Catholic.net International English Espanol Deutsh Italiano Slovensko
 - 24 avril 2024 - Sainte Marie-Euphrasie Pelletier
Navigation: Homélie

 

Homélie

18e dimanche du Temps Ordinaire

Imprimer Zoom
Envoyer PDF

Auteur :

Frère Dominique, fsj

La bible:

La Bible n’a peur de rien. Surtout pas des questions qui dérangent. Des livres comme celui du Qohélet, que nous avons entendu dans la première lecture, en sont une bonne illustration. Qohélet est un roi, un sage, qui observe le monde avec hauteur et enseigne ses disciples : « Vanité des vanités ». L’un d’entre eux reprend cet enseignement et l’approfondit : « Vanité des vanités, tout est vanité ». Cette sagesse devenue proverbiale témoigne d’une tradition qui observe le monde sans illusion, voire avec désenchantement. Et, pour être francs, il n’est pas beaucoup d’efforts à fournir pour nous situer dans cette tradition : que d’injustices en ce bas monde ! Que d’énergies englouties dans des projets éphémères, que d’espoirs de prospérité légitime détruits scandaleusement !

Certes, ces scandales pourraient être l’occasion de nous interroger sur notre place en ce monde et sur la façon dont nous le gérons. Malheureusement, il est plus simple d’accepter l’idée d’une fatalité, il est plus rapide de douter que Dieu soit bon. Toute culpabilité ainsi écartée, nous retournons vite à nos affaires. Il y a une récolte à engranger, des tractations à conclure. Un héritage à partager.

C’est dans cette situation que Jésus croise notre route ce matin. Au milieu de la foule qui se presse vers lui, avec toutes ses souffrances et toutes ses prières, un homme élève la voix : « Maître, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage ». Dieu est soudain rabaissé à un remède contre la fatalité, à un arbitre des rapports de force dans les enfantillages humains.

N’allons cependant pas trop vite pour condamner cet homme. Il est doublement légitime qu’il s’adresse ainsi à Jésus. D’abord parce que rien de notre vie quotidienne ne désintéresse Jésus, ensuite parce que Jésus est rabbi et, à ce titre, il a parfaitement autorité pour répondre à la question qui lui est posée.

Pourtant Jésus le repousse vivement : « Qui m’a établi pour faire vos partages ? ». Voilà qui nous renvoie brutalement à la première lecture qui se lamentait : « Un homme s’est donné de la peine ; et voilà qu’il doit laisser son bien à quelqu’un qui ne s’est donné aucune peine. ». Ici ce « quelqu’un qui ne s’est donné aucune peine » représente deux frères, qui trouvent en outre le moyen de se disputer le don gratuit qui leur est fait. Conclusion : celui qui a amassé l’héritage n’en profite pas et leur bêtise fait que ses héritiers non plus.

Bel exemple de notre incapacité à rejoindre Jésus sans nous laisser interpeller par les vieilles pages de l’Ancien Testament. La « vanité des vanités » de la première lecture n’est pas l’expression d’une résignation mais elle est ouverture des chemins de la grâce du salut. Il est sage de reconnaître que le monde où nous vivons ne porte pas en lui-même le sens ultime que nous cherchons pour nos vies. Mais la réaction inverse serait également erronée : il ne constitue pas non plus un piège, une impasse qui nous emprisonne dans l’absurde. Saint Paul nous explique dans la deuxième lecture qu’il est une invitation à rechercher « les réalités d’en haut ».

La question que nous pose la liturgie est donc celle de savoir où nous fixons notre regard, quel objectif nous visons, quel sens nous donnons à notre vie. Nous sommes donc vraiment les destinataires de la parabole que raconte Jésus. Nous qui sommes tellement absorbés par nos projets et nos soucis que nous ne voyons plus que le monde est vanité (au sens littéral vanité se traduit buée, éphémère), nous qui espérons nous installer dans un environnement plaisant, stable et durable. Un jour, le réveil risque d’être pénible car ce monde là n’est pas le nôtre.

C’est la mésaventure qui est arrivée à l’homme riche de la parabole. Son problème n’est pas d’amasser des richesses ; Jésus ne lui reproche même pas d’être égoïste. Mais ce propriétaire oublie l’enjeu et le sens de sa vie. Il désire « se reposer », il veut demeurer en paix « pour de nombreuses années ». Est-ce là le but de sa vie ? Pourquoi pas. Mais comment prétendre qu’il puisse se donner par lui-même le repos que son âme désire ? Voilà pourquoi Jésus le traite de « fou », d’insensé. Le bonheur durable ne vient pas de ce monde mais de Dieu.

Ce fou, cet insensé, nous représente chaque fois que nous oublions que nous sommes morts et ressuscités avec le Christ. Saint Paul nous aide vigoureusement à vérifier où nous en sommes de cette question : y a-t-il dans nos vies « débauche, impureté, passions, désirs mauvais, et appétit de jouissance » ? Alors nous sommes assurément sous la fascination de la « vanité des vanités ». Y a-t-il encore dans nos vies le mensonge et l’idolâtrie, sous quelque forme ? Il est alors grand temps pour nous de nous débarrasser « des agissements de l’homme ancien », car il est insensé de choisir ce qui est vanité quand le Christ nous donne les moyens de fonder notre vie sur le roc.

La conclusion de la deuxième lecture est éloquente à cet égard : « Alors, il n’y a plus de Grec et de Juif, plus d’esclave, d’homme libre, il n’y a que le Christ : en tous, il est tout ». Cette proclamation de l’unité fondée par le Christ entre les hommes montre par contraste qu’en nous attachant à des futilités, nous contribuons à dresser des barrières entre nous. C’est en effet l’exemple que nous donnent ces deux frères qui, au lieu de s’accorder en bonne intelligence par respect pour la mémoire de leur père et dans l’intérêt de leurs familles, viennent demander à Jésus de consacrer leur division. Voilà l’impudence que nous manifestons quand nous gémissons vers Dieu parce que le monde est injuste et la vie impossible. Nous demandons à Dieu de se mettre dans notre camp contre nos frères ! Quel affront envers celui qui est venu tout réconcilier…

Certes, le monde ne changera pas tout seul. Mais nous sommes citoyens du Ciel : à nous de faire le premier pas vers nos frères, conduisons-nous comme des enfants de Dieu. Il ne s’agit pas de mépriser nos activités terrestres ni d’agir au détriment d’elles, évidemment, mais de les orienter selon l’évangile, quoiqu’il en coûte. Et surtout de ne pas oublier de faire notre la prière que le psalmiste adresse à Dieu : « Consolide pour nous l’ouvrage de nos mains ; oui, consolide l’ouvrage de nos mains ».

Le psaume que nous avons médité contient en effet la clé de la liturgie de ce jour. Il disait : « Apprends-nous la vraie mesure de nos jours : que nos coeurs pénètrent la sagesse. », sagesse de se souvenir que chaque vanité, la suite des événements éphémères qui constitue nos journées, ne prend son sens que dans l’amour que Dieu donne. C’est pourquoi nous prions avec ferveur « Rassasie-nous de ton amour au matin, que nous passions nos jours dans la joie et les chants ». Non pas dans le bien-être sucré d’une comédie musicale, mais dans la joie que donne la victoire au combat contre l’idolâtrie, dans la béatitude réservée à ceux qui choisissent, par amour de Jésus, de vivre en frères et d’être unis ; dans le bonheur d’être réconciliés par le Christ, heureux de vivre par lui dans l’Esprit en fils du Père.


Accueil | Version Mobile | Faire un don | Contact | Qui sommes nous ? | Plan du site | Information légales