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 - 16 avril 2024 - Saint Benoît-Joseph Labre
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Pacem in Terris

Rapports entre les hommes et les pouvoirs publics au sein de chaque communauté politique

Nécessité de l’autorité ; son origine divine

46 - A la vie en société manqueraient l’ordre et la fécondité sans la présence d’hommes légitimement investis de l’autorité et qui assurent la sauvegarde des institutions et pourvoient dans une mesure suffisante au bien commun. Leur autorité, ils la tiennent tout entière de Dieu, comme l’enseigne sait Paul : « Il n’est pas d’autorité qui ne vienne de Dieu (. » La doctrine de l’Apôtre est ainsi expliquée par saint Jean Chrysostome : « Que voulez-vous dire ? Chacun des gouvernants serait-il établi par Dieu dans sa fonction ? Ce n’est pas ce que j’affirme, répondra Paul ; je ne parle pas des individus revêtus du pouvoir, mais proprement de leur mandat. Qu’il y ait des pouvoirs publics, que des hommes commandent, que d’autres soient subordonnés et que tout n’arrive pas au hasard, voilà, dis-je, ce qui est le fait de la sagesse divine . » En d’autres termes : puisque Dieu a doté de sociabilité la créature humaine ; mais puisque nulle société « n’a de consistance sans un chef dont l’action efficace et unifiante mobilise tous les membres au service des buts communs, toute communauté humaine a besoin d’une autorité qui la régisse. Celle. ci, tout comme la société, a donc pour auteur la nature et du même coup Dieu lui. même . »

47 - Pour autant l’autorité n’échappe point à toute loi. Elle consiste précisément dans le pouvoir de commander selon la droite raison. Dés lors toute sa force impérative lui vient de l’ordre moral, lequel à son tour repose sur Dieu, son principe et sa fin. « L’ordre absolu des vivants et la fin même de l’homme - de l’homme libre, sujet de devoirs et de droits inviolables, de l’homme origine et fin de la société - regardent aussi la cité comme communauté nécessaire et dotée de l’autorité ; sans celle-ci pas d’existence, pas de vie pour le groupe... Suivant la droite raison et surtout la foi chrétienne, cet ordre universel trouve nécessairement son origine en Dieu, être personnel et notre Créateur à tous ; par conséquent les titres des pouvoirs publics se ramènent à une certaine participation de l’autorité divine elle. même . »

48 - Aussi bien, si le pouvoir s’appuie exclusivement ou principalement sur la menace et la crainte des sanctions pénales ou sur la promesse des récompenses, son action ne réussit aucunement à susciter la recherche du bien commun ; y parviendrait-il, ce serait d’une façon étrangère à la dignité de l’homme, être libre et raisonnable. L’autorité est avant tout une force morale. Ses détenteurs doivent donc faire appel, en premier lieu à la conscience, au devoir qui incombe à tous de servir avec empressement les intérêts communs. Mais les hommes sont tous égaux en dignité naturelle ; aucun n’a le pouvoir de déterminer chez un autre le consentement intime ; ce pouvoir est réservé à Dieu, le seul qui scrute et qui juge les décisions secrètes de chacun.

49 - Par suite, l’autorité humaine ne peut lier les consciences que dans la mesure où elle se relie à l’autorité de Dieu et en constitue une participation .

50 - Ainsi se trouve garantie la dignité même des citoyens, car l’obéissance qu’ils rendent aux détenteurs de l’autorité ne va pas à des hommes comme tels ; elle est un hommage adressé à Dieu, Créateur et Providence, qui a soumis les rapports humains à l’ordre qu’il a lui-même établi. Et, bien loin de nous abaisser en rendant à Dieu le respect qui lui est dû, nous ne faisons en cela que nous élever et nous ennoblir, puisque c’est régner que servir Dieu .

51 - L’autorité exigée par l’ordre moral émane de Dieu. Si donc il arrive aux dirigeants d’édicter des lois ou de prendre des mesures contraires à cet ordre moral et par conséquent, à la volonté divine, ces dispositions ne peuvent obliger les consciences, car « il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes (34) ». Bien plus, en pareil cas, l’autorité cesse d’être elle-même et dégénère en oppression. « La législation humaine ne revêt le caractère de loi qu’autant qu’elle se conforme à la juste raison ; d’où il appert qu’elle tient sa vigueur de la loi éternelle. Mais dans la mesure où elle s’écarte de la raison, on la déclare injuste, elle ne vérifie pas la notion de loi, elle est plutôt une forme de la violence . »

52 - L’origine divine de l’autorité n’enlève aucunement aux hommes le pouvoir d’élire leurs gouvernants, de définir la forme de l’Etat ou d’imposer des règles et des bornes à l’exercice de l’autorité. Ainsi la doctrine que Nous venons d’exposer convient à toute espèce de régime vraiment démocratique .

La réalisation du bien commun, raison d’être des pouvoirs publics

53 - Tous les individus et tous les corps intermédiaires sont tenus de concourir, chacun dans sa sphère, au bien de l’ensemble. Et c’est en harmonie avec celui-ci qu’ils doivent pour. suivre leurs propres intérêts et suivre, dans leurs apports - en biens et en services - les orientations que fixent les pouvoirs publics selon les normes de la justice et dans les formes et limites de leur compétence. Les actes commandés par l’autorité devront être parfaitement corrects en eux-mêmes, d’un contenu moralement bon, ou tout au moins susceptible d’être orienté au bien.

54 - Toutefois, la fonction gouvernementale n’ayant de sens qu’en vue du bien commun, les dispositions prises par ses titulaires doivent à la fois respecter la véritable nature de ce bien et tenir compte de la situation du moment .

Aspects fondamentaux du bien commun

55 - Les particularités ethniques qui distinguent les différents groupes humains s’inscrivent dans l’aire du bien commun, sans suffire pour autant à sa définition complète . Ce bien commun ne peut être défini doctrinalement dans ses aspects essentiels et les plus profonds, ni non plus être déterminé historiquement qu’en référence à l’homme ; il est, en effet, un élément essentiellement relatif à la nature humaine .

56 - Ensuite, la nature même de ce bien impose que tous les citoyens y aient leur part, sous des modalités diverses d’après l’emploi, le mérite et la condition de chacun. C’est pourquoi l’effort des pouvoirs publics doit tendre à servir les intérêts de tous sans favoritisme à l’égard de tel particulier ou de telle classe de la société. Notre prédécesseur Léon XIII le disait en ces termes : « On ne saurait en aucune façon permettre que l’autorité civile tourne au profit d’un seul ou d’un petit nombre, car elle a été instituée pour le bien commun de tous . » Mais des considérations de justice et d’équité dicteront parfois aux responsables de l’Etat une sollicitude particulière pour les membres les plus faibles du corps social, moins armés pour la défense de leurs droits et de leurs intérêts légitimes .

57 - Ici Nous devons attirer l’attention sur le fait que le bien commun concerne l’homme tout entier, avec ses besoins tant spirituels que matériels. Conçu de la sorte, le bien commun réclame des gouvernements une politique appropriée, respectueuse de la hiérarchie des valeurs, ménageant en juste proportion au corps et à l’âme les ressources qui leur conviennent .

58 - Ces principes sont en parfaite harmonie avec ce que Nous avons exposé dans Notre encyclique Mater et Magistra : « le bien commun embrasse l’ensemble des conditions de vie en société qui permettent à l’homme d’atteindre sa perfection propre de façon plus complète et plus aisée . »

59 - Composé d’un corps et d’une âme immortelle, l’homme ne peut, au cours de cette existence mortelle, satisfaire à toutes les requêtes de sa nature ni atteindre le bonheur parfait. Aussi les moyens mis en œuvre au profit du bien commun ne peuvent-ils faire obstacle au salut éternel des hommes, mais encore doivent-ils y aider positivement .

Rôles des pouvoirs publics à l’égard des droits et des devoirs de la personne

60 - Pour la pensée contemporaine, le bien commun réside surtout dans la sauvegarde des droits et des devoirs de la personne humaine ; dès lors le rôle des gouvernants consiste surtout à garantir la reconnaissance et le respect des droits, leur conciliation mutuelle, leur défense et leur expansion, et en conséquence à faciliter à chaque citoyen l’accomplissement de ses devoirs. Car « la mission essentielle de toute autorité politique est de protéger les droits inviolables de l’être humain et de faire en sorte que chacun s’acquitte plus aisément de sa fonction particulière . »

61 - C’est pourquoi si les pouvoirs publics viennent à méconnaître ou à violer les droits de l’homme, non seulement ils manquent au devoir de leur charge, mais leurs dispositions sont dépourvues de toute valeur juridique .

Conciliation harmonieuse et protection efficace des droits et des devoirs de la personne

62 - C’est donc là un devoir fondamental des pouvoirs publics d’ordonner les rapports juridiques des citoyens entre eux, de manière que l’exercice des droits chez les uns n’empêche ou ne compromette pas chez les autres le même usage et s’accompagne de l’accomplissement des devoirs correspondants. Il s’agit enfin de maintenir l’intégrité des droits pour tout le monde et de la rétablir en cas de violation .

Promotion des droits de la personne

63 - Il incombe encore aux pouvoirs publics de contribuer à la création d’un état de choses qui facilite à chacun la défense de ses droits et l’accomplissement de ses devoirs. Car l’expérience nous montre que si l’autorité n’agit pas opportunément en matière économique, sociale ou culturelle, des inégalités s’accentuent entre les citoyens, surtout à notre époque, au point que les droits fondamentaux de la personne restent sans portée efficace et que soit compromis l’accomplissement des devoirs correspondants.

64 - II est donc indispensable que les pouvoirs publics se préoccupent de favoriser l’aménagement social parallèlement au progrès économique ; ainsi veilleront-ils à développer dans la mesure de la productivité nationale des services essentiels tels que le réseau routier, les moyens de transport et de communication, la distribution d’eau potable, l’habitat, l’assistance sanitaire, l’instruction, les conditions propices à la pratique religieuse, les loisirs. Ils s’appliqueront à organiser des systèmes d’assurances pour les cas d’événements malheureux et d’accroissement de charges familiales, de sorte qu’aucun être humain ne vienne à manquer des ressources indispensables pour mener une vie décente. Ils auront soin que les ouvriers en état de travailler trouvent un emploi proportionné à leurs capacités ; que chacun d’eux reçoive le salaire conforme à la justice et à l’équité ; que les travailleurs puissent se sentir responsables dans les entreprises ; qu’on puisse constituer opportunément des corps intermédiaires qui ajoutent à l’aisance et à la fécondité des rapports sociaux ; qu’à tous enfin les biens de la culture soient accessibles sous la forme et au niveau appropriés.

Équilibre entre les deux formes d’action des pouvoirs publics

65 - L’intérêt commun exige que les pouvoirs publics, en ce qui concerne les droits de la personne, exercent une double action : l’une de conciliation et de protection, l’autre de valorisation, tout en veillant soigneusement à leur judicieux équilibre. D’une part, on veillera à ce que la prédominance accordée à des individus ou à certains groupes n’installe dans la nation des situations privilégiées ; par ailleurs, le souci de sauvegarder les droits de tous ne doit pas déterminer une politique qui, par une singulière contradiction, réduirait excessivement ou rendrait impossible le plein exercice de ces mêmes droits. « Une chose demeure acquise : l’action de l’Etat en matière économique, si loin qu’elle porte, si profondément qu’elle atteigne les ressorts de la société, ne peut supprimer la liberté d’action des individus ; elle doit au contraire la favoriser, pourvu que soient sauvegardés les droits essentiels de chaque personne humaine . »

66 - C’est toujours à cet équilibre que doivent tendre les multiples efforts entrepris par les pouvoirs publics pour faciliter aux citoyens la jouissance de leurs droits et leur rendre moins ardu l’accomplissement de leurs obligations dans tous les secteurs de la vie sociale.

Structure et fonctionnement des pouvoirs publics

67 - Il est impossible de définir une fois pour toutes quelle est la structure la meilleure pour l’organisation des pouvoirs publics, et selon quelles formules s’exerceront le mieux les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire.

68 - En effet, pour déterminer la forme du gouvernement et les modalités de son fonctionnement, la situation particulière et les circonstances historiques de chaque peuple sont d’un très grand poids ; or, elles varient selon les temps et les lieux. Cependant, Nous estimons conforme aux données de la nature humaine l’organisation politique des communautés humaines fondées sur une convenable division des pouvoirs, correspondant aux trois fonctions principales de l’autorité publique. En effet, dans ce régime sont définis en termes de droit non seulement les attributions et le fonctionnement des pouvoirs publics, mais aussi les rapports entre simples citoyens et représentants de l’autorité, ce qui constitue, pour les premiers, une garantie dans l’exercice de leurs droits et l’accomplissement de leurs devoirs.

69 - Toutefois, pour qu’un système juridique et politique de ce genre procure les avantages escomptés, il faut que, dans leur action et dans leurs méthodes, les pouvoirs publics soient conscients de la nature et de la complexité des problèmes qu’ils sont appelés à résoudre conformément aux conjonctures du pays. Et il est indispensable que chacun d’eux exerce de façon pertinente sa propre fonction. Cela suppose que le pouvoir législatif s’exerce dans les limites prescrites par l’ordre moral et par les normes constitutionnelles, et qu’il interprète objectivement les exigences du bien commun dans l’évolution continuelle des situations ; que le pouvoir exécutif fasse régner partout le droit, à la lumière d’une parfaite connaissance des lois et d’une consciencieuse analyse des circonstances ; que le pouvoir judiciaire administre la justice avec une impartialité pénétrée de sens humain, et soit inflexible en face des pressions dictées par l’intérêt des parties en cause. Le bon ordre veut enfin que les citoyens non moins que les corps intermédiaires, dans l’exercice de leurs droits et l’accomplissement de leurs devoirs, bénéficient d’une protection juridique efficace tant dans leurs rapports réciproques que dans leurs rapports avec les agents publics .

Ordre juridique et conscience morale

70 - Un ordre juridique en harmonie avec l’ordre moral et répondant au degré de sa maturité politique dont il est l’expression constitue sans aucun doute un facteur fondamental pour la réalisation du bien commun.

71 - Mais à notre époque, la vie sociale est si variée, complexe et dynamique, que les dispositions juridiques, même si elles sont le fruit d’une expérience consommée et de la plus sage prévoyance, apparaissent toujours insuffisantes.

72 - De plus, les rapports des particuliers entre eux, ceux des individus ou des corps intermédiaires avec les pouvoirs publics, ceux enfin qui existent entre les divers organes du pouvoir au sein d’un même Etat, posent parfois des problèmes compliqués et délicats au point de ne pas trouver leur solution adéquate dans les cadres juridiques bien définis. En pareil cas, les gouvernants pour être à la fois fidèles à l’ordre juridique existant, considéré dans ses éléments et dans son inspiration profonde, et ouverts aux appels qui montent de la vie sociale pour savoir adapter le cadre juridique à l’évolution des situations et résoudre au mieux des problèmes sans cesse nouveaux, doivent avoir des idées claires sur la nature et l’ampleur de leur charge ; il leur faut un équilibre, une droiture morale, une pénétration, un sens pratique qui leur permettent d’interpréter rapidement et objectivement les cas concrets, et une volonté décidée et vigoureuse pour agir avec promptitude et efficacité .

Participation des citoyens à la vie publique

73 - Que les citoyens puissent prendre une part active à la vie publique, c’est là un droit inhérent à leur dignité de personnes, encore que les modalités de cette participation soient subordonnées au degré de maturité atteint par la communauté politique dont ils sont membres et dans laquelle ils agissent.

74 - Cette faculté d’intervention ouvre aux êtres humains de nouvelles et vastes possibilités de service à rendre. Invités à multiplier les contacts et les échanges avec leurs administrés, les dirigeants comprennent mieux les exigences objectives du bien commun ; par ailleurs, le renouvellement périodique des titulaires des charges publiques préserve l’autorité de tout vieillissement et lui procure comme un regain de vitalité en harmonie avec l’avance de la société .

Signes des temps

75 - Dans l’organisation juridique des communautés politiques à l’époque moderne, on note tout d’abord une tendance à rédiger en des formules claires et concises une charte des droits fondamentaux de l’homme : charte qui est souvent insérée dans les Constitutions ou en constitue une partie intégrante.

76 - En second lieu, on tend à fixer en termes juridiques, dans ces Constitutions, le mode de désignation des mandataires publics, leurs rapports réciproques, le rayon de leurs compétences, et enfin les moyens et modes qu’ils sont tenus d’observer dans leur gestion.

77 - On établit enfin, en termes de droits et de devoirs, quels sont les rapports entre citoyens et pouvoirs publics ; et on assigne à l’autorité le rôle primordial de reconnaître et de respecter les droits et les devoirs des citoyens, d’en assurer la conciliation réciproque, la défense et le développement.

78 - On ne peut, certes, admettre la théorie selon laquelle la seule volonté des hommes - individus ou groupes sociaux - serait la source unique et première d’où naîtraient droits et devoirs des citoyens, et d’où dériveraient la force obligatoire. des constitutions et l’autorité des pouvoirs publics .

79 - Toutefois, les tendances que Nous venons de relever le prouvent à suffisance : les hommes de notre temps ont acquis une conscience plus vive de leur dignité ; ce qui les amène à prendre une part active aux affaires publiques et à exiger que les stipulations du droit positif des États garantissent l’inviolabilité de leurs droits personnels. Ils exigent en outre que les gouvernants n’accèdent au pouvoir que suivant une procédure définie par les lois et n’exercent leur autorité que dans les limites de celles-ci.


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