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 - 16 avril 2024 - Saint Benoît-Joseph Labre
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Homélie

22e dimanche du Temps Ordinaire

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Auteur :

Père Joseph-Marie, fsj

La bible:

« Un jour de sabbat » : la précision est importante, car elle nous projette sur l’horizon du Royaume, que Jésus compare à des noces auxquelles nous sommes conviés. Il ne s’agit pas de noces ordinaires - pour autant qu’une noce puisse être « ordinaire » ! - puisqu’elles se tiennent « sur la montagne de Sion, dans la cité du Dieu vivant, la Jérusalem céleste », en présence de « milliers d’anges en fête et des premiers-nés dont les noms sont inscrits dans les cieux » (2nd lect.). Nous avons donc tout intérêt à nous renseigner sur les règles du protocole en vigueur dans ce haut-lieu. C’est précisément ce dont Jésus veut nous instruire dans l’Évangile de ce jour.
La remarque de Notre-Seigneur adressée publiquement au convive choisissant la première place peut sembler quelque peu provocante. En fait Jésus ne fait que lancer le débat autour d’un sujet controversé dans les écoles rabbiniques de son époque. Le problème soulevé était réel, car les places autour de la table n’étaient pas assignées par le Maître de maison : chacun devait donc faire son choix à partir d’une évaluation rapide de son rang par rapport aux autres convives. Comme il était toujours possible que des invités plus importants se présentent à la dernière minute, la prudence exigeait de laisser quelques places libres en amont pour d’éventuels notables. Il était en effet plus honorable d’être appelé, lorsque le Maître donnait le signal du repas, à combler les places laissées vides, plutôt que de devoir céder son rang à un dignitaire surgissant au dernier moment.
Le conseil donné par Jésus n’a rien de révolutionnaire, puisqu’il s’apparente au précepte que nous lisons dans le livre des Proverbes : « Ne fais pas l’arrogant devant le roi et ne te tiens pas dans l’entourage des grands. Car mieux vaut qu’on te dise : “Monte ici !” que de te voir humilié devant un notable » (Pr 25, 6-7). On pourrait penser à première vue, qu’il s’agit d’une simple règle de prudence : il est particulièrement désagréable en effet de se voir rétrograder devant tout le monde. Ou bien une règle de politesse par rapport aux autres convives, qui peuvent effectivement être plus dignes que nous de cette première place. Ou même un subtil calcul, un peu hypocrite : je prends piteusement la dernière place, avec un sourire empreint d’humilité toute feinte, mais avec le secret espoir d’être invité à passer devant tout le monde au premier rang...
Inutile de préciser que ce n’est pas cela que Jésus attend de nous. N’oublions pas que Notre-Seigneur nous parle du Royaume ; aussi lorsqu’il ajoute « Qui s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé », le sujet agissant derrière les verbes au passif, n’est autre que Dieu lui-même, qui abaisse celui qui s’enorgueillit et élève celui qui s’humilie. L’orgueilleux est celui qui « est convaincu d’être juste et qui méprise tous les autres » (Lc 18,9), alors que « le bien n’habite pas en lui » (cf. Rm 7,18). Cet homme « se voit d’un œil trop flatteur pour connaître et haïr sa faute » (Ps 36, 3). Comme le pharisien de la parabole, il étale sa vaine gloire devant les hommes et même devant Dieu : « Mon Dieu, je te rends grâce parce que je ne suis pas comme les autres hommes » (Lc 18,11). Il s’élève à ses yeux et se juge digne du premier rang dans le Royaume comme il le revendique sur terre. Aussi sera-t-il bien dépité de devoir céder sa place à tous ceux que le Seigneur fera « avancer plus haut », parce qu’ils seront couverts des mérites de son Fils.
L’humble est tout au contraire celui qui, devant la Révélation de la miséricorde divine, prend conscience de sa condition terrestre - « humilité » vient de humus : terre. Comme le publicain (Lc 18,13), ou comme le psalmiste, il ne peut que murmurer : « Prends pitié de moi, Seigneur, toi que je supplie tout le jour ; toi tu es bon, tu pardonnes, tu es plein d’amour pour tous ceux qui t’appellent » (Ps 85, 3.5 ; antienne d’ouverture). La prise de conscience et l’aveu de la faute, la supplication confiante et la confession de la bonté divine, sont les composantes essentielles de l’humilité, qui nous met dans la vérité de notre relation à Dieu.
« Les humbles » sont à vrai dire les seuls à pouvoir « rendre gloire » à Dieu (1ère lect.), car quelle gloire pourrions-nous « rendre » au Très-Haut, si ce n’est celle qui vient de lui ? Et comment pourrions-nous recevoir cette gloire sinon en accueillant la Bonne Nouvelle dans un cœur contrit ? Voilà pourquoi « l’idéal du sage c’est une oreille qui écoute » (Ibid.), qui entend l’appel de Dieu, et qui « vient vers Jésus, le médiateur d’une Alliance nouvelle » (2nd lect.), pour recevoir de lui la grâce du salut.
Telle est la logique du Magnificat : « Mon âme exalte le Seigneur, et mon esprit tressaille de joie en Dieu mon Sauveur, parce qu’il a jeté les yeux sur l’abaissement de sa servante » (Lc 1,46-48). Marie est « pleine de grâce », parce qu’elle s’est humblement abaissée devant celui qui pouvait la combler : « Qui s’abaisse sera élevé ».
Nietzsche reprochait au christianisme d’être la religion du ressentiment des faibles ; de ceux qui, faute de pouvoir s’imposer, exaltent l’humilité ici-bas en attendant de prendre leur revanche au ciel. Une telle conception de l’humilité est à vrai dire trop passive pour faire droit aux exigences de l’Évangile. Jésus a certes subi les outrages de sa Passion, mais il a choisi délibérément ce chemin : « Lui qui était dans la condition de Dieu, se dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur. Il s’est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu’à mourir, et mourir sur une croix » (Ph 2,6-8), car il voulait « rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés » (Jn 12,52). L’abaissement auquel consent volontairement Jésus, est en vue de notre élévation : « Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi, et qu’ils contemplent (c’est-à-dire : qu’ils soient participants de) ma gloire » (Jn 17,24). L’humble abaissement du Fils et du véritable disciple, n’est ni lâcheté ni démission, mais expression de la suprême charité, qui n’a d’autre souci que le salut des âmes et la glorification du Père en elles. La véritable humilité ne vise pas une récompense future : à l’image de son Seigneur, le chrétien se nourrit au présent du bonheur de pouvoir servir ses frères, qu’il « estime supérieurs à lui-même » (cf. Ph 2,3). Pour celui qui aime, le service désintéressé est sa récompense : « Quand tu donnes un festin, invite des pauvres ; et tu seras heureux, parce qu’ils n’ont rien à te rendre. »
Il ne peut y avoir de charité sans humilité, car celle-ci consiste précisément dans ce décentrement de soi qui permet le don désintéressé à l’autre dans l’amour. C’est parce que l’Amour infini de Dieu est parfaitement humble, qu’il ne diminue en rien la liberté de l’homme, mais la suscite tout au contraire comme une capacité de réponse à son appel.

« Seigneur, purifie mon cœur du levain des pharisiens : l’hypocrisie et l’orgueil. Conduis-moi sur le chemin de la vérité, c’est-à-dire de l’humilité, en dehors duquel je ne peux te plaire. Accorde-moi la grâce de considérer les autres supérieurs à moi, et de trouver ma joie dans leur service. Ne permets pas que du haut de ma suffisance, je repousse avec mépris l’humble Pain eucharistique ; mais donne-moi de pouvoir y discerner ta présence, toi le Dieu tout-puissant qui te fais le Serviteur des serviteurs, pour nous ouvrir le chemin de l’amour et de la vie. »


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