Homélie
Chaire de saint Pierre
Jésus, qui se présente ici comme le « Fils de l’homme », demande à ses amis ce que pensent « les hommes » à son sujet. Il le fait à Césarée-de-Philippe, ville moderne et commerçante, qui, à cette époque, était en grand chantier d’expansion et de restauration. Parler de l’Église en construction, du choix de la pierre de fondation d’un édifice, prenaient une forte valeur évocatrice dans ce contexte. Sans compter le contraste entre la foule qui voyait le monde de demain s’élever avec puissance et superbe, alors que peu voyaient le petit groupe des proches de Jésus. Et pour ceux qui considéraient Jésus, qui voyait en lui un autre que Jean-Baptiste, Elie, Jérémie ou l’un des prophètes ? Qui voyait le Christ ?
Mais Jésus ne nous laisse pas entrer dans ces considérations. Il précise immédiatement sa question et nous demande : « mais pour vous, qui suis-je ? ». L’interpellation est directe, elle est évidemment adressée à chacun de ceux qui écoutent l’évangile, en tout temps et en tous lieux. Aussi, gardons qu’elle a été posée dans l’agitation d’une ville en construction, cela souligne l’actualité de la demande de Jésus qui nous rejoint au cœur du mouvement de notre travail, de l’élaboration de nos projets, de la construction de nos vies. Dans ce mouvement et dans ce bruit, il nous interpelle, nous oriente vers l’essentiel – c’est-à-dire vers lui – et nous provoque à la profession de foi de tous les jours, celle de l’« aujourd’hui » de la liturgie. « Tu es le Christ, le fils du Dieu vivant ! ».
C’est pourquoi nous avons prié en ouvrant la célébration pour que l’Église ne se trouble pas, quand elle est tourmentée par les « bouleversements du monde ». Cette profession de foi qui a retenti pour la première fois dans une ville en effervescence, est un don de l’Église au monde. Elle n’a pas à le craindre car elle est pour lui un repère, grâce à l’intervention de Pierre. Notre célébration de ce jour est donc une action de grâce pour le témoignage fidèle de Pierre et de ses successeurs, dont nous attendons qu’ils nous confirment et nous confortent dans notre démarche de foi.
« Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ». Le nouveau nom que Simon reçoit de Jésus résume sa vocation et sa mission d’apôtre. Il dit aussi que sa mission est fondée sur sa relation au Christ, depuis le jour de sa rencontre, lorsque son frère André est venu le chercher sur les bords du lac, jusqu’à la plage où le Ressuscité lui a fait faire l’expérience de son amour tendre et miséricordieux.
Pierre peut alors dire de lui-même, nous l’avons entendu dans la lecture, qu’il est un « témoin des souffrances du Christ et [qu’il] doit participer à la gloire qui va être révélée ». Pierre, nous le savons, a été très peu présent aux côtés de Jésus dans sa Passion. Pourtant, en vertu de l’itinéraire de conversion qu’il a suivi, il a pu découvrir la souffrance de son Seigneur, et, par-dessus tout, se laisser transformer par lui. De la même manière, il nous est également possible d’être associés au témoignage des apôtres qui se sont montrés prêts à donner leur vie pour l’Évangile. Par notre accueil de la miséricorde du Seigneur, nous connaissons le cœur du mystère de l’identité de Jésus, nous faisons l’expérience amoureuse de la rencontre avec le Ressuscité qui ouvre les yeux de la foi et donne de le reconnaître partout où il nous précède. Au cœur de nos Césarée-de-Philippe, bruyantes et actives, comme au cœur de nos Galilée, familiales et intimes, c’es la miséricorde de Dieu qui ouvre nos yeux à sa présence à nos côtés et nous permets de rester fermes dans la foi : « tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ».
En ce jour de fête, prions avec force pour nos pasteurs. Que leur fidélité nous soient un exemple et qu’elle nous stimule. Qu’ils ne manquent jamais de la force dont ils ont besoin quand vient l’heure du témoignage le plus beau et le plus efficace, celui qui est marqué du signe de la Croix. La Croix est en effet la chaire véritable d’où le Christ nous enseigne, elle est le lieu privilégié où Dieu marque sa présence au cœur de notre monde, elle est l’enseignement dont nous avons le plus besoin, celui qui nous dit comment aimer jusqu’au don de soi, celui qui nous montre combien la tendresse est miséricorde.