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 - 24 avril 2024 - Sainte Marie-Euphrasie Pelletier
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Homélie

15ème dimanche du temps Ordinaire,

Comment ne pas être frappé par le contraste entre notre monde qui aime tant le bruit, du plus ridicule au plus inquiétant, nous en avons eu l’illustration cette semaine encore, et l’attitude du Seigneur qui appelle et envoie ses messagers dans ce monde étrange, où il est presque devenu un étranger ?

Reprenons les faits. L’histoire commence il y a bien longtemps, au temps des premiers successeurs du roi Salomon. Jéroboam Ier avait consacré la division du royaume d’Israël en deux, prenant le contrôle du Royaume du Nord et réhabilitant deux de ses temples majeurs : celui de Dan, près des sources du Jourdain, et celui de Béthel, au sud de son royaume. Ils devaient détourner le peuple de Jérusalem, capitale du Royaume du Sud…

Le Seigneur a vu les veaux d’or érigés dans ces temples, il a entendu le cri de son peuple opprimé par de mauvais rois. Il a donc envoyé un prophète pour dénoncer le détournement et les injustices sociales. Il a choisi Amos, riche propriétaire terrien de la prospère Téqoa, bourgade proche de Jérusalem.

On peut imaginer la position de faiblesse d’Amos quand il se présente à Béthel : il est un étranger sur cette terre, et, lui qui vit dans l’aisance, il vient reprocher aux notables leur train de vie. Mais ces considérations sont celles du monde. En réalité, Amos, par la précarité de sa position, est totalement libre de parler au nom de Dieu. S’il parle, c’est parce que le Seigneur l’a envoyé.

Le court dialogue entre Amazias et Amos nous confirme qu’il s’agit bien d’une opposition entre le monde et le royaume de Dieu. Le prêtre qualifie Béthel de « sanctuaire royal » quand le prophète vient rappeler que Béthel signifie « maison de Dieu ».

Pourtant, si les conditions de ce ministère prophétique sont originales, l’aventure tournera court. Bientôt Amos sera contraint au silence et renvoyé dans sa campagne. Que fait le Seigneur ? Pourquoi tarde-t-il à intervenir en faveur des siens ? Pourquoi se laisse-t-il mettre en échec ?

Et voici, dans l’évangile, Jésus appelant ses disciples. Il les envoie deux par deux. Il les oblige à un état de pauvreté réel. Pas de besace qui contienne un morceau de pain ni une pièce d’argent. Pas de tunique de rechange. Il leur faut vivre abandonnés à la Providence. Jésus tient à cette pauvreté. Les disciples sont pauvres, mais ils ne sont cependant pas démunis : Jésus leur confie le pouvoir de chasser les démons. Le Seigneur enseigne ainsi que les aides matérielles ne sont pas aussi précieuses que les armes spirituelles.

La première arme est donc l’autorité reçue sur les esprits mauvais. Elle arrive en tête de liste, bien avant toute autre. Cela nous montre que l’évangélisation n’est pas une dogmatisation. On fait bien des procès d’intention aux chrétiens dès qu’ils annoncent le nom de Jésus. L’évangile nous montre que la question de l’évangélisation n’est vraiment pas celle d’un endoctrinement, elle n’est pas celle de démontrer qu’une théorie est valide ou supérieure à une autre. L’évangélisation est une délivrance. Leur annoncer l’évangile est délivrer nos frères ! Leur permettre d’accéder à la vérité qui les rendra libres.

Mais le plus surprenant est à venir. Jésus envoie en effet ses disciples par les chemins, mais il ne leur donne pas explicitement de message à transmettre. Il n’y a pas de programme préétabli. La situation précaire dans laquelle Jésus place ses apôtres ouvre donc à une obéissance radicale. La même que celle qui permet la multiplication des pains. « Donnez-leur vous-mêmes à manger » leur dira-t-il. Avant d’être envoyés pour annoncer, les disciples sont envoyés pour écouter, pour discerner quelle est la faim des hommes qu’ils rejoindront. Il leur faudra alors entendre quels chemins l’Esprit veut faire suivre à ceux qui leur sont confiés. Évangéliser, c’est écouter pour faire jaillir la vérité.

De plus, cette absence de programme explicite, ce silence de Jésus, va clairement de pair avec le fait d’envoyer les disciples deux par deux. La loi mosaïque spécifie, il est vrai, qu’un témoignage n’est valide qu’attesté par deux témoins. Ceux que Jésus envoie sont donc des témoins. Mais des témoins de quoi ? Peut-on être témoin du message que l’on transmet ? Oui, si ce message n’est pas un slogan mais l’amour. En les envoyant deux par deux, Jésus enseigne à ses disciples que leur façon de vivre doit être la première à parler de l’évangile. Ils doivent être reconnus pour ce qu’ils sont, les disciples de Jésus-Christ, à la façon dont ils s’aiment.

Mais où toutes ces remarques nous conduisent-elles ? Quel lien établir entre Amos et les Douze ? Simplement : il est bien des situations où nous voudrions que Dieu parle. Qu’il dise haut et fort sa façon de voir. La façon dont nous devrions voir. Il est bien des situations où nous voudrions que le Seigneur nous dise qu’elle vérité asséner à notre monde qui va si mal pour rétablir la vérité et la paix. Nous voulons un Dieu qui répond et qui parle !

Le Seigneur le fait, mais pas en ajoutant du bruit à notre vacarme. Il nous introduit dans son silence. Le Dieu d’Israël reste silencieux devant le rejet d’Amos. Jésus reste silencieux à propos des thèmes de la prédication des disciples qu’il envoie. Ainsi tout converge vers le silence des autels. Là, Dieu donne sa réponse, dans la plus grande discrétion. Jésus se livre, loin des bruits du monde, et attire tout à lui. Les combats d’Amos, la pauvreté des disciples, la charité qui unit les apôtres, tout converge vers cet autel où Dieu se donne et devant lequel tout genou fléchit.

Tout converge, car, nous dit saint Paul, Dieu « projetait de saisir l’univers entier : ce qui est au ciel et ce qui est sur la terre, en réunissant tout sous un seul chef, le Christ ». Voilà le cœur de notre appel et la raison de notre mission : « Il nous a d’avance destinés à devenir pour lui des fils par Jésus Christ, voilà ce qu’il a voulu dans sa bienveillance à la louange de sa gloire ».

Nous voulions un Dieu qui prend position dans nos débats, voici notre Seigneur qui, par grâce, nous révèle le mystère de sa volonté. Accueillons-la comme elle se donne. Faisons silence en nos âmes pour la laisser s’y établir. Laissons-là transfigurer nos vies. Ainsi nous entrainerons nos frères vers « le jour de la délivrance finale » ; devenus de parfaits missionnaires, toute notre vie sera une hymne « à la louange de sa gloire ».


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