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 - 26 avril 2024 - Bse Alida
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Homélie

jeudi, 32ème semaine du temps ordinaire

L’apocalyptique juive avait mis en place un certain nombre de scénarios concernant le temps de la venue du Royaume de Dieu. Le livre de Daniel se prête particulièrement à ce genre de calculs : les interprétations concernant les 70 années qui « selon la parole du Seigneur au prophète Jérémie (cf. Jr 25, 11 ; 29, 10) doivent s’accomplir sur les ruines de Jérusalem » (Dn 9, 2), allaient bon train et nourrissaient les espoirs les plus audacieux. L’occupation romaine et sa dure répression ne représentaient-elles pas ce « temps d’angoisse tel qu’il n’en est pas advenu depuis qu’il existe une nation » (Dn 12, 1) et qui annonce l’intervention décisive et libératrice de Dieu en faveur de son peuple ?
Jésus n’abonde guère dans ce sens et va même opposer un sévère démenti à cette fébrilité eschatologique : « le Règne de Dieu ne vient pas d’une manière visible » ; sa venue est même si peu spectaculaire, qu’il est déjà instauré sans que ses interlocuteurs ne s’en soient aperçus ! Jésus ne désigne pas le « lieu » de l’avènement du Royaume, mais il a suffisamment accompli de signes messianiques pour permettre de conclure que le Règne de Dieu est inauguré en sa personne. N’a-t-il pas manifesté son autorité sur les démons ? Guéri les malades ? Purifié les lépreux ? Ressuscité les morts ? Par respect de la liberté de ses interlocuteurs, Jésus a cependant toujours gardé une grande discrétion, même lorsqu’il accomplissait des signes particulièrement spectaculaires ; pensons aux noces de Cana, à la multiplication des pains, ou encore à la guérison de l’aveugle-né, pour ne retenir que quelques exemples pris dans le quatrième Evangile. Ceci permettait à ceux qui refusaient de voir, de demeurer aveugles sans être montrés du doigt, et à ceux qui refusaient d’entendre de rester sourds sans se faire reprocher leur infirmité.
Cette situation n’a guère changé de nos jours. Aujourd’hui encore les Juifs opposent à notre interprétation messianique de Jésus, le fait que son ministère n’a pas inauguré de manière visible le Règne de Dieu. Il n’y a d’ailleurs pas que les Juifs à utiliser cet argument pour réduire Jésus à un prophète, un précurseur annonçant celui qui devait venir - Mohammed pour l’Islam - ou celui qui doit venir - Maitreya pour le Nouvel Age.
La réponse de Jésus, tout comme la suite de la péricope, sont donc d’une étonnante actualité. Inutile de chercher à discerner les signes de l’avènement du Règne dans un événement astrologique - le passage du soleil dans le signe du Verseau - ni dans de grands chamboulements atmosphériques, climatiques, géologiques voire écologiques. « Le Règne de Dieu est au milieu de vous », et il demeure présent tout au long de l’histoire, dans la Personne du Christ qui vit « au milieu » de son Eglise, comme il vit en chacun de nous par la foi. Il nous faut donc résister à la tentation de chercher dans l’extériorité de phénomènes extraordinaires, ce qui nous est donné dans l’intimité de notre cœur.
Hélas, combien d’hommes et de femmes, recrutés jusque dans les rangs des chrétiens, se ruent de nos jours vers le premier « gourou » qui exhibe quelque pouvoir préternaturel ! L’avertissement de Jésus est pourtant clair et sévère : « N’y allez pas, n’y courez pas ! » Notre Dieu nous respecte trop pour nous séduire ou nous fasciner par du merveilleux. Le Verbe ne s’est pas incarné pour se donner en spectacle, mais pour épouser notre condition humaine en toutes choses, afin que jamais et en aucune circonstance nous ne soyons séparés de lui. La mort elle-même a dû s’avouer vaincue lorsque « comme l’éclair qui jaillit illumine l’horizon d’un bout à l’autre, le fils de l’homme » est sorti vivant du tombeau. Mais pour que cette victoire fût totale, qu’elle inclue tout ce qui séparait jusque-là l’homme pécheur de son Dieu, « il fallait auparavant qu’il souffre beaucoup et qu’il soit rejeté par les hommes de sa génération ».
Qu’en est-il alors de la Parousie, c’est-à-dire du retour glorieux du Christ ? Certes Jésus « reviendra dans la gloire pour juger les vivants et les morts ». Mais ce « retour » ne signifiera pas la venue en provenance d’un autre lieu où le Seigneur aurait attendu patiemment que l’Heure de son intervention ait sonné. Ce retour sera un dévoilement au grand jour de la présence divine cachée au cœur du monde depuis que le Fils de l’homme est venu y allumer le Feu de l’Esprit.
La même description vaudra pour le retour en gloire du Fils de l’homme, que pour sa glorification au matin de Pâques : « Comme l’éclair qui jaillit illumine l’horizon d’un bout à l’autre, ainsi le Fils de l’homme, quand son Jour sera là ». Nous ne savons ni le jour ni l’heure et nous n’avons même pas à nous en soucier. Notre préoccupation devrait plutôt consister à tout faire pour être prêts à le reconnaître et à l’accueillir. Si nous investissions dans la prière et le service fraternel, le temps perdu à lire les vaines spéculations apocalyptiques qui pullulent de nos jours, nous ferions une œuvre bien plus utile pour hâter le retour du Seigneur, et nous garderions la paix intérieure, prêts à discerner les appels de l’Esprit, et à y répondre généreusement.
Le Psaume 145 (146) de la liturgie de ce jour nous explicite les activités du Seigneur parmi nous : si le Royaume de Dieu est inauguré en sa personne, la sagesse ne demande-t-elle pas de nous mettre au travail à ses côtés ? C’est là, au cœur même des oeuvres de charité que nous découvrirons le Royaume caché : « Le Seigneur fait justice aux opprimés ; aux affamés, il donne le pain ; le Seigneur délie les enchaînés. Le Seigneur redresse les accablés, il protège l’étranger. D’âge en âge, le Seigneur règnera : ton Dieu, ô Sion, pour toujours ! »

« Dieu notre Père, “tu n’aimes que celui qui vit avec la Sagesse” (1ère lect.) ; apprends-nous à la reconnaitre et à l’aimer en ton Fils bien-aimé, Jésus-Christ. Il est “ta Parole qui se dresse dans les cieux” (Ps 118) ; “le reflet de la lumière éternelle, le miroir sans tache de ton activité et de ta bonté ; déployant sa vigueur d’un bout du monde à l’autre, il gouverne l’univers avec douceur” (1ère lect.). Heureux celui qui le prend pour Maître et se met à son école : “il en fera des prophètes et des amis de Dieu” (Ibid.).


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