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 - 16 avril 2024 - Saint Benoît-Joseph Labre
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Homélie

6e dimanche de Pâques

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Auteur :

Frère Dominique, fsj

La bible:

« C’est la paix que je vous laisse, c’est ma paix que je vous donne ». Cette phrase de Jésus, que nous lui rappelons chaque jour en célébrant l’eucharistie, représente sans aucun doute le sommet du mystère pascal. Le plus beau fruit de la résurrection est la capacité qui nous est donnée de vivre enfin dans la paix. Non pas dans la sérénité ou la tranquillité que nous recherchons spontanément, mais dans la paix de Jésus-Christ. Cette paix est tellement originale que Jésus doit nous sortir de nos raisonnements humains : « ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne », précise-t-il.

Pour l’esprit du monde en effet, tout a un prix. Ce qui est gagné d’un côté est perdu de l’autre. Non seulement il n’y a jamais d’équilibre, mais encore nous sommes souvent perdants. Par exemple, on peut recevoir un cadeau d’adieu. Nous gagnons alors un objet, associé à une séparation qu’il est censé combler ou atténuer, mais il ne remplace jamais l’être aimé, la présence que nous avons perdue. Ainsi voyons-nous Jésus qui nous donne sa paix alors qu’il est sur le départ. Dans le contexte strict de l’évangile, nous sommes en effet à la veille de sa mort et dans le contexte de notre liturgie du temps pascal, nous sommes à quelques jours de l’ascension. Jésus va nous être enlevé. Nous donne-t-il sa paix pour garder un lien avec lui, au-delà de la séparation ? Non. La paix que Jésus donne n’est pas un lot de consolation, elle est un mode de vie sous le regard du Père. « C’est la paix que je vous laisse, c’est ma paix que je vous donne ».

Cette perspective ouvre sur une pure merveille, dont la splendeur apparaît de surcroît quand elle annoncée la veille de la Passion. Avant même d’avoir livré sa dernière bataille, le Christ parle déjà en vainqueur. Jésus peut déjà partager le fruit de sa victoire, il peut déjà donner sa paix comme il la donnera aux disciples peureusement barricadés dans la chambre haute du cénacle, au lendemain de la Pâque. C’est dire si nous pouvons placer notre confiance en lui. Mais c’est dire aussi que la paix de Dieu est liée à un contexte de combat très rude.

« Ne soyez donc pas bouleversés et effrayés », nous dit le Seigneur. « Vous avez entendu ce que je vous ai dit : je m’en vais, et je reviens vers vous ». S’il insiste ainsi, c’est pour nous inviter à scruter plus profondément ses paroles. Il ne faudrait pas se focaliser le « je m’en vais » qui suscite la peur. Jésus dit : « Je m’en vais et je reviens vers vous ». Les deux verbes sont au présent. Ce n’est pas « Je m’en vais maintenant mais je reviendrai bientôt », mais il dit « je m’en vais et je reviens ». Jésus décrit un seul et même mouvement. Flux et reflux. Absence et présence nouvelle. Il n’est plus visible mais il est davantage auprès de nous. Mieux encore, ce mouvement évoque celui qui unit les personnes de la Sainte Trinité. Le Père et le Fils, dans un élan éternel d’amour, se donnent l’un à l’autre dans l’Esprit Saint, sans rien retenir d’eux-mêmes. Or Jésus s’adresse à présent à ses disciples. Par sa victoire sur la mort et le péché, il nous rend donc participants de son amour. Nous n’avons rien à craindre car nous n’avons rien à perdre et tout à gagner. Nous sommes rendus capables d’aimer Dieu. Par Jésus-Christ, nous sommes devenus capables d’aimer comme Dieu. Comme Dieu lui-même nous aime.

Ainsi la merveille que nous découvrons peu à peu au fil des dimanches du temps pascal, est l’accomplissement du rêve de Dieu. Il avait toujours dit qu’il voulait vivre parmi les hommes. Dans l’Ancien Testament, les rois ont imaginé lui construire une maison digne de lui, un temple magnifique. Mais saint Jean, dont les yeux de la foi ont été ouverts au dessein divin, témoigne : « dans la cité, je n’ai pas vu de temple ». Le jour promis est arrivé, mais il ne se présente pas comme on l’imaginait. Il n’y a pas de temple ni de lumière terrestre. Le « temple, c’est le Seigneur », explique le livre de l’Apocalypse. Dieu se donne à contempler directement. Lui et l’Agneau font office de temple et de lumière. L’Agneau est la lumière du monde, qui éclaire toutes les nations. Ainsi Dieu ne veut-il pas habiter dans une maison au milieu des hommes, il veut vivre dans la paix en communion avec les hommes.

C’est pourquoi il nous fait le don de sa paix. C’est pourquoi il nous introduit dans sa communion d’amour. Ainsi, après la résurrection qui nous fait entrer dans sa paix, notre Dieu nous fait-il le don de son Esprit. Par lui, nous vivons en enfants de lumière dans le Christ. Par lui, Dieu le Père nous engendre à sa vie. Par lui, l’Église apparaît, sainte et immaculée, aux yeux de son créateur.

Ne nous y trompons pas : cette contemplation mystique dans laquelle saint Jean nous guide, n’a rien d’une réalité idyllique ou éthérée. Elle concerne notre quotidien dans ce qu’il a de plus concret. Les Actes des Apôtres, que nous avons entendus dans la première lecture, le montrent. La première communauté chrétienne, qui vit intensément de la grâce de la résurrection et de l’Esprit de Pentecôte, dispute des menus, de la circoncision, de l’accueil des païens dans l’Église. Dans ces questions bien incarnées, la voix des Apôtres, ces apôtres dont les noms sont inscrits sur les douze portes de la Jérusalem céleste, l’annonce fermement : « l’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé que… ». Ils nous enseignent ainsi que pour aimer Dieu, pour être fidèle à sa Parole, il faut se laisser guider par l’Esprit sur les chemins du monde. Car c’est ici et maintenant, au milieu de nous, au cœur de notre monde, que le Seigneur nous demande de construire son Royaume. La Cité sainte, resplendissante de la gloire de Dieu, est ici même car Dieu accomplit son projet de vivre au milieu de nous.

Laissons-nous donc renouveler et préparons-nous à cette grâce. Le Seigneur Jésus nous le promet : bientôt viendra sur nous « l’Esprit Saint que le Père enverra en [son] nom ». Par lui et en lui, nous resterons « fidèles à la parole du Christ », nous entendrons le Père et le Fils frapper à la porte de nos cœurs pour venir chez nous et demeurer auprès de nous, dans la paix du ressuscité. Débarrassés de toute crainte, accueillons le don de la paix et soyons dans la joie : « La terre a donné son fruit ; Dieu, notre Dieu, nous bénit. Que la terre tout entière l’adore ! ».


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