mardi, 23ème semaine du temps ordinaire

« Jésus s’en alla dans la montagne pour prier, et il passa la nuit à prier Dieu ». Saint Luc est un homme cultivé, un médecin dit la tradition, un homme de lettres témoigne son évangile. Aussi, quand il souligne deux fois de suite que Jésus priait, cela ne saurait être un manque de style. La mission de Jésus découle de la relation unique qu’il vit avec son Père, la mission que Jésus confie à ses apôtres est elle aussi un fruit de cet échange ineffable entre le Père et le Fils.

Le lieu de la rencontre avec Dieu est la montagne. On pourrait avancer des considérations sur le symbolisme de la scène, c’est-à-dire qu’on pourrait voir dans cette mention un artifice littéraire pour souligner encore la prière de Jésus. Et comme « symbolique », dans nos esprits, n’est pas loin d’ « imaginaire », on peut vite songer à une mise en scène. Mais il n’en est pas ainsi dans la Bible. Le lieu est effectivement symbolique, c’est-à-dire qu’il relie le Ciel et la terre. La montagne est le lieu où Dieu parle à Moïse et à Elie. Jésus y est pour entendre la même voix, pour être couvert de la même nuée. Puis Jésus en descend, mouvement de l’Incarnation qui le pousse dans la plaine pour enseigner et pour guérir, comme Moïse retrouvait le peuple élu pour lui porter la parole reçue de Dieu.

Le Seigneur Jésus rejoint ainsi notre quotidien. Notre quotidien dans ce qu’il a de plus concret. Les apôtres qu’il se choisit, en effet, ne sont pas des inconnus. Nous les connaissons tous, nous pouvons aujourd’hui encore les appeler par leur nom. Ils ne sont pas différents de nous, ils sont pris dans nos familles.

Jésus en appelle douze. Evidemment, ce chiffre n’est pas un hasard. Il est celui des douze tribus dispersées. Par ce choix, Jésus montre qu’il s’adresse au peuple tout entier. L’heure ultime du rassemblement a sonné.

Le peuple nombreux l’attend et l’accueille. Les guérisons opérées attestent que la parole annoncée est pour le salut de tous. C’est à la fois pour l’entendre et pour être guéris que les foules viennent à lui.

En tout cela, nous sommes donc invités à cueillir le fruit de la prière intense et intime de Jésus sur la montagne. C’est là haut que la semence a germé, que la force s’est épanouie, que la volonté s’est affermie, que l’intelligence s’est éclairée, que l’amour est devenu vie. Dans ce lieu symbolique et concret, pendant les heures de la nuit. Une nuit tout entière consacrée écouter la voix de Dieu, à aimer sa présence.

S’il est des jours où nous pouvons oublier que nous devons imiter Jésus et préférons l’admirer, quand il guérit un lépreux ou ressuscite un enfant par exemple, il est aussi des jours où la simplicité et l’exigence de l’évangile s’imposent à nous. Jésus nous enseigne aujourd’hui que la prière est si essentielle à la vie qu’elle est prioritaire sur les fonctions vitales. Au point qu’il est des circonstances où il est préférable de prier plutôt que de manger ou de dormir. Au point que la vie ne peut s’épanouir et trouver son sens qu’en elle.

Certes, ce n’est pas tous les jours que Jésus appelle ses apôtres. Mais c’est tous les jours que nous cueillons les fruits de cet appel. Cette page d’évangile nous invite donc à redoubler de zèle dans l’offrande de nos vies par la prière, dans l’accueil de la grâce qui se donne à tous ceux qui la demandent. Si la prière est un devoir d’amour, une ascèse quelques fois, elle est d’abord un mode de vie en Dieu. Accueillons donc cette grâce de pureté, d’humilité, de sobriété, qui nous tient si près du cœur de Dieu que nous ne savons plus être autre chose que ses enfants.