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 - 16 avril 2024 - Saint Benoît-Joseph Labre
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Homélie

Saint Josaphat, évêque et martyr

La page d’évangile que nous venons de lire suit immédiatement la parabole de Lazare et du mauvais riche, et doit s’interpréter sur cet arrière-fond. Le sort enviable des « superbes, le succès des impies » qui exploitent impunément le pauvre et semblent défier le ciel, a toujours été cause de scandale pour le Juif pieux : « Jusqu’à leur mort, ils ne manquent de rien, ils jouissent d’une santé parfaite ; ils échappent aux souffrances des hommes tranquilles, ils amassent des fortunes » (Ps 73 [72]). Le « scandale » réside dans l’apparente impunité de ces hommes qui bravent Dieu et qui risquent d’entraîner le juste à se rebeller contre le Très-Haut : « Ainsi le peuple se détourne vers la source d’une telle abondance. Ils disent : “Comment Dieu saurait-il ? Le Très-Haut, que peut-il savoir ? ” Vraiment c’est en vain que j’ai gardé mon cœur pur ! Me voici frappé chaque jour, châtié dès le matin » (Ibid.). L’orgueil insolent du riche et la souffrance du pauvre plaident sournoisement contre un Dieu impuissant ou indifférent, qui ne mériterait pas notre confiance.
Pris dans ce sens particulier, il est clair que le « scandale » est de tous les temps. « Il est inévitable qu’il arrive », confirme Jésus ; « mais malheureux celui par qui il arrive ! » Il vaudrait mieux pour lui qu’il soit englouti dans l’abîme plutôt que « d’entraîner au péché (d’apostasie) un seul de ces petits » - entendons : de ces pauvres qui comme Lazare, subissent l’indifférence et le mépris des superbes. Il suffit de lire la lettre de saint Jacques (2, 5-9) ou encore la première lettre de saint Paul aux Corinthiens (11, 20-22) pour se rendre compte que le scandale est un chiendent à la vie dure qui a même gardé des racines dans le terreau des premières communautés chrétiennes.
Il n’est pas sûr que deux millénaires de christianisme aient réussi à l’éradiquer : n’est-il pas « scandaleux » que nous ne soyons pas parvenus à susciter et à mettre en œuvre ce minimum de solidarité concrète qui permettrait de vaincre définitivement les famines, la malnutrition et bon nombre de pandémies qui déciment les peuples les plus pauvres ?
L’annonce du malheur qui menace celui par qui arrive le scandale ne saurait être une malédiction irrévocable, puisqu’elle est prononcée par celui qui n’est pas venu « pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui » (Jn 3,17). Il faut plutôt l’entendre comme un vigoureux appel à la vigilance et à la conversion : « Tenez-vous sur vos gardes ! » La vie chrétienne est un combat de chaque instant contre le mal qui nous menace tout autant au-dedans qu’au dehors. Et lorsque par malheur le scandale surgit, il ne s’agit pas d’en subir passivement les conséquences : chacun de nous porte la responsabilité de le dénoncer auprès de celui qui s’en est rendu coupable en « lui faisant de vifs reproches » afin qu’il se repente. La conversion du pécheur est une victoire qui glorifie Dieu et fortifie la communauté ; la réconciliation par le pardon et le rétablissement de l’équité doivent être notre préoccupation constante, car ce sont les deux collaborations les plus importantes que nous puissions offrir à la construction du Royaume. Aussi nous ne pouvons pas nous montrer avares dans le partage de la miséricorde qui vient de Dieu : j’ai à pardonner à mon frère autant de fois qu’il se repent de ses fautes, comme moi-même je bénéficie du pardon de Dieu, qui fait grâce sans compter.
Il nous faut choisir clairement notre camp : entre l’esprit du monde qui creuse les inégalités et se moque du pauvre, et l’Esprit de l’Evangile qui nous invite à un amour privilégié et concret envers les démunis, aucune conciliation n’est possible. Hélas les deux propositions ne jouissent pas des mêmes moyens de diffusion. D’un côté le monde avec ses séductions et ses promesses fallacieuses, est là, sensiblement présent, faisant pression sur nous de toutes parts. Quotidiennement, il nous invite à entrer dans sa logique, qui de compromission en compromission, veut nous conduire à gérer notre vie « sans Dieu, malgré Dieu, voire contre Dieu ». Qu’il est difficile de résister, de demeurer « irréprochables et purs, comme des enfants de Dieu sans tache au milieu d’une génération égarée et pervertie, où nous devrions briller comme les astres de l’univers, en tenant fermement la parole de vie » (Ph 2,15) ! Seule la foi, et une foi nourrie quotidiennement par la prière et les sacrements, peut nous donner la force de persévérer sur le chemin de la justice et de la miséricorde, dans la joyeuse espérance de la victoire finale de l’amour. Fortifiés par cette rencontre avec le Seigneur Ressuscité, nous pourrons alors nous arracher à nos compromissions, prendre autorité sur notre inertie, et nous mettre résolument au service de ceux qui, dans notre entourage, souffrent du « scandale » que dénonce Jésus.

« Seigneur, “augmente en nous la foi !” Donne-nous “la foi gros comme une graine de moutarde”, pour que nous puissions déraciner notre indifférence et notre égoïsme. Toi qui “scrute les reins avec clairvoyance et observe nos cœurs” (1ère lect.), convertis nous afin que nous “aimions la justice” et repoussions résolument toutes les “pensées tortueuses” que nous invoquons pour occulter nos complicités avec l’esprit du monde. »


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