Homélie
Férie
« Le semeur est sorti » Limage est forte et marque profondément, elle donne son titre à la parabole. Ce nest pourtant pas vraiment du semeur dont il est question dans cette parabole. Paradoxalement, elle devrait plutôt sappeler, chez saint Luc, la « parabole du grain ».
Jésus se préoccupe en effet du devenir du grain semé et insiste sur la responsabilité du terrain qui le reçoit, c’est-à-dire sur notre propre responsabilité. Linitiative vient de Dieu, le semeur qui a choisi de sortir et densemencer, mais la responsabilité de ce qui advient implique toujours lhomme. Cette responsabilité peut certes être partagée, des obstacles sopposant à la croissance du grain, à limage des oiseaux qui le dévorent avant quil ne germe. Mais, dans chacune des quatre catégories de terre que Jésus distingue, il montre comment la responsabilité humaine est sollicitée.
Nous sommes donc invités à redoubler dattention sur notre rapport à la Parole, à laide des repères que nous donne Jésus. Nous y voyons par la même occasion que les éléments de base de cet examen de conscience sont simples, ils sont seulement quatre et sont clairement caractérisés. La difficulté vient ensuite que la terre de notre cur est souvent divisée en différents lopins de terre que nous gérons différemment.
Nous exploitons ainsi certaines parcelles sans Dieu, sûrs davoir les compétences et lautonomie pour nous débrouiller sans lui. Il y a des pans entiers de notre vie ou de notre histoire dans lesquels Dieu est personna non grata. Mais le premier groupe dhommes nous rappelle que celui qui ne croit pas nest pas sauvé.
Il nous faut aussi inspecter nos enthousiasmes chaleureux, ceux qui nous font envisager la radicalité évangélique avec entrain et délices. Il est heureux que lappel à la sainteté fasse écho en nous et suscite notre adhésion instantanée. Mais la vie des saints est toujours gravée au stylet des humiliations et des épreuves. Combien de nos bonnes résolutions nont pas passé la semaine, ou même la journée ? Combien de nos fidélités sont mortes à la première épreuve ? Combien de nos choix de conversion se sont mystérieusement évanouis de nos mémoires, au point que lon ne puisse même pas dire si nous les avions vraiment posés.
La question nest pas dêtre de létoffe des plus grands saints de notre Eglise, mais daller jusquau bout de ce que le Christ nous demande, de faire fructifier autant quils le peuvent les talents qui nous sont confiés, de laisser lEsprit nous éduquer et nous faire grandir à sa mesure et à son rythme pour arriver à la maturité chrétienne.
Certains cependant ny arrivent jamais. Ou nous-mêmes, nous tolérons que pour certains aspects, il ny ait pas de croissance spirituelle. Se donner dans les bonnes uvres, mais supporter de rester peu fervent dans la prière. Passer des heures en oraison, mais ne jamais progresser dans la charité fraternelle. Développer quelques talents, mais sans les soumettre au bon vouloir de lEsprit. Vouloir se donner à lEglise de Dieu, mais subordonner sa mission de chrétien à des préoccupations égocentriques.
Seigneur Jésus vois notre indigence et rends nos curs bons et généreux pour porter du fruit pour le Royaume. Du fruit au centuple. Donne-nous de têtre fidèles dans ladversité. Apprends-nous la persévérance qui engendre la vie épanouie des enfants de Dieu. Seigneur, tu nous interpelles fermement : « celui qui a des oreilles pour entendre, quil entende ». Nous toffrons la terre de nos curs. Toi le jardinier de la Résurrection, rends-la féconde et accueillante à ta Parole.