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 - 14 avril 2024 - Sainte Lidwine
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Homélie

Férie de Carême

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Auteur :

Père Joseph-Marie, fsj

La bible:

Cet évangile nous conduit au cœur de l’opposition entre le christianisme et le libéralisme culturel qui triomphe de nos jours. Pour nos contemporains, il est fini le temps de l’hétéronomie (nomos : loi ; hétéro : extérieure, étrangère) : pas question pour l’homme de revenir en arrière et de se remettre sous les vieux jougs moraux ou religieux. L’individu revendique le droit de déterminer ses comportements en dehors de toute contrainte provenant d’une institution normative, quelle qu’elle soit, à commencer par l’Église. Faisant sienne la pensée du philosophe Marcel Gauchet, l’ex ministre de l’éducation nationale Luc Ferry écrit : « L’homme et Dieu sont séparés comme jamais ils ne l’ont été dans l’histoire de l’Europe et probablement dans l’histoire du monde. Nous sommes sortis de l’ère d’une autonomie à conquérir contre l’hétéronomie. Autrement dit, ce processus de conquête de l’autonomie est achevé » (Le religieux après la religion, Grasset). Pour la modernité libérale, aucune loi ne peut s’imposer à l’individu, sinon celle qu’il a librement choisies et qu’il peut à chaque instant tout aussi librement rejeter - dans la mesure bien sûr où il se soumet aux conventions qui gèrent la convivialité au sein d’une même société, et n’empiète pas sur la liberté de ses concitoyens.
Comment dans ce contexte faire entendre la voix de Jésus qui non seulement « n’est pas venu abolir la Loi », mais prétend « l’accomplir » ? Loin de nous libérer de l’aliénation des contraintes extérieures, il prétend même nous obliger à l’observance scrupuleuse du « plus petit commandement », car rien dans la Loi ne devrait selon lui rester lettre morte : « Pas une lettre, pas un seul petit trait ne disparaîtra de la Loi jusqu’à ce que tout se réalise ».
Le malentendu est en fait double : non seulement Jésus ne veut pas en « rajouter » aux prescriptions de la Loi, mais contrairement à ce que prétend la modernité libérale, celle-ci n’est pas hétéronome. Comment pourrions-nous soupçonner Jésus d’enseigner un moralisme borné, pointilleux, scrupuleux, alors que c’est précisément l’attitude qu’il reproche aux pharisiens ? D’ailleurs, comment un homme pourrait-il accomplir parfaitement la Loi jusque dans ses moindres détails ? Si telle était la condition pour avoir accès au Royaume, nous ne serions pas prêts d’y entrer ! Tout autre est la perspective dans laquelle se situe Notre-Seigneur. La Loi prescrite par Dieu à Moïse ne nous impose rien d’étranger, mais elle explicite les conditions d’une vie pleinement humaine ; elle définit le périmètre hors duquel notre comportement ne respecterait plus la dignité humaine. Elle nous dit l’action bonne qui correspond à la vérité de notre être, et dénonce le mal qui nous aliène de notre liberté filiale. La Loi n’est donc pas extérieure à l’homme, mais elle se présente comme une lumière sur la route de celui qui s’est mis en quête de son identité profonde. En lui obéissant, c’est au meilleur de nous-mêmes que nous obéissons ; et par le fait même, nous entrons dans le dessein de Dieu sur nous.
Lorsque Jésus affirme qu’il « n’est pas venu abolir, mais accomplir », il ne pense pas à augmenter le nombre des commandements - auquel cas il aurait dit : « je suis venu compléter ce qui manque à la Loi » - mais il vient nous éclairer sur l’esprit de la Loi. Or toute la Loi et les Prophètes se résument pour lui dans un seul précepte : « Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres » (Jn 13,34). Voilà le « commandement nouveau » qui « accomplit » pour Jésus la Loi toute entière. A chacun de discerner si ce précepte nous est imposé de l’extérieur (hétéronome), s’il nous aliène de notre liberté et de notre autonomie souveraines, ou s’il correspond tout au contraire à l’aspiration la plus profonde de notre cœur.

« Seigneur, ne permet pas que nous nous laissions séduire par l’amoralisme ambiant ; mais enseigne-nous à “garder et à mettre en pratique fidèlement les commandements et les décrets que tu nous as donnés. Qu’ils soient notre sagesse et notre intelligence” (1ère lect.) aux yeux des hommes de notre temps, afin qu’en voyant les fruits de sainteté qu’ils produisent en nous, eux aussi puissent “glorifier le Seigneur” (Ps 147) en devenant ses fils bien-aimés. »


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