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 - 16 avril 2024 - Saint Benoît-Joseph Labre
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Homélie

Transfiguration du Seigneur

Il est bien de passages bibliques qui nous semblent encore exotiques. Nous les fréquentons peu parce qu’ils déconcertent. Il y a certes un aspect un peu fascinant à entendre le livre de Daniel décrire le Vieillard prendre place sur son trône « fait de flammes de feu », avec « son habit blanc comme la neige, et les cheveux de sa tête comme de la laine immaculée ». Mais il y a aussi un aspect fantastique qui peut mener à prendre une distance critique. Or ces textes ne cherchent ni à susciter l’effroi ni à amuser : ils portent un message de paix et de victoire.

Ce message est porté par un être assez exceptionnel : « Je voyais venir, raconte le prophète, avec les nuées du ciel, comme un Fils d’homme ». Un fils d’homme, cela veut dire qu’il est un homme, vraiment un homme. Les nuées du ciel désignent la manifestation de Dieu. Voici donc venir un homme qui révèle la gloire de Dieu. Si nous prenions le temps d’étudier cette figure du livre de Daniel nous découvririons également sa dimension collective, un homme qui récapitule l’humain en quelque sorte.

Il ne nous apparaît pas étonnant dès lors que Jésus ait pu reconnaître dans cette page l’annonce de sa propre mission. Jésus est effectivement Dieu qui vient marcher sur les routes des hommes. Mais il ne se désigne pas exactement comme un « fils d’homme » ; quand il parle de lui-même, Jésus dit « fils de l’homme ». Il introduit un déterminant qui souligne l’unicité et éclaire les nuées célestes d’une lumière inattendue. L’Emmanuel, Dieu avec nous, est le Dieu qui souffre avec nous, le Dieu qui souffre pour nous. Ainsi se manifeste sa gloire, ainsi se manifeste notre pauvreté. La royauté divine ne se dit pas seulement dans l’éclat des visions apocalyptiques mais aussi dans l’humilité de Nazareth et dans l’isolement de Gethsémani.

Cette clé de lecture est essentielle. Rend-elle caduque le livre de Daniel ? Non, le psaume reprend le même thème avec entrain : « Quand ses éclairs illuminèrent le monde, la terre le vit et s’affola ; les montagnes fondaient comme cire, devant le maître de toute la terre ». Telle est bien la royauté de notre Dieu. Le psalmiste reprend dans les codes bibliques ce que les mots du langage humain ne peuvent dire. Mais la question n’est pas d’évaluer la possible authenticité de l’éclat de la gloire de Dieu, puisque sa puissance est indéniable : les premières merveilles qu’on lui connaît sont d’avoir libéré son peuple et de l’avoir conduit à la terre promise. La question est de découvrir où et comment sa gloire se révèle.

Pour y répondre, nous sommes démunis et pauvres comme Pierre, Jacques et Jean que Jésus emmène sur la montagne. Ils sont pris au dépourvu. Ils ne savent pas où ils vont. Ils n’emmènent aucune provision, aucun équipement. Tout repose sur le Maître. Ils entreprennent une ascension sur laquelle ils n’ont aucune prise. Ils sont pris et ensevelis par le mystère. Ils goûtent un de ces moments délicieux où la raison et l’amour sont dépassés par l’objet de leur quête et reçoivent plus qu’ils ne peuvent le concevoir.

Nous savons, nous qui avons traversé l’histoire jusqu’ à son terme, qu’ils en avaient bien besoin. Après la vision, le silence les attend. Après l’invitation à voir, l’ordre de se taire. Après la douceur de la gloire de Dieu, l’horreur de la Passion de Jésus. Il y a un temps pour découvrir le visage lumineux du Fils de l’Homme et un temps de découvrir le visage souffrant du Messie. L’un ne remplace pas l’autre, l’un n’est pas simplement la préparation de l’autre, mais les deux éclairent la même réalité sous deux jours différents et complémentaires. Le Fils de l’Homme règne avec puissance et éclat sur le monde entier, il récapitule toute humanité. Il révèle le même amour, qu’il soit dévoilé entre Moïse et Elie ou entre les deux larrons du Golgotha.

Mais la fête de la Transfiguration annonce aussi une autre réalité, plus simple et peut-être plus grande. Dans sa miséricorde, Dieu désire se révéler aux hommes. La lumière du Thabor veut se révéler. Elle veut se dire. Il y a en elle quelque chose de si simple qu’on la dirait volontiers enfantine. Le désir innocent de susciter la surprise et de partager la joie qu’elle porte en elle.

Voilà sans doute ce que saint Pierre a découvert en haut de cette montagne. Il nous dit en effet dans la deuxième lecture : « pour vous faire connaître la puissance et la venue de notre Seigneur Jésus Christ, nous n’avons pas eu recours aux inventions des récits mythologiques, mais nous l’avons contemplé lui-même dans sa grandeur ». Résumons-le : « Pour vous faire connaître la puissance et la venue de notre Seigneur Jésus (…) nous l’avons contemplé dans sa grandeur ». Le meilleur moyen de faire connaître le vrai visage de notre Seigneur est de le contempler. Le poids de sa gloire, la puissance de son amour, la souffrance de son cœur, la simplicité de sa joie, ne peuvent être dites autrement qu’en gardant le silence qu’impose Jésus. Un silence qui porte à l’adoration, le silence d’où la lumière du Thabor a jailli et où elle retourne en attendant le jour de sa pleine manifestation.

Pour nous, il ne reste que l’ordre divin, clamé du nuage : « Écoutez-le ». Écouter et obéir sont cousins germains. Il nous faut donc obéir à Jésus qui dit de monter avec lui sur la montagne. Obéir à Jésus qui commande le silence. Obéir à Jésus qui entraîne vers Jérusalem en gardant les yeux fixés sur les réalités d’en haut, pour être sûrs de bien voir celles d’en bas.

Au cœur de l’été, la Transfiguration est donc une invitation à la contemplation, à se laisser transfigurer par celui que notre amour contemple. Donne-nous Seigneur Jésus de savoir te reconnaître et contempler ta gloire, pour que nous puissions te faire connaître à notre tour, par la joie et simple et communicative de ceux qui sont entrés dans le mystère de ta miséricorde.


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