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 - 27 mars 2024 - Saint Habib
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Homélie

Baptême du Seigneur

La liturgie nous propose aujourd’hui un voyage étonnant. La première lecture s’ouvre en effet sur ce verset d’Isaïe : « voici (…) mon élu en qui j’ai mis toute ma joie », et l’évangile se termine sur cette parole du Père : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; en lui j’ai mis tout mon amour ». Ces deux versets désignent évidemment la même personne, leurs différences nous enseignent le chemin qu’il y a de la prophétie à son accomplissement.

Prenons cet itinéraire à son départ. La lecture du livre d’Isaïe nous donne un portrait magnifique du Messie (Isaïe l’appelle le Serviteur). Il est celui que Dieu soutient, celui en qui il a mis toute sa joie. Il est la lumière des nations, il est l’Alliance de Dieu avec son peuple. Tous ces qualificatifs sont très forts. Le Serviteur est quelqu’un dont la vocation concerne tout homme, sa mission répond à l’espérance qui habite le cœurs de tous les hommes ; pour bien montrer cette universalité, Isaïe appelle ces cœurs les « iles lointaines » qui « aspirent à recevoir [les] instructions » du Messie. En chaque homme subsiste l’espérance du salut, le Serviteur est venu la réveiller.

À peine avons-nous lu ces quelques versets, que nous prenons la mesure de notre entreprise. Le serviteur n’est pas un personnage qui puisse être envisagé indépendamment de sa mission. Or cette mission coïncide exactement avec le projet de Dieu sur nous. Faire le portrait du Messie annonce la grandeur de l’œuvre de Dieu. Cette vocation est remarquable : « il fera paraître mon jugement en toute fidélité ». Ainsi, en contemplant le Serviteur à l’œuvre, en nous émerveillant de la délicatesse de celui qui n’éteint pas « la mèche qui faiblit » et qui n’écrase pas « le roseau froissé », nous découvrons la délicatesse de l’amour de Dieu envers tout homme, nous découvrons ce projet divin que Dieu appelle « mon jugement ». Voici le jugement de Dieu sur l’humanité : « tu ouvriras les yeux des aveugles, tu feras sortir les captifs de leurs prisons et de leur cachot, ceux qui habitent les ténèbres ». Dieu veut redonner à tout homme sa liberté perdue, il veut tous nous rendre à nouveau capables d’aimer.

En effet, saint Pierre l’explique dans la deuxième lecture, « Dieu ne fait pas de différence entre les hommes », car il les regarde en son Fils unique, en Jésus-Christ. « C’est lui, Jésus, qui est le Seigneur de tous » ; c’est lui, Jésus, qui est le Serviteur dont le prophète disait « j’ai fait reposer sur lui mon esprit ». Tel est bien le témoignage que nous livre Jean-Baptiste et que Pierre atteste : « Jésus de Nazareth, Dieu l’a consacré par l’Esprit Saint et rempli de sa force ». Par la parole de saint Pierre, l’Église entière atteste qu’elle a vu l’accomplissement de la prophétie en Jésus-Christ.

Dans l’Évangile, nous retrouvons donc Jean-Baptiste ; il est là pour accomplir sa propre mission de désigner Jésus comme le Messie. Après avoir entendu son portrait par Isaïe, nous mesurons à quel point l’événement du baptême de Jésus se passe dans l’extrême de l’obéissance et de l’humilité : voici le Sauveur du monde venant demander le baptême que Jean donne pour préparer les hommes à recevoir la grâce du salut. Or il est, lui, celui qui vient réveiller l’espérance du salut dans toutes les iles lointaines que sont nos cœurs isolés dans leurs projets d’autonomie ! Voici donc que lui qui n’a pas péché, se laisse ensevelir dans les eaux du Jourdain, c’est-à-dire dans les eaux de notre mort. Celui dont nous avons entendu qu’il « ne criera pas, [qu’il] ne haussera pas le ton » est bien l’Agneau que l’on reconnaît à sa douceur, l’Agneau que Dieu offre pour la réconciliation, selon la promesse qu’il avait faite à Abraham.

Jean Baptiste ne mésestime pas la grandeur de cet événement. Il s’exclame en effet : « C’est moi qui ai besoin de me faire baptiser par toi, et c’est toi qui viens à moi ! ». Jean Baptiste cherche ainsi à empêcher Jésus de recevoir le baptême, considérant que c’est lui-même qui a besoin d’être baptisé dans l’Esprit et non Jésus qui devrait se soumettre au rite du baptême de l’eau ! La réponse de Jésus est claire : « laisse-moi faire ». Jésus n’est soumis a aucune nécessité de recevoir ce baptême puisqu’il est sans péché et que sa mission est de ramener les pécheurs. Jésus reçoit le baptême de Jean Baptiste parce qu’il choisit de le faire. Il s’agit d’une humiliation volontaire de celui qui a décidé de se rendre solidaire des hommes. Et il le fait dans l’obéissance : « c’est de cette façon que nous devons accomplir parfaitement ce qui est juste ». Jésus et Jean doivent accomplir ensemble un dessein divin, qui, « pour le moment », demeure caché, mais qui se dévoilera au fur et à mesure qu’ils le réaliseront.

Cette humiliation volontaire et cette obéissance nous apprennent beaucoup sur la manière dont Jésus envisage sa propre mission, sa propre identité. Il vient en effet dans le but d’accomplir les Écritures, c’est-à-dire pour réaliser les prophéties de l’Ancien Testament, notamment celle que nous avons entendue dans la première lecture. Mais en les accomplissant, il les dépasse amplement. Jésus ne réalise pas les prophéties au pied de la lettre (on le lui en demandait pas d’en faire autant), il les réalise d’une manière qui révèle pleinement l’amour de Dieu qui a suscité le projet divin annoncé par la prophétie. C’est ainsi qu’il nous sera possible de passer de la joie, « en lui j’ai mis toute ma joie » rapportait Isaïe, à l’amour paternel de Dieu, « en lui j’ai mis tout mon amour », rapporte saint Matthieu. La joie de Dieu est la joie de celui qui aime et qui ne fait qu’aimer.

Ainsi, Jésus fut-il baptisé. Dès qu’il « sortit de l’eau », c’est-à-dire dès qu’il émerge de la mort dans laquelle il s’est volontairement plongé, dès qu’il rend la vie victorieuse sur la mort, mais également, dès qu’il eut franchi les eaux du Jourdain, dès qu’il entra sur la Terre Promise, « voici que les cieux s’ouvrirent ». Jésus est le nouveau Josué qui conduit le peuple de Dieu sur la Terre où Dieu l’attend, il rouvre les portes du paradis. Le monde divin est à nouveau accessible à l’homme. Ainsi l’Esprit Saint est-il donné dans sa plénitude au Messie. Puis Dieu le Père atteste en personne l’identité de son Fils. Lui seul pouvait le faire. La colombe et la voix, qui cite Isaïe, nous expliquent qu’il consacre son Fils dans la plénitude l’Esprit Saint, qu’il remet le monde entre les mains de son serviteur pour qu’il le sauve. La grande attente d’Israël est comblée, l’espérance de tout homme est satisfaite. Un sauveur nous est né, un fils nous est donné.

Le temps de Noël ne peut avoir meilleure conclusion que la célébration du baptême du Seigneur. C’est en effet ainsi que nous terminons ce temps liturgique qui est le temps de la révélation de la grâce du salut en Jésus-Christ. Dans la Crèche, nous avons contemplé le Verbe fait chair, à l’Épiphanie nous avons vu la lumière du Christ illuminer les nations, au jour de son baptême, l’œuvre de Dieu se révèle dans sa plénitude : le Père veut sauver tous les hommes et confie à son Fils de leur révéler son amour. Mais ne nous méprenons pas : le temps de Noël ne s’arrête pas sur cet exposé de foi trinitaire. Que Dieu mette tout son amour en Jésus-Christ son fils unique nous enseigne que c’est en son Fils qu’il nous aime. Nous abordons donc le temps ordinaire riches de la révélation que le jugement de Dieu sur les hommes pécheurs consiste à faire d’eux ses enfants d’adoption, des fils dans le Fils.

Seigneur Jésus, merci pour le temps de grâce que nous avons vécu avec toi ces dernières semaines. Nous avons vu en toi l’humanité que Dieu enfante, l’homme nouveau que nous sommes appelés à devenir. Nous avons vu briller la lumière de ton salut à la face des nations. Donne-nous de manifester fidèlement le jugement de Dieu pour tout homme : nous sommes devenus enfants de Dieu, fils dans le Fils, animés de la vie divine, envoyés vers nos frères dans la force de l’Esprit. Que ce don précieux transfigure notre temps ordinaire, qu’il soit, àa chque instant, le temps de ta grâce.


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