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 - 16 avril 2024 - Saint Benoît-Joseph Labre
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Redemptoris missio

Chapitre 1 : Jésus Christ, l’unique sauveur

4. « A toutes les époques, et plus particulièrement à la nôtre, le devoir fondamental de l’Eglise - comme je le rappelais dans ma première encyclique qui avait valeur de programme - est de diriger le regard de l’homme, d’orienter la conscience et l’expérience de toute l’humanité vers le mystère du Christ »4.

La mission universelle de l’Eglise découle de la foi en Jésus Christ, comme le proclame la profession de foi trinitaire : « Je crois en un seul Seigneur, Jésus Christ, le Fils unique de Dieu, né du Père avant tous les siècles ...]. Pour nous les hommes, et pour notre salut, il descendit du ciel. Par l’Esprit Saint, il a pris chair de la Vierge Marie, et s’est fait homme »5. L’événement de la Rédemption est le fondement du salut de tous, « parce que chacun a été inclus dans le mystère de la Rédemption, et Jésus Christ s’est uni à chacun, pour toujours, à travers ce mystère »6. La mission ne peut être comprise et fondée que dans la foi.

Et pourtant, à cause des changements de l’époque moderne et de la diffusion de nouvelles conceptions théologiques, certains s’interrogent : la mission auprès des non-chrétiens est-elle encore actuelle ? N’est-elle pas remplacée par le dialogue inter-religieux ? La promotion humaine n’est-elle pas un objectif suffisant ? Le respect de la conscience et de la liberté n’exclut-il pas toute proposition de conversion ? Ne peut-on faire son salut dans n’importe quelle religion ? Alors, pourquoi la mission ?

« Nul ne vient au Père que par moi » (Jn 14,6)

5. En remontant aux origines de l’Eglise, nous voyons clairement affirmé que le Christ est l’unique Sauveur de tous, celui qui seul est en mesure de révéler Dieu et de conduire à Dieu. Aux autorités religieuses juives qui interrogent les Apôtres au sujet de la guérison de l’impotent qu’il avait accomplie, Pierre répond : « C’est par le nom de Jésus Christ le Nazôréen, celui que vous, vous avez crucifié, et que Dieu a ressuscité des morts, c’est par son nom et par nul autre que cet homme se présente guéri devant vous ... Car il n’y a pas sous le ciel d’autre nom donné aux hommes, par lequel nous devions être sauvés » (Ac 4,10. 12). Cette affirmation adressée au Sanhédrin, a une portée universelle, car pour tous - Juifs et païens -, le salut ne peut venir que de Jésus Christ.

L’universalité de ce salut dans le Christ est affirmée dans tout le Nouveau Testament. Saint Paul reconnaît dans le Christ ressuscité le Seigneur : « Car - écrit-il -, bien qu’il y ait, soit au ciel, soit sur la terre, de prétendus dieux - et de fait il y a quantité de dieux et quantité de seigneurs -, pour nous en tout cas, il n’y a qu’un seul Dieu, le Père, de qui tout vient et pour qui nous sommes, et un seul Seigneur, Jésus Christ, par qui tout existe et par qui nous sommes » (1 Co 8, 5-6). Le Dieu unique et l’unique Seigneur sont proclamés par contraste avec la multitude des « dieux » et des « seigneurs » que le peuple reconnaissait. Paul réagit contre le polythéisme du milieu religieux de son temps et met en relief le trait caractéristique de la foi chrétienne : la foi en un seul Dieu, et en un seul Seigneur envoyé par Dieu.

Dans l’Evangile de saint Jean, l’universalité du salut par le Christ comprend les aspects de sa mission de grâce, de vérité et de révélation : « Le Verbe est la lumière véritable, qui éclaire tout homme » (cf. Jn 1,9). Et encore : « Nul n’a jamais vu Dieu ; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, lui l’a fait connaître » (Jn 1,18 ; cf. Mt 11,27). La révélation de Dieu devient, par son Fils unique, définitive et achevée : « Après avoir, à maintes reprises et sous maintes formes, parlé jadis aux Pères par les prophètes, Dieu, en ces jours qui sont les derniers, nous a parlé par le Fils qu’il a établi héritier de toutes choses, par qui aussi il a fait les siècles » (He 1,1-2 ; cf. Jn 14,6). Dans cette Parole définitive de sa révélation, Dieu s’est fait connaître en plénitude : il a dit à l’humanité qui il est. Et cette révélation définitive que Dieu fait de lui-même est la raison fondamentale pour laquelle l’Eglise est missionnaire par sa nature. Elle ne peut pas ne pas proclamer l’Evangile, c’est-à-dire la plénitude de la vérité que Dieu nous a fait connaître sur lui-même.

Le Christ est l’unique médiateur entre Dieu et les hommes : « Car Dieu est unique, unique aussi le médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus, homme lui-même, qui s’est livré en rançon pour tous. Tel est le témoignage rendu aux temps marqués et dont j’ai été établi, moi, héraut et apôtre-je dis vrai, je ne mens pas-, docteur des païens, dans la foi et la vérité » (1 Tm 2, 5-7 ; cf. He 4,14-16). Les hommes ne peuvent donc entrer en communion avec Dieu que par le Christ, sous l’action de l’Esprit. Sa médiation unique et universelle, loin d’être un obstacle sur le chemin qui conduit à Dieu, est la voie tracée par Dieu lui-même, et le Christ en a pleine conscience. Le concours de médiations de types et d’ordres divers n’est pas exclu, mais celles-ci tirent leur sens et leur valeur uniquement de celle du Christ, et elles ne peuvent être considérées comme parallèles ou complémentaires.

6. Il est contraire à la foi chrétienne d’introduire une quelconque séparation entre le Verbe et Jésus Christ. Saint Jean affirme clairement que le Verbe, qui « était au commencement avec Dieu », est celui-là même qui « s’est fait chair » (Jn 1,2. 14). Jésus est le Verbe incarné, Personne une et indivisible : on ne peut pas séparer Jésus du Christ, ni parler d’un « Jésus de l’histoire » qui serait différent du « Christ de la foi ». L’Eglise connaît et confesse Jésus comme « le Christ, le Fils du Dieu vivant » (Mt 16,16). Le Christ n’est autre que Jésus de Nazareth, et celui-ci est le Verbe de Dieu fait homme pour le salut de tous. Dans le Christ « habite corporellement toute la Plénitude de la Divinité » (Col 2,9) et « de sa plénitude nous avons tous reçu » (Jn 1,16). Le « Fils unique qui est dans le sein du Père » (Jn 1,18) est « le Fils bien-aimé, en qui nous avons la rédemption ... Dieu s’est plu à faire habiter en lui toute la Plénitude et, par lui, à réconcilier tous les êtres pour lui, aussi bien sur la terre que dans les cieux, en faisant la paix par le sang de sa Croix » (Col 1,13-14. 19-20). C’est précisément ce caractère unique du Christ qui lui confère une portée absolue et universelle par laquelle, étant dans l’histoire, il est le centre et la fin de l’histoire elle-même7 : « Je suis l’Alpha et l’Oméga, le Premier et le Dernier, le Principe et la Fin » (Ap 22,13 ).

S’il est donc normal et utile de prendre en considération les divers aspects du mystère du Christ, il ne faut jamais perdre de vue son unité. Alors que nous découvrons peu à peu et que nous mettons en valeur les dons de toutes sortes, surtout les richesses spirituelles, dont Dieu a fait bénéficier tous les peuples, il ne faut pas les disjoindre de Jésus Christ qui est au centre du plan divin de salut. Comme, « par son Incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme », « nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associés au Mystère pascal »8. Le plan de Dieu est de « ramener toutes choses sous un seul Chef, le Christ, les êtres célestes comme les terrestres » (Ep 1,10).

La foi au Christ est proposée à la liberté de l’homme

7. L’urgence de l’activité missionnaire résulte de la nouveauté radicale de la vie apportée par le Christ et vécue par ses disciples. Cette vie nouvelle est un don de Dieu, et il est demandé à l’homme de l’accueillir et de le développer, s’il veut se réaliser selon sa vocation intégrale en se conformant au Christ. Tout le Nouveau Testament est un hymne à la vie nouvelle pour celui qui croit au Christ et vit dans son Eglise. Le salut dans le Christ, dont l’Eglise témoigne et qu’elle annonce, est la communication que Dieu fait de lui-même : « C’est l’amour qui non seulement crée le bien, mais qui fait participer à la vie même de Dieu, Père, Fils et Esprit Saint. En effet, celui qui aime désire se donner lui-même »9.

Dieu offre à l’homme cette nouveauté de vie. « Peut-on refuser le Christ et tout ce qu’il a apporté dans l’histoire de l’homme ? Certainement oui. L’homme est libre. L’homme peut dire à Dieu : non. L’homme peut dire au Christ : non. Mais demeure la question fondamentale : est-il permis de le faire, et au nom de quoi est-ce permis ? »10.

8. Dans le monde moderne, il existe une tendance à réduire l’homme à la seule dimension horizontale. Mais que devient l’homme sans ouverture à l’Absolu ? La réponse se trouve dans l’expérience de tout homme, mais elle est aussi inscrite dans l’histoire de l’humanité avec le sang versé au nom des idéologies et par des régimes politiques qui ont voulu construire une « humanité nouvelle » sans Dieu11.

Du reste, le Concile Vatican II répond à ceux qui ont le souci de protéger la liberté de conscience : « La personne humaine a droit à la liberté religieuse....] Tous les hommes doivent être soustraits à toute contrainte de la part tant des individus que des groupes sociaux et de quelque pouvoir humain que ce soit, de telle sorte qu’en matière religieuse nul ne soit forcé d’agir contre sa conscience ni empêché d’agir, dans de justes limites, selon sa conscience, en privé comme en public, seul ou associé à d’autres »12.

L’annonce et le témoignage du Christ, quand ils sont faits dans le respect des consciences, ne violent pas la liberté. La foi exige la libre adhésion de l’homme, mais elle doit être proposée parce que les « multitudes ont le droit de connaître la richesse du mystère du Christ, dans lequel nous croyons que toute l’humanité peut trouver, avec une plénitude insoupçonnable, tout ce qu’elle cherche à tâtons au sujet de Dieu, de l’homme et de son destin, de la vie et de la mort, de la vérité. ...] C’est pourquoi l’Eglise garde vivant son élan missionnaire, et même elle veut l’intensifier dans le moment historique qui est le nôtre »13. Il faut cependant dire, toujours avec le Concile, que, « en vertu de leur dignité, tous les hommes, parce qu’ils sont des personnes, c’est-à-dire doués de raison et de volonté libre, et, par suite, pourvus d’une responsabilité personnelle, sont pressés, par leur nature même, et tenus, par obligation morale, à chercher la vérité, tout d’abord celle qui concerne la religion. Ils sont tenus aussi à adhérer à la vérité dès qu’ils la connaissent et à régler toute leur vie selon les exigences de cette vérité »14.

L’Eglise, signe et instrument du salut

9. L’Eglise est la première bénéficiaire du salut. Le Christ se l’est acquise par son sang (cf. Ac 20,28) et l’a appelée à coopérer avec lui à l’œuvre du salut universel. En effet, le Christ vit en elle ; il est son époux ; il assure sa croissance ; il accomplit sa mission par elle.

Le Concile a amplement souligné le rôle de l’Eglise pour le salut de l’humanité. Tout en reconnaissant que Dieu aime tous les hommes et leur accorde la possibilité d’être sauvés (cf. 1 Tm 2, 4)15, l’Eglise professe que Dieu a constitué le Christ comme unique médiateur et qu’elle-même est établie comme sacrement universel de salut16 : « Ainsi donc, à cette unité catholique du peuple de Dieu, tous les hommes sont appelés ; à cette unité appartiennent sous diverses formes, ou sont ordonnés, et les fidèles catholiques et ceux qui, par ailleurs, ont foi dans le Christ, et finalement tous les hommes sans exception que la grâce de Dieu appelle au salut »17. Il est nécessaire de tenir ensemble ces deux vérités, à savoir la possibilité réelle du salut dans le Christ pour tous les hommes et la nécessité de l’Eglise pour le salut. L’une et l’autre nous aident à comprendre l’unique mystère salvifique, et nous permettent ainsi de faire l’expérience de la miséricorde de Dieu et de prendre conscience de notre responsabilité. Le salut, qui est toujours un don de l’Esprit, requiert la coopération de l’homme à son propre salut comme à celui des autres. Telle est la volonté de Dieu, et c’est pour cela qu’il a fondé l’Eglise ,et l’a incluse dans le plan du salut : ce peuple messianique, dit le Concile, « établi par le Christ pour communier à la vie, à la charité et à la vérité, est entre ses mains l’instrument de la Rédemption de tous les hommes ; au monde entier il est envoyé comme lumière du monde et sel de la terre »18.

Le salut est offert à tous les hommes

10. L’universalité du salut ne signifie pas qu’il n’est accordé qu’à ceux qui croient au Christ explicitement et qui sont entrés dans l’Eglise. Si le salut est destiné à tous, il doit être offert concrètement à tous. Mais il est évident, aujourd’hui comme dans le passé, que de nombreux hommes n’ont pas la possibilité de connaître ou d’accueillir la révélation de l’Evangile, ni d’entrer dans l’Eglise. Ils vivent dans des conditions sociales et culturelles qui ne le permettent pas, et ils ont souvent été éduqués dans d’autres traditions religieuses. Pour eux, le salut du Christ est accessible en vertu d’une grâce qui, tout en ayant une relation mystérieuse avec l’Eglise, ne les y introduit pas formellement mais les éclaire d’une manière adaptée à leur état d’esprit et à leur cadre de vie. Cette grâce vient du Christ, elle est le fruit de son sacrifice et elle est communiquée par l’Esprit Saint : elle permet à chacun de parvenir au salut avec sa libre coopération.

C’est pourquoi le Concile, aprés avoir affirmé le caractère central du Mystère pascal, déclare : « Et cela ne vaut pas seulement pour ceux qui croient au Christ, mais bien pour tous les hommes de bonne volonté, dans le cœur desquels, invisiblement, agit la grâce. En effet, puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associés au Mystère pascal »19.

« Nous ne pouvons pas nous taire » (Ac 4,20)

11. Que dire alors des objections déjà évoquées à l’égard de la mission ad gentes ? Dans le respect de toutes les convictions religieuses et de toutes les sensibilités, avant tout, nous devons affirmer avec simplicité notre foi dans le Christ, seul Sauveur de l’homme, foi que nous avons reçue comme un don d’en haut, sans mérite de notre part. Nous disons avec Paul : « Je ne rougis pas de l’Evangile : il est une force de Dieu pour le salut de tout homme qui croit » (Rm 1,16). Les martyrs chrétiens de tous les temps - et aussi de notre temps - ont donné et continuent de donner leur vie pour rendre témoignage de cette foi devant les hommes, convaincus que tout homme a besoin de Jésus Christ, lui qui a vaincu le péché et la mort et réconcilié les hommes avec Dieu.

Le Christ s’est proclamé Fils de Dieu, intimement uni au Père, et il a été reconnu comme tel par ses disciples, confirmant ses paroles par des miracles et par sa résurrection d’entre les morts. L’Eglise offre aux hommes l’Evangile, document prophétique qui répond aux exigences et aux aspirations du cœur humain : il est toujours « Bonne Nouvelle ». L’Eglise ne peut se dispenser de proclamer que Jésus est venu révéler le visage de Dieu et mériter, par la Croix et la Résurrection, le salut pour tous les hommes.

A la question pourquoi la mission ?, nous répondons, grâce à la foi et à l’expérience de l’Eglise, que la véritable libération, c’est s’ouvrir à l’amour du Christ. En lui, et en lui seulement, nous sommes libérés de toute aliénation et de tout égarement, de la soumission au pouvoir du péché et de la mort. Le Christ est véritablement « notre paix » (Ep 2,14), et « l’amour du Christ nous presse » (2 Co 5, 14), donnant à notre vie son sens et sa joie. La mission est un problème de foi ; elle est précisément la mesure de notre foi en Jésus Christ et en son amour pour nous.

Aujourd’hui, la tentation existe de réduire le christianisme à une sagesse purement humaine, en quelque sorte une science pour bien vivre. En un monde fortement sécularisé, est apparue une « sécularisation progressive du salut », ce pourquoi on se bat pour l’homme, certes, mais pour un homme mutilé, ramené à sa seule dimension horizontale. Nous savons au contraire que Jésus est venu apporter le salut intégral qui saisit tout l’homme et tous les hommes, en les ouvrant à la perspective merveilleuse de la filiation divine.

Pourquoi la mission ? Parce que, à nous comme à saint Paul « a été confiée cette grâce-là, d’annoncer aux païens l’insondable richesse du Christ » (Ep 3,8). La nouveauté de la vie en lui est la Bonne Nouvelle pour l’homme de tous les temps : tous les hommes y sont appelés et destinés. Tous la recherchent effectivement même si c’est parfois de manière confuse, et tous ont le droit de connaître la valeur de ce don et d’y accéder. L’Eglise, et en elle tout chrétien, ne peut cacher ni garder pour elle cette nouveauté et cette richesse, reçues de la bonté divine pour être communiquées à tous les hommes.

Voilà pourquoi la mission découle non seulement du précepte formel du Seigneur, mais aussi de l’exigence profonde de la vie de Dieu en nous. Ceux qui font partie de l’Eglise catholique doivent se considérer comme privilégiés et, de ce fait, d’autant plus engagés à donner un témoignage de foi et de vie chrétienne qui soit un service à l’égard de leurs frères et une réponse due à Dieu, se souvenant que « la grandeur de leur condition doit être rapportée non à leurs mérites, mais à une grâce spéciale du Christ ; s’ils n’y correspondent pas par la pensée, la parole et l’action, ce n’est pas le salut qu’elle leur vaudra, mais un plus sévère jugement »20.


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