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 - 16 avril 2024 - Saint Benoît-Joseph Labre
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Homélie

Solennité du Saint Sacrement.

« Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour que le monde ait la vie. » Par ces quelques paroles, Jésus nous rejoint dans une de nos blessures existentielles les plus profondes. C’est bien vrai : nous ne possédons pas la vie ; nous en disposons pour un temps, mais sans jamais pouvoir la saisir et encore moins la maîtriser. Chaque jour elle nous file inexorablement entre les doigts. Nous avons beau nous distraire, nous éclater, pratiquer la politique de l’autruche de mille façons, au fond de nous-mêmes nous le savons bien : chaque minute nous rapproche de l’issue fatale où cette vie éphémère nous échappera définitivement.
Or la Nouvelle inouïe des Evangiles, c’est qu’en Jésus ressuscité, nous sommes branchés sur une Source de vie inépuisable. Pas la vie naturelle, que nous pourrions dès lors prolonger indéfiniment dans ce monde de souffrances ; non : c’est à une toute autre vie que nous avons accès : la vie même du Père, la vie divine éternelle. C’est dans la puissance de cette vie divine que Jésus s’est levé d’entre les morts, lui qui récapitulait dans sa chair notre humanité à tous, pour l’entraîner dans sa gloire : « Ainsi c’est un seul corps, un seul Christ, la tête avec ses membres, qui s’élève au ciel, s’émerveille Rupert. Dans sa gratitude, le Christ s’écrie, montrant à Dieu l’Eglise dans sa gloire : “Voici l’os de mes os, et la chair de ma chair !” Et, faisant voir que lui et elle se rencontrent dans une véritable unité de personne, il dit encore : “et ils seront deux en une seule chair”. »
Autrement dit, en Jésus glorifié nous sommes déjà « participants de la vie divine » (2 P 1,4). Encore faut-il que nous demeurions unis à lui, afin que par une mystérieuse osmose, le fruit de sa Passion se répande dans nos pauvres vies mortelles et triomphe de la dégradation inévitable qui l’affecte. Or qu’y a-t-il de plus intime que l’union que nous contractons avec les aliments que nous mangeons ? Littéralement nous nous les incorporons : ils deviennent une part de nous-mêmes et c’est ainsi qu’ils nous communiquent leurs vertus nutritive. C’est précisément cette voie que le Seigneur a choisie pour nous communiquer sa propre vie. Lui qui est parfaitement uni au Père et vit de sa propre vie, il se donne à nous sous les espèces du pain et du vin, afin qu’en assimilant sa chair et son sang, nous vivions de sa vie divine. Jean-Paul II méditait : « Non seulement chacun d’entre nous reçoit le Christ, mais aussi le Christ reçoit chacun d’entre nous. Il resserre son amitié avec nous : “Vous êtes mes amis” (Jn 15,14). Quant à nous, nous vivons grâce à lui : “Celui qui me mangera vivra par moi” (Jn 6,57). Pour le Christ et son disciple, demeurer l’un dans l’autre se réalise de manière sublime dans la communion eucharistique : “Demeurez en moi, comme moi en vous” (Jn 15,4) » (Ecclesia de eucharistia 22).
Bien sûr ce don de Dieu ne nous vient pas individuellement : nous recevons l’Eucharistie à la Table que le Père a dressée au milieu de l’Eglise de son Fils. Quand, chaque dimanche, une communauté chrétienne se rassemble autour de l’autel du Seigneur pour célébrer l’Eucharistie, elle devient une icône vivante du mystère de l’Eglise, Epouse bien-aimée du Christ Seigneur. Dès le début du christianisme, l’Eucharistie a été considérée dans son rapport à l’Eglise. La « communion au corps du Christ » dont parle Saint Paul (2nd lect.), désignait déjà l’union mystérieuse des croyants à la communauté, par le fait du sacrement : mystère du Corps unique formé par tous ceux qui ont part à « l’unique Pain ». Corrélativement, l’Eglise n’a cessé d’apparaître liée à l’Eucharistie : c’est en fonction de l’Eucharistie, que l’Eglise fut d’abord désignée comme « Corpus mysticum ». L’Eglise est le corps du Christ signifié par le sacrement : « Le sacrement de l’autel est double, nous dit Maître Simon ; le corps véritable du Christ, et ce qu’il désigne : son corps mystique qui est l’Eglise ». Réalisme eucharistique, réalisme ecclésial : ces deux réalités s’appuient l’une sur l’autre, et sont le gage l’une de l’autre. Le même mystère du salut se reflète en l’un et en l’autre. La présence eucharistique est réelle et réalise l’Eglise en tant que mystère de communion ; la sacramentalité de l’Eglise est réelle, et réalise l’Eucharistie en tant que mystère de la présence agissante du Seigneur. L’Eglise et l’Eucharistie se font, chaque jour, l’une par l’autre : l’idée de l’Eglise et l’idée de l’Eucharistie doivent pareillement se promouvoir et s’approfondir l’une par l’autre (de Lubac).
Au cœur de l’Eglise, l’Eucharistie est la source de sa sainteté ; et il devrait en être de même pour chacun de ses membres : comme les saints, nous sommes invités à trouver dans l’Eucharistie la nourriture pour le chemin de perfection sur lequel nous cheminons personnellement et communautairement. Jean-Paul II a tenu à mettre l’Eucharistie parmi les mystères lumineux, que nous sommes invités à méditer avec Marie afin qu’elle nous fasse connaître la force transformante de ce sacrement. Car, constate encore Jean-Paul II, « il existe une analogie profonde entre le “fiat” par lequel Marie répond aux paroles de l’Ange et l’“amen” que chaque fidèle prononce quand il reçoit le corps du Seigneur. À Marie, il fut demandé de croire que celui qu’elle concevait “par l’action de l’Esprit Saint” était le “Fils de Dieu” (cf. Lc 1,30-35). Dans la continuité avec la foi de la Vierge, il nous est demandé de croire que, dans le Mystère eucharistique, ce même Jésus, Fils de Dieu et Fils de Marie, se rend présent dans la totalité de son être humain et divin, sous les espèces du pain et du vin » (Ecclesia de Eucharistia 55).
En cette année eucharistique, la solennité de ce jour constitue un point culminant et une invitation pressante à nous plonger dans ce mystère central de notre foi. Mais pour accueillir avec gratitude le don de Dieu, ne devons-nous pas d’abord ressentir plus fortement notre indigence ? Le plus grand obstacle à l’émerveillement devant le mystère de grâce inouïe qui nous est offert dans l’Eucharistie, est sans doute notre suffisance : ne prétendons-nous pas avoir tout le nécessaire pour vivre ? « N’oublie pas le Seigneur ton Dieu qui t’a fait sortir du pays d’Egypte » (1ère lect.) ; oui souvenons-nous de la fin de notre vie naturelle, et laissons monter en nous le désir de participer à la vie éternelle pour laquelle nous sommes créés. Nous pourrons alors recevoir avec gratitude « le pain qui descend du ciel : il n’est pas comme celui que nos pères ont mangé. Eux, ils sont morts ; celui qui mange ce pain vivra éternellement ».

« Seigneur Jésus-Christ, dans cet admirable sacrement, tu nous as laissé le mémorial de ta passion ; donne-nous de vénérer d’un si grand amour le mystère de ton corps et de ton sang, que nous puissions recueillir sans cesse le fruit de ta rédemption ; toi qui règne avec le Père dans l’unité du Saint Esprit, maintenant et pour les siècles des siècles. »


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