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 - 24 avril 2024 - Sainte Marie-Euphrasie Pelletier
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Mater et Magistra

Quatrième partie : Renouer des liens de vie en commun dans la Vérité, la Justice et l’Amour

Idéologies tronquées ou erronées

Après tant de progrès scientifiques, et même à cause d’eux, le problème reste encore de relations sociales plus humainement équilibrées tant à l’intérieur de chaque communauté politique que sur le plan international.

A cette fin, diverses idéologies ont été de nos jours élaborées et diffusées ; quelques-unes se sont déjà dissoutes, comme brume au soleil ; d’autres ont subi et subissent des retouches substantielles ; d’autres enfin ont perdu beaucoup et perdent chaque jour davantage leur attirance sur les esprits. La raison en est que ces idéologies ne considèrent de l’homme que certains aspects, et souvent, les moins profonds. De plus, elles ne tiennent pas compte des inévitables imperfections de l’homme, comme la maladie et la souffrance, imperfections que les systèmes sociaux et économiques, même les plus poussés, ne réussissent pas à éliminer. Il y a enfin l’exigence spirituelle, profonde et insatiable, qui s’exprime partout et toujours, même quand elle est écrasée avec violence ou habilement étouffée.

L’erreur la plus radicale de l’époque moderne est bien celle de juger l’exigence religieuse de l’esprit humain comme une expression du sentiment ou de l’imagination, ou bien comme un produit de contingences historiques, qu’il faut éliminer comme un élément anachronique et un obstacle au progrès humain. Les hommes, au contraire, se révèlent justement dans cette exigence ce qu’ils sont en réalité : des êtres créés par Dieu pour Dieu, comme écrit saint Augustin : « Tu nous as faits pour toi, Seigneur, et notre cœur est inquiet tant qu’il ne repose pas en toi. »

Quel que soit le progrès technique et économique, il n’y aura donc dans le monde ni justice ni paix tant que les hommes ne retrouveront pas le sens de leur dignité de créatures et de fils de Dieu, première et dernière raison d’être de toute la création. L’homme séparé de Dieu devient inhumain envers lui-même et envers les autres, car des rapports bien ordonnés entre les hommes supposent des rapports bien ordonnés de la conscience personnelle avec Dieu, source de vérité, de justice et d’amour.

Il est vrai que la persécution, qui depuis des dizaines d’années sévit sur de nombreux pays, même d’antique civilisation chrétienne, sur tant de Nos frères et de Nos fils, à Nous pour cela spécialement chers, met toujours mieux en évidence la digne supériorité des persécutés et la barbarie raffinée des persécuteurs ; ce qui ne donne peut-être pas encore des fruits visibles de repentir, mais induit beaucoup d’hommes à réfléchir.

Il n’en reste pas moins que l’aspect plus sinistrement typique de l’époque moderne se trouve dans la tentative absurde de vouloir bâtir un ordre temporel solide et fécond en dehors de Dieu, unique fondement sur lequel il puisse subsister, et de vouloir proclamer la grandeur de l’homme en le coupant de la source dont cette grandeur jaillit et où elle s’alimente ; en réprimant, et si possible en éteignant, ses aspirations vers Dieu. Mais l’expérience de tous les jours continue à attester, au milieu des désillusions les plus amères, et souvent en langage de sang, ce qu’affirme le Livre inspiré : « Si ce n’est pas Dieu qui bâtit la maison, c’est en vain que travaillent ceux qui la construisent. »

Eternelle actualité de la doctrine sociale de l’Eglise

L’Eglise apporte et annonce aux hommes une conception toujours actuelle de la vie sociale. Suivant le principe de base de cette conception - comme il ressort de tout ce que Nous avons dit jusqu’ici, - les êtres humains sont et doivent être fondement, but et sujets de toutes les institutions où se manifeste la vie sociale. Chacun d’entre eux, étant ce qu’il est, doit être considéré selon sa nature intrinsèquement sociale et sur le plan providentiel de son élévation à l’ordre surnaturel.

Partant de ce principe de base qui protège la dignité sacrée de la personne, le Magistère de l’Eglise, avec la collaboration de prêtres et de laïcs avertis, a mis au point, spécialement en ce dernier siècle, une doctrine sociale. Celle-ci indique clairement les voies sûres pour rétablir les rapports de la vie sociale selon des normes universelles en conformité avec la nature et les divers milieux d’ordre temporel, comme aussi avec les caractéristiques de la société contemporaine ; normes qui, par suite, peuvent être acceptées par tous.

Il est cependant indispensable, aujourd’hui plus que jamais, que cette doctrine soit connue, assimilée, traduite dans la réalité sociale sous les formes et dans la mesure que permettent ou réclament les situations diverses. Cette tâche est ardue, mais bien noble. C’est à sa réalisation que Nous invitons ardemment non seulement Nos frères et fils répandus dans le monde entier, mais aussi tous les hommes de bonne volonté.

Instruction

Nous réaffirmons avant tout que la doctrine sociale chrétienne est partie intégrante de la conception chrétienne de la vie.

Tout en observant avec satisfaction que dans divers instituts cette doctrine est déjà enseignée, depuis longtemps, Nous insistons pour que l’on en étende l’enseignement dans des cours ordinaires, et en forme systématique, dans tous les séminaires, dans toutes les écoles catholiques à tous les degrés. Elle doit de plus être inscrite au programme d’instruction religieuse des paroisses et des groupements d’apostolat des laïcs ; elle doit être propagée par tous les moyens modernes de diffusion : presse quotidienne et périodique, ouvrages de vulgarisation ou à caractère scientifique, radiophonie, télévision.

A cette diffusion, Nos fils du laïcat peuvent contribuer beaucoup par leur application à connaître la doctrine, par leur zèle à la faire comprendre aux autres et en accomplissant à sa lumière leurs activités d’ordre temporel.

Qu’ils n’oublient pas que la vérité et l’efficacité de la doctrine sociale catholique se prouvent surtout par l’orientation sûre qu’elle offre à la solution des problèmes concrets. De cette manière, on réussit même à attirer sur elle l’attention de ceux qui l’ignorent ou qui l’attaquent parce qu’ils l’ignorent ; peut-être même à faire pénétrer dans leur esprit une étincelle de sa lumière.

Education

Une doctrine sociale ne doit pas seulement être proclamée, mais aussi traduite en termes concrets dans la réalité. C’est d’autant plus vrai de la doctrine sociale chrétienne, dont la lumière est la Vérité, dont l’objectif est la Justice et la force dynamique l’Amour.

Nous attirons donc l’attention sur la nécessité qu’il y a pour Nos fils à ne pas être seulement instruits de la doctrine sociale, mais d’être éduqués d’une manière sociale.

L’éducation chrétienne doit être intégrale. Elle doit s’étendre à tous les devoirs. Elle doit donc faire naître et s’affirmer chez les chrétiens la conscience du devoir qui consiste à accomplir chrétiennement même les activités de nature économique et sociale.

Le passage de la théorie à la pratique est de soi difficile. Il l’est d’autant plus qu’il s’agit de traduire en termes concrets une doctrine sociale comme la doctrine chrétienne, à cause de l’égoïsme profondément enraciné dans les hommes, du matérialisme où baigne la société moderne, des difficultés à découvrir avec clarté et précision les exigences objectives de la justice dans les cas concrets.

C’est pourquoi il ne suffit pas de faire prendre conscience du devoir d’agir chrétiennement en matière économique et sociale, mais l’éducation doit viser également à enseigner la méthode qui rend apte à accomplir ce devoir.

Une tâche pour les associations d’apostolat des laïcs

L’éducation à l’action chrétienne, même en matière économique et sociale, sera rarement efficace, si les sujets eux-mêmes ne prennent pas une part active à leur propre éducation et si l’éducation ne se réalise dans l’action.

On a raison de dire que l’on n’acquiert pas l’aptitude au bon exercice de la liberté, si ce n’est par le bon usage de la liberté. D’une manière analogue l’éducation à l’action chrétienne en matière économique et sociale ne s’acquiert que par l’action chrétienne concrète en ce domaine.

C’est pourquoi, dans l’éducation sociale, une tâche importante est réservée aux associations et aux organisations d’apostolat des laïcs, à celles en particulier qui se proposent comme objectif propre l’animation chrétienne de quelque secteur d’ordre temporel. En effet, beaucoup de membres de ces associations peuvent utiliser leurs expériences quotidiennes pour s’éduquer toujours mieux et contribuer à l’éducation sociale des jeunes.

A ce propos, il est opportun de rappeler à tous, aux grands et aux humbles, que le sens chrétien de la vie impose l’esprit de sobriété et de sacrifice. De nos jours, hélas ! prévaut çà et là une tendance hédoniste, qui voudrait réduire la vie à la recherche du plaisir et à la complète satisfaction de toutes les passions, au grand dam de l’esprit et même du corps.

Sur le plan naturel, une conduite réglée et la modération des bas appétits est sagesse et source de bien ; sur le plan surnaturel, l’Evangile, l’Eglise et toute sa tradition ascétique exigent le sens de la mortification et de la pénitence, qui assure la victoire de l’esprit sur la chair et offre un moyen efficace d’expier les peines dues pour les péchés, auxquels personne n’échappe, sauf Jésus-Christ et sa Mère immaculée.

Suggestions pratiques

Pour traduire en termes concrets les principes et les directives sociales, on passe d’habitude par trois étapes : relevé de la situation, appréciation de celle-ci à la lumière de ces principes et directives, recherche et détermination de ce qui doit se faire pour traduire en actes ces principes et ces directives selon le mode et le degré que la situation permet ou commande.

Ce sont ces trois moments que l’on a l’habitude d’exprimer par les mots : voir, juger, agir. Il est plus que jamais opportun que les jeunes soient invités souvent à repenser ces trois moments, et, dans la mesure du possible, à les traduire en actes ; de cette façon, les connaissances apprises et assimilées ne restent pas en eux à l’état d’idées abstraites, mais les rendent capables de traduire dans la pratique les principes et les directives sociales.

A ce stade de l’application concrète des principes, des divergences de vue peuvent surgir, même entre catholiques droits et sincères. Lorsque cela se produit, que jamais ne fassent défaut la considération réciproque, le respect mutuel et la bonne volonté qui recherche les points de contact en vue d’une action opportune et efficace ; que l’on ne s’épuise pas en discussions interminables ; et sous le prétexte du mieux, que l’on ne néglige pas le bien qui peut et doit être fait.

Les catholiques qui s’adonnent à des activités économiques et sociales se trouvent fréquemment en rapport avec des hommes qui n’ont pas la même conception de la vie. Que dans ces rapports Nos fils soient vigilants pour rester cohérents avec eux-mêmes, pour n’admettre aucun compromis en matière de religion et de morale ; mais qu’en même temps ils soient animés d’esprit de compréhension, désintéressés, disposés à collaborer loyalement en des matières qui en soi sont bonnes ou dont on peut tirer le bien. Il est cependant clair que dès que la Hiérarchie ecclésiastique s’est prononcée sur un sujet, les catholiques sont tenus à se conformer à ses directives, puisque appartiennent à l’Eglise le droit et le devoir non seulement de défendre les principes d’ordre moral et religieux, mais aussi d’intervenir d’autorité dans l’ordre temporel, lorsqu’il s’agit de juger de l’application de ces principes à des cas concrets.

Action multiple et responsabilité

De l’instruction et de l’éducation il convient de passer à l’action. C’est une tâche qui concerne surtout Nos fils du laïcat, puisque habituellement ils s’adonnent en vertu de leur état de vie à des activités et à des institutions à contenu et finalité temporels.

Pour accomplir cette noble tâche il est nécessaire que Nos fils ne soient pas seulement compétents dans leur profession et qu’ils exercent leurs activités temporelles selon les lois naturelles qui conduisent efficacement au but ; mais il est aussi indispensable que ces activités s’exercent dans la mouvance des principes et des directives de la doctrine sociale chrétienne, dans une attitude de confiance sincère et d’obéissance filiale envers l’autorité ecclésiastique. Que Nos fils veuillent bien noter que lorsque dans l’exercice des activités temporelles ils ne suivent pas les principes et les directives de la doctrine sociale chrétienne, non seulement ils manquent à un devoir et lèsent souvent les droits de leurs propres frères, mais ils peuvent même arriver à jeter le discrédit sur la doctrine elle-même, comme si sans doute elle était noble en soi, mais dépourvue de toute vigueur efficace d’orientation.

Un grave danger

Comme Nous l’avons déjà fait remarquer, les hommes ont aujourd’hui approfondi et grandement étendu la connaissance des lois de la nature ; ils ont créé des instruments pour accaparer ses forces ; ils ont produit et continuent à produire des œuvres gigantesques et spectaculaires. Cependant, dans leur volonté de dominer et de transformer le monde extérieur, ils risquent de se négliger et de s’affaiblir eux-mêmes. Comme le notait avec une profonde amertume Notre Prédécesseur Pie XI dans l’Encyclique Quadragesimo anno : « Le travail corporel que la divine Providence, même après le péché originel, avait destiné au perfectionnement matériel et moral de l’homme, tend, dans ces conditions, à devenir un instrument de dépravation : la matière inerte sort ennoblie de l’atelier, tandis que les hommes s’y corrompent et s’y dégradent. »

De même le Souverain Pontife Pie XII affirme avec raison que notre époque se distingue par le contraste existant entre l’immense progrès scientifique et technique et un recul effrayant de l’humanité : notre époque achèvera « son chef-d’œuvre monstrueux, en transformant l’homme en un géant du monde physique aux dépens de son esprit, réduit à l’état de pygmée du monde surnaturel et éternel » .

Aujourd’hui encore se vérifie sur une très vaste échelle ce que le Psalmiste affirmait des païens : l’activité des hommes leur fait oublier leur nature ; ils admirent leurs propres œuvres au point d’en faire des idoles : « Leurs idoles, or et argent ; une œuvre de main d’homme. »

Reconnaissance et respect de la hiérarchie des valeurs

Dans Notre paternelle sollicitude de Pasteur universel des âmes, Nous invitons avec insistance Nos fils à veiller sur eux-mêmes, pour maintenir lucide et vivante la conscience de la hiérarchie des valeurs dans l’exercice de leurs activités temporelles et dans la poursuite des fins particulières à chacune.

Il est vrai qu’en tout temps l’Eglise a enseigné et enseigne toujours que les progrès scientifiques et techniques, le bien-être matériel qui en résulte, sont des biens authentiques et qui marquent donc un pas important dans le progrès de la civilisation humaine. Ils doivent cependant être appréciés selon leur vraie nature, c’est-à-dire comme des instruments ou des moyens utilisés pour atteindre plus sûrement une fin supérieure, qui consiste à faciliter et promouvoir la perfection spirituelle des hommes dans l’ordre naturel et dans l’ordre surnaturel.

La parole du divin Maître retentit comme un avertissement éternel : « Que sert-il à l’homme de gagner l’univers, s’il ruine sa propre vie ? Ou que pourra donner l’homme en échange de sa propre vie ? »

Sanctification des jours de fête

Pour protéger la dignité de l’homme comme créature douée d’une âme faite à l’image et à la ressemblance de Dieu, l’Eglise a toujours rappelé l’observance exacte du troisième précepte du Décalogue : « Souviens-toi de sanctifier le jour du sabbat. » Dieu a le droit d’exiger de l’homme qu’il dédie à son culte un jour de la semaine, pendant lequel l’esprit, délivré des occupations matérielles, puisse s’élever et s’ouvrir à la pensée et à l’amour des choses célestes, en examinant dans le secret de sa conscience les devoirs envers son Créateur.

C’est aussi un droit, et même un besoin pour l’homme, de cesser par moments le dur travail quotidien, pour reposer ses membres fatigués, pour procurer à ses sens une honnête détente, pour fomenter dans la famille une union plus grande, qui ne peut être obtenue que par un contact fréquent et une sereine vie en commun de tous les membres de la famille.

La religion, la morale et l’hygiène sont d’accord sur la nécessité d’un repos régulier, que depuis des siècles l’Eglise traduit par la sanctification du dimanche, accompagnée de la participation au Saint Sacrifice de la messe, mémorial et application de l’œuvre rédemptrice du Christ aux âmes.

Avec une vive douleur, Nous devons constater et déplorer la négligence, sinon le mépris, de cette sainte loi, avec les conséquences néfastes que cela comporte pour le salut de l’âme et pour la santé du corps des chers ouvriers.

Au nom de Dieu et dans l’intérêt matériel et spirituel des hommes, Nous rappelons à tous, autorités, patrons et ouvriers, l’observance du commandement de Dieu et de l’Eglise, en mettant chacun d’entre eux devant la grave responsabilité qu’il encourt aux yeux de Dieu et vis-à-vis de la société.

Engagement renouvelé

Il serait cependant erroné de déduire de ce que Nous avons brièvement exposé ci-dessus que Nos fils, surtout les laïcs, doivent chercher avec prudence à diminuer leur engagement chrétien dans le monde. Ils doivent, au contraire, le renouveler et l’accentuer.

Le Seigneur, dans sa prière sublime pour l’unité de l’Eglise ne demande pas au Père de retirer les siens du monde, mais de les préserver du mal : « Je ne te prie pas de les retirer du monde, mais de les garder du mal. » Il ne faut pas créer d’opposition artificielle là où elle n’existe pas, entre la perfection personnelle et l’activité de chacun dans le monde, comme si on ne pouvait se perfectionner qu’en cessant d’exercer une activité temporelle, ou comme si le fait d’exercer ces activités compromettait fatalement notre dignité d’homme et le croyant.

Il est, au contraire, parfaitement conforme au plan de la Providence que chacun se perfectionne par son travail quotidien, qui, pour la presque totalité du genre humain, est un travail à matière et finalité temporelles. L’Église affronte aujourd’hui une tâche immense : donner un accent humain et chrétien à la civilisation moderne, accent que cette civilisation même réclame, implore presque, pour le bien de son développement et de son existence même. Comme Nous y avons fait allusion, l’Eglise accomplit cette tâche surtout par le moyen de ses fils, les laïcs, qui, dans ce but, doivent se sentir engagés à exercer leurs activités professionnelles comme l’accomplissement d’un devoir, comme un service que l’on rend, en union intime avec Dieu, dans le Christ et pour sa gloire, comme l’indique l’apôtre saint Paul : « Soit donc que vous mangiez, soit que vous buviez et quoi que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu. » « Quoi que volts puissiez dire ou faire, que ce soit toujours au nom du Seigneur Jésus, rendant par lui grâces au Dieu Père. »

Une plus grande efficacité dans les activités temporelles

Lorsque dans les activités et les institutions temporelles on s’ouvre aux valeurs spirituelles et aux fins surnaturelles, leur efficacité propre et immédiate se renforce d’autant. La parole du divin Maître reste toujours vraie : « Cherchez avant tout le royaume de Dieu et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît. »

Car celui qui est devenu « lumière du Seigneur » et qui marche comme « un fils de la lumière » perçoit plus sûrement les exigences fondamentales de la justice, même dans les domaines les plus complexes et les plus difficiles de l’ordre temporel, ceux dans lesquels bien souvent les égoïsmes des individus, des groupes et des races, s’insinuent et répandent d’épais brouillards. Celui qui est animé par la charité du Christ se sent uni aux autres et éprouve les besoins, les souffrances et les joies des autres comme les siennes propres.

En conséquence, l’action de chacun, quelqu’en soit l’objet ou quel que soit le milieu où elle s’exerce, ne peut pas ne pas être plus désintéressée, plus vigoureuse, plus humaine, puisque la charité « est patiente, elle est bienveillante..., elle ne cherche pas son intérêt..., elle ne se réjouit pas de l’injustice, mais met sa joie dans la vérité..., elle espère tout, elle supporte tout » .

Membres vivants du Corps mystique du Christ

Mais Nous ne pouvons pas conclure Notre encyclique sans rappeler une autre vérité qui est en même temps une sublime réalité, c’est-à-dire que nous sommes les membres vivants du Corps mystique du Christ, qui est l’Eglise : « De même, en effet, que le corps est un, tout en ayant plusieurs membres, et que tous les membres du corps, en dépit de leur pluralité, ne forment qu’un seul corps ; ainsi en est-il du Christ. »

Nous invitons avec une paternelle insistance tous Nos fils, qui appartiennent tant au clergé qu’au laïcat, à prendre profondément conscience de la dignité si haute d’être entés sur le Christ, comme les sarments sur la vigne : « Je suis la vigne, vous êtes les sarments » , et d’être appelés par conséquent à vivre de sa vie. Si bien que lorsque chacun exerce ses propres activités, même d’ordre temporel, en union avec le divin Rédempteur Jésus, tout travail devient comme une continuation de son travail et pénétré de vertu rédemptrice : « Celui qui demeure en moi comme moi en lui, celui-là porte beaucoup de fruits. » Le travail, grâce auquel on réalise sa propre perfection surnaturelle, contribue à répandre sur les autres les fruits de la Rédemption, et la civilisation dans laquelle on vit et travaille est pénétrée du levain évangélique.

Notre époque est envahie et pénétrée d’erreurs fondamentales, elle est en proie à de profonds désordres ; cependant, elle est aussi une époque qui ouvre à l’Eglise des possibilités immenses de faire le bien.

Chers frères et fils, le regard que nous avons pu porter ensemble sur les divers problèmes de la vie sociale contemporaine, depuis les premières lumières de l’enseignement du Pape Léon XIII, Nous a amené à développer toute une suite de constatations et de propositions, sur lesquelles Nous vous invitons à vous arrêter, pour les méditer et pour nous encourager à collaborer chacun pour notre part à la réalisation du règne du christ sur la terre : « Règne de vérité et de vie ; règne de sainteté et de grâce : règne de justice, d’amour et de paix » , qui nous assure la jouissance des biens célestes, pour lesquels nous sommes créés et que nous appelons de tous nos vœux.

En effet, il s’agit de la doctrine de l’Eglise catholique et apostolique, Mère et éducatrice de tous les peuples, dont la lumière illumine et enflamme ; dont la voix pleine de céleste sagesse appartient à tous les temps ; dont la force apporte toujours un remède efficace et adapté aux nécessités croissantes des hommes, aux difficultés et aux craintes de la vie présente, A cette voix répond la voix antique du Psalmiste qui ne cesse de réconforter et de soulever nos âmes ; « J’écoute ! Que dit Yahvé ? Ce que Dieu dit, c’est la paix pour son peuple, ses amis, pourvu qu’ils ne reviennent à leur folie... La vérité et la bonté se rencontrent ; la justice et la paix s’embrassent, La vérité germera de la terre et des cieux la justice se penchera. Yahvé lui-même donne le bonheur et notre terre donne son fruit ; la justice marchera devant lui et la paix sur la trace de ses pas. »

Tels sont les vœux, vénérables frères, que Nous formulons en conclusion de cette lettre, à laquelle Nous avons depuis longtemps appliqué Notre sollicitude pour l’Eglise universelle. Nous les formulons pour que le divin Rédempteur des hommes, « qui de par Dieu est devenu pour nous sagesse, justice et sanctification, et rédemption » , règne et triomphe à travers les siècles en tous et sur toutes choses. Nous les formulons encore pour qu’après le rétablissement de la société dans l’ordre, tous les peuples jouissent finalement de la prospérité, de la joie et de la paix.

Comme présage de ces vœux et en gage de Notre paternelle bienveillance, que descende sur vous la Bénédiction apostolique que de grand cœur Nous accordons dans le Seigneur à vous, vénérables frères, et à tous les fidèles confiés à votre ministère, spécialement à ceux qui répondront avec ardeur à Notre exhortation.

Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 15 mai 1961, troisième de Notre pontificat.


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