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 - 16 avril 2024 - Saint Benoît-Joseph Labre
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Homélie

Férie de Carême

La tonalité de la liturgie devient chaque jour plus grave : du complot contre le prophète Jérémie, jusqu’à l’arrestation avortée de Jésus en passant par la supplication du psalmiste, toutes les lectures nous préparent au drame désormais tout proche de la Passion. Pourtant ces nuages sombres qui s’accumulent, ne parviennent pas à occulter la lumière qui accompagne le Juste et l’éclaire sur les événements : « Seigneur tu m’as averti, tu m’as fait voir leurs manœuvres ». Si Dieu prévient son ami de ce qui l’attend, n’est-ce pas la preuve qu’il demeure à ses côtés même au plus fort de la tourmente ? Jérémie ne se fait pas d’illusion sur son sort, mais puisque sa vie est entre les mains de son Dieu, il s’abandonne totalement à lui : « C’est à toi que je confie ma cause ».
La confiance ne supprime pas pour autant la peur : la confiance est un acte de volonté enraciné dans la foi ; la peur est une émotion spontanée devant un danger qui nous menace. La prière ne saurait occulter cet ébranlement affectif, bien au contraire : le psalmiste se jette avec toute l’intensité de cette passion de l’âme dans les bras de son Dieu : « Seigneur mon Dieu, tu es mon refuge ! On me poursuit : sauve-moi, délivre-moi ! Sinon ils vont m’égorger, tous ces fauves, me déchirer, sans que personne me délivre ». Tout se bouscule dans le cœur du fidèle. Certes il a mérité pour ses péchés le centuple de ce qui lui advient, mais il en appelle à Dieu qui fait justice : non le Seigneur ne saurait le livrer à la rage des impies, ni abandonner son ami à la mort.
En relisant ces versets, il est bon de se souvenir que Notre-Seigneur a accompli dans sa chair et dans son âme toutes les Ecritures. Il a voulu être en proie à l’angoisse mortelle qui étreint le psalmiste ; il a fait monter vers Dieu son Père sa prière lorsqu’il a pris conscience du sort que lui réservaient les chefs religieux : « Moi j’étais comme un agneau docile qu’on emmène à l’abattoir. Ils disaient : « coupons l’arbre à la racine, retranchons-le de la terre des vivants, afin qu’on oublie jusqu’à son nom ».
Pourtant au cœur de ces menaces qui se resserrent sur lui comme un étaux, Jésus continue son ministère : imperturbable, « il enseigne au temple de Jérusalem », car il sait bien que son Heure n’est pas encore venue et que nul ne peut l’anticiper. Autour de lui les avis sont divisés, les opinions s’opposent, les partis s’affrontent : « Est-ce que le Messie peut vernir de Galilée ? L’Ecriture dit qu’il doit venir de Bethléem, le village où habitait David ! » Certes, mais il vient avant tout de Dieu. La messianité ne saurait se discerner sur base d’une généalogie humaine ou d’une provenance géographique. C’est à sa parole, son message, son comportement que l’Envoyé de Dieu se fait connaître. Mais un tel discernement suppose une écoute bienveillante, sans a priori.
Curieusement, ce sont les soldats du temple qui vont se trouver dans les dispositions requises pour répondre à la question des origines du Rabbi de Nazareth. Ces hommes font leur besogne sans se poser de questions ; les débats théologiques ne les concernent pas vraiment : ils préfèrent les laisser aux « professionnels ». S’ils attendent que Jésus ait fini son discours pour l’arrêter, c’est uniquement afin d’éviter une émeute toujours possible. Pour être sûr qu’il ne leur échappe pas, ils gardent Notre-Seigneur à l’œil, ne le quittant pas un instant du regard. Aussi ne peuvent-ils s’empêcher d’écouter ce que dit cet homme qui suscite tant de haine parmi les responsables religieux. Et voilà qu’à mesure que sa parole descend dans leur cœur, une paix inhabituelle, à vrai dire inconnue, les envahit. Jésus les a remarqués et croise volontiers leur regard, les incluant dans le cercle de ses auditeurs et s’adressant à eux comme aux disciples qui l’entourent. Bientôt la communion est établie, l’onction de l’Esprit descend sur ces hommes qui ne sont pas aveuglés par la jalousie et n’ont pas d’a priori contre Jésus. Oubliant pourquoi ils étaient venus, les gardes écoutent longuement le Seigneur, et lorsqu’il a terminé son enseignement, aucun d’entre eux ne songe plus à l’arrêter. Tandis que Jésus s’éloigne, ils ruminent ce qu’ils viennent d’entendre, tout en retournant, silencieux, vers leur caserne.
« Pourquoi ne l’avez-vous pas ramené ? » : la voix menaçante du chef des prêtres les arrache à leur méditation. Ebahis par la question qui leur apparaît totalement saugrenue, ils répondent par un argument qui leur semble irréfutable : « Jamais un homme n’a parlé comme cet homme ! » La situation est grave : les soldats ont non seulement formellement désobéi à l’ordre reçu, mais ils prennent la défense du prévenu. Les pharisiens préfèrent ne pas insister : une mutinerie serait malvenue au moment où il faut agir contre ce gêneur dont l’influence s’étend de plus en plus. Evitant l’affrontement, ils cherchent à sauver la face en se drapant dans leur dignité de spécialistes de la Loi, détenteurs de la vraie connaissance. Mais blessés dans leur orgueil, ils se rapprochent entre eux, et baissant le ton pour ne pas être entendus par la foule et par les soldats, ils décident de la condamnation de Notre-Seigneur.
Cette précipitation illégale provoque la réaction de Nicodème, « qui était allé précédemment trouver Jésus ». Cet homme qui est lui aussi entré dans l’intimité du Seigneur, rappelle le droit de l’inculpé de défendre publiquement sa cause. En vain : son intervention est rejetée avec mépris et même avec une pointe de menace. Les jeux sont faits : « ils rentrèrent chacun chez soi », s’enfermant dans leur prison de haine, livrés au bon plaisir de celui qui dans l’ombre est trop heureux d’avoir su tirer profit de l’arrestation avortée, pour conduire à une décision de condamnation.

« Seigneur, seuls ceux qui se sont exposés à ta présence, ont eu le courage de prendre ta défense. Les autres se sont lâchement tus ou t’ont condamné. Aussi je te demande la grâce de demeurer fidèle à ces moments de rencontre intime avec toi dans la prière, les sacrements, l’adoration, la méditation de ta Parole. Accorde-moi de trouver mon bonheur auprès de toi pour ne pas rougir de toi devant les hommes. Et lorsque l’heure sera venue de te suivre sur le chemin de l’épreuve, donne-moi Seigneur de me souvenir de ta présence à mes côtés, afin que je puise en toi la force de la fidélité et de l’espérance. »


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