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 - 28 mars 2024 - Saint Gontran
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Homélie

mercredi, 31ème semaine du temps ordinaire

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Auteur :

Père Joseph-Marie, fsj

La bible:

L’instant est solennel et dramatique. « De grandes foules » suivent Jésus ; elles adoptent le comportement du disciple, mais le sont-elles vraiment ? Notre-Seigneur ne cherche pas à faire du nombre ni à susciter un mouvement de masse. Il est venu pour annoncer le Royaume et inviter à la conversion. Or celle-ci implique un acte de rupture, car son Royaume n’est pas de ce monde. Pour acquérir la perle de grand prix, il faut vendre toutes les autres ; pour renaître d’eau et d’esprit, il faut rompre les liens de la chair. L’expression utilisée par Jésus, et que la traduction liturgique a rendu par la parole « préférer », est en fait beaucoup plus forte : « Si quelqu’un vient à moi sans haïr son père et sa mère,… il ne peut être mon disciple ». Le terme ne doit cependant pas tromper : Jésus a prêché l’amour et non la haine. Mais en araméen comme en hébreu, il n’y a pas d’intermédiaire entre aimer et haïr. « Venir à Jésus » implique l’aimer, « de tout notre cœur, de toute notre âme, de toute notre force » (Mc 12,33) ; et un tel attachement suppose de renoncer à tout autre lien affectif qui risquerait d’entrer en concurrence avec ce choix exclusif. C’est cette radicalité que veut exprimer le terme « haïr », qui souligne la rupture - la déchirure même - à laquelle doit consentir celui qui prétend devenir disciple.
Cette rupture n’épargne pas les relations les plus intimes et atteint le disciple jusqu’au cœur de son être, puisqu’il est même invité à renoncer à l’attachement le plus naturel, le plus spontané, le plus instinctif qui soit : l’attachement à sa propre vie. On ne peut dire plus clairement que l’option pour Jésus n’est pas seulement préférentielle : elle est exclusive ; elle est de l’ordre de la reddition, mais en toute liberté ; elle est comparable à un holocauste, mais un holocauste d’amour, à l’image du sacrifice auquel Notre-Seigneur le premier a consenti pour nous.
Depuis que le péché est entré dans le monde, la croix est plantée dans chacune de nos vies : inutile de la fuir, elle nous rattraperait toujours. Mais depuis que Jésus l’a délibérément assumée par solidarité avec notre humanité meurtrie, elle est devenu le lieu de la révélation de « l’amour fou » de Dieu pour nous. Tout comme Jésus a pu dire : « Le Père m’aime parce que je donne ma vie, pour la reprendre ensuite. Personne n’a pu me l’enlever : je la donne de moi-même. J’ai le pouvoir de la donner et le pouvoir de la reprendre : voilà le commandement que j’ai reçu de mon Père » (Jn 10,17-18), ainsi nous aussi nous sommes invités à faire de chacune de nos souffrances et finalement de notre mort elle-même, un sacrifice de louange, une offrande d’amour. Tout cela bien sûr dans l’obéissance de la foi en la Parole de Notre-Seigneur qui nous invite à « porter notre croix » pour marcher derrière lui sur le chemin de la vie.
En s’attachant à nous au point de partager notre condition humaine jusque dans la mort, Jésus a acquis le pouvoir de nous introduire dans sa vie. Mais nous ne participons à sa victoire que dans la mesure où à notre tour nous nous attachons à lui de manière radicale, au point de nous identifier à lui comme il s’est identifié à nous. Ce qui est en jeu, c’est la réciprocité de l’amour. C’est bien pourquoi Notre-Seigneur nous invite à prendre la mesure de l’exigence afin que nous ne nous engagions pas à la légère. Il serait vain en effet de se mettre en route à la suite de Jésus en prétendant garder une libre disposition de soi dans un domaine particulier : « celui qui ne renonce pas à tous ses biens » n’a rien donné, et « ne peut pas être mon disciple », car c’est d’une nouvelle naissance qu’il s’agit, et on ne coud pas une nouvelle pièce de tissu sur un vieux vêtement, pas plus qu’on ne met du vin nouveau dans de vieilles outres.
L’exigence du Seigneur n’a somme toute qu’un seul but : nous libérer de nos multiples aliénations, qui depuis le péché, nous empêchent d’aimer. Même nos relations les plus naturelles sont entachées de convoitise. Seul celui qui accepte la catharsis de ses affections désordonnées, peut entrer dans la vraie liberté, et participer à la construction du Royaume - symbolisé par la tour – en emportant la victoire sur l’Ennemi. Qu’importe que nous ne soyons qu’une poignée pour affronter un adversaire bien plus nombreux ? N’est-ce pas le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs qui combat pour nous et en nous ? « Le Seigneur est ma lumière et mon salut, de qui aurais-je peur ? Le Seigneur est le rempart de ma vie, devant qui tremblerais-je ? » (Ps 26 [27]). Tous les saints en sont un vivant témoignage : c’est parce qu’ils ont tout donné et se sont livrés sans réserve à leur Seigneur, que celui-ci a pu déployer dans leur vie toute sa puissance, leur rendant dès ici-bas et au centuple, ce à quoi ils avaient renoncé par amour pour lui.
« Travaillons donc à notre salut dans la crainte de Dieu et en tremblant » (1ère lect.). Demandons-lui de nous révéler tous les attachements qui nous empêchent d’être tout à lui et font obstacle à l’actualisation de sa victoire dans nos vies. Et lorsque nous en aurons pris conscience, supplions-le de nous donner la force d’y renoncer, de nous convertir une fois pour toutes, afin qu’étant tout à lui, nous soyons dignes de porter le nom de « disciples ». Alors nous serons « des enfants de Dieu sans tache au milieu d’une génération égarée et pervertie où nous brillerons comme les astres dans l’univers, en tenant fermement la Parole de Vie » (Ibid.).

« Eternel Seigneur de toutes choses, je fais mon offrande, avec votre faveur et votre aide, devant votre infinie Bonté et devant votre Mère glorieuse et tous les saints et saintes de la cour céleste. Je veux et je désire, et c’est ma détermination réfléchie, pourvu que ce soit votre plus grand service et votre plus grande louange, vous imiter en endurant toutes les injustices et tous les mépris, et toute pauvreté, aussi bien effective que spirituelle, si votre très sainte Majesté veut me choisir et m’admettre à cette vie et à cet état » (Acte d’offrande de Saint Ignace de Loyola).


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