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 - 16 avril 2024 - Saint Benoît-Joseph Labre
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Homélie

Martyre de Saint Jean Baptiste

Nous le savons bien, l’esprit du monde n’est pas celui de l’évangile ; la vie dans l’Esprit ne souffre aucune compromission avec les affaires du monde. Aussi la vie de saint Jean-Baptiste nous trouble-t-elle quelque peu. Il est unique (sanctifié dès le sein de sa mère) et exemplaire (la liturgie nous donne souvent de le fréquenter et elle célèbre même sa nativité), mais il est gênant. Il est tellement soumis à l’Esprit Saint, qu’il se retire du monde et vit au désert, qu’il se vêt de peaux de bête et se nourrit de sauterelles. Est-ce vraiment là l’idéal du chrétien ?

Et, au jour où nous faisons mémoire de son martyre, la question se fait plus pressante. Avons-nous à suivre de si près le saint pour lequel Jésus manifeste une telle admiration ? Autrement dit, pour être vraiment chrétienne, notre vie doit-elle se résumer à une longue ascèse couronnée par une mort violente ?

Bien entendu, nous sommes tous uniques et sujets d’une alliance particulière. Mais la question ne peut être gommée par un simple « chacun sa voie », car les saints sont tous un reflet du visage du Christ dans lequel nous avons à lire la grandeur du mystère de la rédemption. Chacun d’eux nous parle personnellement de ce que nous devons aspirer à vivre, quel que soit notre état de vie ou notre sensibilité.

Mais, avant d’abandonner nos maisons pour courir au désert, commençons par nous rappeler que la vie de Jean-Baptiste ne se résume pas à une série héroïque de sacrifices préparant et annonçant le sacrifice ultime de sa vie. Jean-Baptiste est avant tout celui qui a su discerner la présence du Christ au cœur du monde. Au jour du baptême du Seigneur, parmi une foule nombreuse, Jean-Baptiste est le seul qui a reconnu le Messie ! Et il l’a annoncé : « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ». Le point culminant de sa vie est là, l’exemple qu’il nous donne est celui-là. Tout le reste, même sa mort, accrédite le caractère prophétique de cette parole. C’est ainsi que nous avons à reconnaître le chrétien : sa proximité continuelle avec le Christ, la familiarité avec Jésus qu’il entretient précautionneusement chaque jour, lui permet de discerner la présence du Seigneur dans le monde et d’en témoigner.

Cette proximité est le fruit d’une ascèse certaine, d’efforts et de renoncements. Mais ils ne sont pas vécus comme tels. Personne n’a de résistance à quitter un bien pour un meilleur. Il est naturel aux baptisés d’orienter leur vie en fonction de sa source et de son terme. Or cette capacité, personne ne se la donne. Elle est offerte à ceux qui ont fait un choix pour le Christ, dont ils sont prêts à répondre à chaque instant de leur vie. Un choix inconditionnel, comme celui que fit Jean-Baptiste dès le sein de sa mère.

Malheureusement, nous avons tous fait l’expérience des limites de notre choix. Nous suivons le Seigneur jusqu’à ce qu’un événement nous révèle les conditions, inconscientes souvent, que nous avions posées. Préserver sa vie peut en être une. Ainsi méditer sur le sort de Jean-Baptiste peut nous révéler jusqu’où nous acceptons que notre vie soit mise en danger par notre appartenance au Christ. Plus probablement, cette méditation peut révéler que les conditions que nous posons sont bien en deçà d’un tel héroïsme : suivre le Christ, oui mais à condition que cela ne nuise pas à ma famille, à condition que cela ne me sépare pas de mes amis, à condition que je continue à faire ce que je veux, etc.

Plus généralement, on parlera de chrétiens « libéraux », ou « modérés », quelque fois on invoquera « la sagesse ». Comme si l’amour se négociait. Comme si les témoins comme Jean étaient une élite jouissant de grâces particulières pour une mission extraordinaire et inégalable. Oui, ils ont une place unique. Mais ne négligeons pas, par exemple, que nous ne savons rien de ce que Jean-Baptiste a pensé pendant ces événements dramatiques. Comment les a-t-il vécus ? Nous ne sommes pas assurés qu’il jouissait de la calme assurance du devoir accompli. Jésus a connu l’angoisse à Gethsémani, pourquoi Jean-Baptiste ne l’aurait-il pas connue dans sa prison ?

Ce n’est donc certainement pas un surhomme, désincarné et invulnérable, que nous vénérons aujourd’hui. Nous faisons mémoire de Jean, le Baptiste, témoin de Jésus-Christ, serviteur de l’Agneau par sa vie et par sa mort, un homme qui a montré jusqu’à l’oubli de soi que sa seule volonté était de servir le Seigneur, un homme qui a entendu la voix de l’Époux et qui en a fait un écho dans chaque instant de sa vie. En somme, un chrétien.

Saint Jean-Baptiste, vois notre faiblesse et intercède pour nous, afin que nous sachions retrouver la radicalité de la vie évangélique ; afin que nous redécouvrions la vraie sagesse, qui est de toujours vivre en fidélité avec l’évangile ; prie pour nous, afin que nous portions, là où le Seigneur nous a plantés, les fruits de sainteté agréables à Dieu notre Père.


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