Férie de Carême

À la veille d’entrer dans la semaine sainte, l’opposition envers Jésus va s’agrandissant. Mais le contraste entre le premier verset de l’évangile de ce jour et le dernier est frappant. Dans ce contexte de contestation et de violence, où « les Juifs allèrent de nouveau chercher des pierres pour lapider Jésus », « beaucoup vinrent à lui » et « beaucoup crurent en lui ». Ainsi la Passion de Notre Seigneur prend-elle forme bien avant le jour du procès. Bien avant d’être élevé de terre et d’attirer à lui tous les hommes, Jésus commence à goûter à l’amertume de sa condamnation et voit déjà venir à lui les enfants de Dieu.

Au sommet de cette page d’évangile, la déclaration, solennelle et paisible : « le Père est en moi, et moi dans le Père ». Jésus est toujours sous le regard du Père, il ne se sent pas abandonné de lui ni désarmé par l’opposition qu’il rencontre. Le sens de sa vie et la force dans sa mission lui sont donnés par le Père avec lequel il est continuellement uni.

Mais cette relation n’est pas pour Jésus une douce consolation intérieure, un refuge dans la tempête. Elle est un roc sur lequel il prend appui pour redoubler d’efforts. Jusqu’au dernier moment, il sera tout donné à sa mission de rassembler les brebis perdues ; il ne veut pas qu’une seule se perde. « Quand bien même vous refuseriez de me croire, croyez les œuvres » !

Cette interpellation adressée aux Juifs nous est également adressée. Nous arrivons en des temps où la contemplation permet de pénétrer le mystère. Dans ce que Jésus fait, il y a à voir, à découvrir, à intégrer. Le temps où il enseignait librement dans les synagogues est révolu, viennent les jours où il enseignera par le sacrifice de sa vie. Cet ultime passage au désert, celui où Jean-Baptiste avait commencé sa mission, est pour nous la chance d’un ultime retournement vers l’essentiel, afin de découvrir l’essentiel dans les événements de la Passion.

L’enjeu est souligné par l’incroyance des Juifs qui harcèlent Jésus : « Ce n’est pas pour une œuvre bonne que nous voulons te lapider, c’est parce que tu blasphèmes : tu n’es qu’un homme, et tu prétends être Dieu ». Ils n’ont pas perçu le mystère de la personne de Jésus. Leur déclaration est l’exact contraire de la déclaration de foi. L’évangile annonce le Verbe fait chair, Dieu qui se fait homme, mais eux, qui pourtant ont été témoins de ses œuvres, ne voient en lui qu’un homme qui prétend se faire Dieu.

Jésus répond à ces accusations en citant le psaume 81 : ceux à qui Dieu adresse sa parole sont appelés des dieux. Alors Jésus, que Dieu a consacré et envoyé, est le Fils de Dieu. Voilà ce qu’auraient dû comprendre ceux dont la prière est rythmée et nourrie par les psaumes. C’est le cas de ce Juifs, c’est le nôtre également. Demandons la grâce de nous laisser façonner par la Parole que nous accueillons et que nous prions chaque jour. Ainsi, en contemplant Jésus dans l’accomplissement de sa mission, elle nous révèlera qu’il est le Fils. Celui que Dieu envoie pour nous sauver. Celui qui nous appelle personnellement à entrer dans sa paix, dans une relation unique et profonde avec le Père, d’où jaillira la lumière de la résurrection.