouvre à la vie en nourrissant non seulement le corps, mais l’âme et le cœur, dans la découverte émerveillée de la tendresse de Dieu pour ses enfants.
Rien de tel à Machéronte, où la quête effrénée de plaisir conduit à la mort : on y sert sur un plat la tête de Jean-Baptiste. Seule la soif de vengeance de Hérodiade se trouve rassasiée ; les convives doivent « avaler » cette scène d’horreur gratuite : le meurtre sanguinaire d’un Innocent, consenti par un lâche vaniteux et orgueilleux.
Rien n’est décidément normal dans cet événement : l’anniversaire d’un roi était ordinairement marqué par des mesures de clémences et d’amnistie, et non par des exécutions capitales arbitraires. Mais comment la clémence pourrait-elle fleurir sur une terre abreuvée de sang ? Il faut aller sur la montagne où Dieu multiplie les pains, pour découvrir que « les temps sont accomplis », que « le règne de Dieu est tout proche » (Mc 1,15).

« “Lève-toi, tu prononceras contre mon peuple tout ce que je t’ordonnerai. Ne tremble pas devant eux, sinon, c’est moi qui te ferai trembler devant eux. Ils te combattront, mais ils ne pourront rien contre toi, car je suis avec toi pour te délivrer” (1ère lect.). Jean-Baptiste n’a pas eu peur de parler en ton Nom, Seigneur, et pourtant la haine d’Hérodiade a eu raison de lui ! Hérode pourrait fort bien ironiser : “Où est-il donc ton Dieu pour délivrer Jean de ma main ? Nous répondons cependant dans la foi : “la vie du juste est dans la main de Dieu” (Sg 3, 1) ; la protection dont tu nous couvres ne nous soustrait pas à la mort, mais nous en fait triompher dans la résurrection de ton Fils Jésus-Christ - à qui soit la gloire pour l’éternité ! »




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