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 - 24 avril 2024 - Sainte Marie-Euphrasie Pelletier
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Homélie

mardi, 7ème semaine du temps ordinaire

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Auteur :

Père Joseph-Marie, fsj

La bible:

Jésus revient en Galilée, sa terre de prédilection où il a longuement enseigné les foules, guéri les malades, délivré les possédés. Mais cette fois, il traverse le pays dans la discrétion, quasiment en secret : « il ne voulait pas qu’on le sache ». Car la Galilée n’est pas le but de ce voyage ; l’arrêt à Capharnaüm n’est qu’une étape sur la route qui le conduit à Jérusalem. L’explication donnée démontre que c’est pleinement conscient de ce qui l’attend, que Jésus « prit résolument la direction de Jérusalem » (Lc 9,51) : « Le Fils de l’Homme est livré aux mains des hommes ; ils le tueront et, trois jours après sa mort, il ressuscitera ».
« est livré » : s’en est donc fait, l’Heure est venue. Jésus a mis fin à son ministère public et réserve les derniers jours qui le séparent de sa Passion à l’ultime préparation de ses disciples. Le passif « est livré » ne renvoie pas au traître, puisque celui-ci n’a pas encore trahi son Maître. La tournure verbale suggère plutôt l’action divine de Celui qu’on ne peut nommer. Saint Paul écrira aux chrétiens de Rome : « Dieu n’a pas épargné son propre fils mais il l’a livré pour nous tous » (Rm 8,32). Ce qui ne signifie pas que Jésus ait subi passivement cette décision : il n’y a qu’une seule volonté de salut commune aux trois Personnes de la Trinité, chacune assumant la part qui lui revient dans sa réalisation. Le Fils se livre aux mains des hommes qui le tueront ; le Père le ressuscite et l’exalte à sa droite dans la gloire ; et l’Esprit communique le salut à tous ceux qui croient.
Cette doctrine est cependant trop élevée pour les disciples, qui « ne comprenaient pas ces paroles et avaient peur de l’interroger ». Comment ces hommes qui attendent avec impatience la venue du Messie, pourraient-ils comprendre et admettre que celui-ci serait intronisé Roi de gloire sur le Bois d’infamie ? Et voilà que les plus proches compagnons de Notre-Seigneur s’éloignent de lui ; non pas physiquement certes, mais la peur rompt la communion avec le Maître, qui se retrouve seul, privé de tout réconfort et de toute consolation. Après cette tentative de dialogue avortée, Jésus poursuit sa route en silence, le groupe des disciples le suivant à quelque distance. Ne pouvant supporter le poids des paroles de leur Maître, ils cherchent refuge dans leurs manières humaines de penser et laissent libre court à leur imaginaire, pour éviter la confrontation angoissante à la mort annoncée.
Le soir venu, l’équipe fait halte dans la maison de Simon et André, devenue « la maison » de Jésus (2, 1), celle dont il avait fait son QG durant tout son ministère de prédicateur itinérant.
C’est dans ce contexte qui préfigure l’Eglise, que Jésus, assis, c’est-à-dire dans la position de l’enseignant, va patiemment poursuivre l’instruction des « Douze ». Notre-Seigneur n’a pas besoin de réponse à sa question « De quoi discutiez-vous en chemin ? » Il connaît le cœur de ses disciples, et leur silence gêné ne fait que confirmer l’objet de leur conversation animée : « ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand ». L’enseignement proposé par Jésus et illustré par le geste de tendresse envers l’enfant mis à l’honneur au milieu du cercle, a sans aucun doute frappé les disciples. Il apparaît à cinq reprises - avec de légères variantes - dans les récits évangéliques. On le retrouvera même une seconde fois dans l’Evangile de Marc à l’occasion de la requête adressée à Jésus par la mère des fils de Zébédée, demandant que ses deux garçons siègent aux premières places dans le Royaume.
La rupture avec l’esprit du monde - prônant la course aux honneurs et poussant à la compétition pour la première place - a revêtu incontestablement une importance toute particulière pour la jeune Eglise. « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous » : voilà qui chamboule la hiérarchie spontanée en vigueur dans notre monde. Pour être le premier dans le Royaume, il faut accepter - bien plus, choisir - la dernière place, celle de l’esclave, qui se fait « serviteur de tous ». Il ne s’agit pas de chercher à prendre le pouvoir par le biais d’une stratégie manipulatrice ; mais simplement d’imiter Dieu, qui règne et exerce son pouvoir par le service désintéressé, humble et discret de tous les hommes. Telle est la révélation bouleversante de l’agir et de l’être divins que Jésus veut transmettre aux disciples de tous les temps.
Le soir du jeudi saint, revenant une dernière fois sur cet enseignement, Notre-Seigneur l’illustrera par le geste déconcertant du lavement des pieds. Aujourd’hui, il fait appel à un enfant, c’est-à-dire au sans-droit par excellence dans la société juive de l’époque. Jésus lui manifeste sa tendresse et le place « au milieu d’eux », lui donnant ainsi la préséance quant à la proximité de sa Personne, ainsi que la préséance au sein du groupe.
La Parole qui accompagne ce geste nous permet de l’interpréter sans équivoque : Jésus s’identifie à cet enfant, et à travers lui à tous les laissés pour compte de la terre, qui deviennent paradoxalement le « sacrement » (signe efficace) de sa présence parmi nous.
N’est ce pas lorsque l’Eglise s’est souvenue de cet enseignement, qu’elle a écrit les plus belles pages de son histoire ? A chaque époque Dieu nous a donné des saints et des saintes qui nous ont rappelé par l’engagement de toute leur vie au service des plus démunis, cette exigence de l’amour de prédilection pour les pauvres qui constitue le testament du Seigneur Jésus Christ. Le disciple est avant tout celui qui demeure dans la proximité de son Maître ; or c’est auprès du plus petit que se tient le Seigneur. Certes ce n’est sans doute pas très bon pour notre plan de carrière selon les normes de ce monde ; mais « celui qui a mis sa confiance dans le Seigneur, a-t-il été déçu ? Celui qui a persévéré dans la crainte du Seigneur, a-t-il été abandonné ? Celui qui l’a invoqué, a-t-il été méprisé ? » (1ère lect.) « Faisons donc confiance au Seigneur, agissons bien : si nous nous mettons au service de ses enfants de prédilection, il saura combler les désirs de notre cœur » (Ps 36).

« Seigneur, tu nous as enseigné par toute ta vie et ta mort, que nous ne monterons l’échelle de la sainteté, qu’en descendant celle de l’humilité ; d’une humilité concrète, qui se penche avec respect sur les plus démunis parmi nos frères pour les servir avec amour, reconnaissant en eux le sacrement de ta présence au milieu de nous. Eclaire-nous sur nos compromissions avec l’esprit du monde : que nous renoncions à toutes formes de vaine gloire, pour ne chercher d’autre honneur et d’autre richesse que de te servir dans les plus pauvres de nos frères. »


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