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 - 24 avril 2024 - Sainte Marie-Euphrasie Pelletier
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Homélie

10e dimanche du Temps Ordinaire

Nous connaissons souvent le prophète Osée comme le chantre de la tendresse et délicatesse de l’amour de Dieu. Les versets poétiques de la première lecture ne sont pas de nature à nous détourner de cette image. Il ne faut pourtant pas négliger qu’Osée est surtout le témoin de l’amour souffrant. Par les trahisons répétées de sa femme, le prophète a expérimenté dans sa chair la souffrance de Dieu provoquée par les infidélités répétées de son peuple. Quoi de plus difficile pour un amour divin que d’être délaissé pour des idoles de bronze ? Quoi de plus humiliant pour ce cœur toujours prêt à pardonner qu’un cœur de pierre qui croit se racheter une droiture par des sacrifices rituels ? Ainsi, par la bouche d’Osée, le Seigneur laisse entendre le cri qui vient de ses entrailles : « c’est l’amour que je désire ».

La première lecture a donc la vertu de camper en quelques lignes l’intensité du drame. D’un côté le peuple de Dieu, conscient de sa faute et sûr du pardon de Dieu. Il s’exclame : « Efforçons-nous de connaître le Seigneur ; sa venue est aussi certaine que celle de l’aurore ». De l’autre le Seigneur, qui pèse combien la nature de son pardon est ignoré puisqu’on cherche à lui acheter en égorgeant rituellement quelques bêtes. Il déplore : « Votre amour est fugitif comme la brume du matin. (…) C’est l’amour que je désire, et non les sacrifices ». Pour le dire d’une manière encore plus ramassée, nous avons d’un côté les hommes qui disent : « efforçons-nous de connaître le Seigneur », et de l’autre, Dieu qui dit : « C’est la connaissance de Dieu que je désire, plutôt que les holocaustes ». Peut-on sortir d’un tel dialogue de sourd ?

Le psaume répond à cette question. Alors que Dieu s’interroge dans la première lecture : « Que vais-je te faire, Éphraïm ? Que vais-je te faire, Juda ? », Il répond dans le psaume : « Invoque-moi au jour de détresse : Je te délivrerai, et tu me rendras gloire ». Ainsi son peuple ne sera pas déçu d’avoir placé sa confiance dans le Seigneur. Et le psaume abonde en ce sens : les sacrifices offerts au Seigneur ne sont rien s’ils n’expriment l’amour. Il n’y a rien que l’homme puisse apporter ou offrir au Créateur de toutes choses, sinon son amour. « Si j’ai faim, irai-je te le dire ? Le monde et sa richesse m’appartiennent. Il n’a d’ailleurs que faire des bêtes offertes sur ses autels : « Vais-je manger la chair des taureaux et boire le sang des béliers ? ». Le sacrifice que demande Dieu est celui de l’action de grâce et de la fidélité à sa loi : « offre à Dieu le sacrifice d’action de grâce ; accomplis tes vœux envers le Très-Haut ».

Voilà pour le contexte général. Reste que, si nous sommes sûrs de l’heureux dénouement du drame, nous ne savons pas encore comment en sortir. Comment faire pour que nos efforts envers le Seigneur ne soient pas vains ? Comment découvrir ce qu’est réellement sa miséricorde et comment en vivre ?

Jésus, évidemment, est la réponse que nous attendons. Dans l’évangile de ce jour, nous voyons Jésus dépassant nos frontières et nous invitant à l’imiter.

Tout va très vite en effet, on bouge beaucoup. La première scène se passe à la frontière de Capharnaüm, au poste de Matthieu le publicain. Jésus s’apprête à sortir de la ville. Il voit Matthieu, il l’appelle à lui et l’autre se lève aussitôt. Tout a basculé en quelques secondes. Lui qui était « assis à son bureau », c’est-à-dire sans dynamisme spirituel, assis dans une vie terne et sans but, il a vu surgir le salut, il a entendu l’appel du Messie.

Puis la scène suivante a lieu « à la maison ». Quelle maison ? Celle de Jésus ? Celle de Matthieu ? Sans doute. Mais nous ne le savons pas exactement. Ce qui compte, c’est qu’ils sont à nouveau en ville, Jésus a repassé la frontière. Autrement dit, il n’allait dehors que pour chercher Matthieu. Il est le bon berger qui sort et va chercher la brebis égarée.

Dans cette maison, un repas est partagé. Un repas qui fait scandale. « Les pharisiens disaient aux disciples : ‘ Pourquoi votre maître mange-t-il avec les publicains et les pécheurs ? ’ ». Pour le comprendre, il nous bien entendu nous rappeler que Matthieu est un publicain. C’est-à-dire quelqu’un qui s’occupe du trésor public. C’est-à-dire quelqu’un de tout à fait détestable. Plus exactement, quelqu’un que le système a rendu ignoble aux yeux de tous. A cette époque en effet, c’était aux publicains que revenait de faire l’avance des sommes convenues pour l’impôt. A eux de rentrer ensuite dans leurs fonds en prélevant les taxes sur le peuple. Inutile de se cacher la réalité : ils trouvaient dans cette liberté une occasion d’augmenter leurs bénéfices. Leur réputation était donc exécrable.

Au-delà de la réputation que Matthieu pouvait avoir, il est intéressant de retenir que Jésus pose un acte aussi inattendu qu’insensé aux yeux de tous : il appelle Matthieu le publicain et en signe de cette alliance il partage le repas avec lui et ses amis.

C’est ici que notre question rejoint l’enseignement de Jésus. Dans un mouvement spontané, il serait aisé de condamner les pharisiens, qui, une fois de plus, n’ont rien compris à l’évangile, alors que nous, au contraire, nous sommes bien capables de concevoir que le Seigneur mange avec des gens peu recommandables. Cette attitude serait un peu trop hâtive. La question des pharisiens est en effet aussi la nôtre car elle est celle de la connaissance. Comme nous, comme le peuple de Dieu dans la première lecture, les pharisiens sont des personnes qui s’efforcent de connaître Dieu. Et nous voyons qu’ils n’arrivent pas à le rejoindre. Nous sommes donc invités à nous remettre en question. Au-delà des connaissances que nous avons sur les habitudes de Jésus, notre vie montre trop souvent que nous attendons du Seigneur qu’il prenne sa compagnie parmi les justes. Nous le manifestons par exemple dans le désir que nous avons de nous rendre dignes de lui, de mériter sa faveur ou sa complaisance. Nous estimons convenable de lui obéir en toutes choses parce que nous attendons qu’il bénisse nos efforts et qu’il nous trouve convenables. Et nous trouvons dans l’Écriture toutes sortes d’arguments qui confirment le bien-fondé de notre attitude. Nous sommes finalement ceux que dénonce le prophète Osée, qui veulent se rendre dignes de Dieu à force d’holocaustes. Nous essayons d’acheter l’amour de Dieu en construisant une rectitude qui enferme Dieu.

C’est donc bien à nous que s’adresse la réponse de Jésus. Il nous dit d’abord le sens de sa mission : « je ne suis pas venu appeler les justes mais les pécheurs ». Les pharisiens devaient être d’accord avec cette affirmation. Eux aussi avaient ce souci. C’est ainsi qu’ils enseignaient la Loi et ils escomptaient donner l’exemple d’une vie conforme à la foi. Mais le Seigneur choisit une autre méthode. Il montre au pécheur qu’il est appelé à manger à la table du Seigneur. Il montre que la priorité n’est pas de vouloir augmenter sa fidélité à la Loi, mais de percevoir la présence du Seigneur à ses côtés. Car c’est la foi en sa présence qui permet au Seigneur de faire l’impossible. Par cet acte, Jésus enseigne au pécheur qui se sent indigne de lui, qui se sait incapable de fidélité, qui connaît les pentes irrésistibles de sa faiblesse, que la foi peut le remplir de puissance, car « Jésus est ressuscité pour sa justification », selon ce qu’explique saint Paul.

Ce repas, apparu d’abord comme choquant, nous révèle une réalité de la plus haute importance. Lorsque nous constatons notre faiblesse avec des récidives accablantes, il nous faut fortifier notre foi en l’action du Seigneur, il convient de mettre en lui notre espérance. C’est ainsi que sa présence à nos côtés nous réhabilite avec puissance.

Le sens de ce repas est ensuite donné par le Seigneur : « c’est la miséricorde que je désire, non le sacrifice ». Jésus cite la première lecture et montre quels sont les pécheurs qui ont besoin de lui : ceux qui offrent des sacrifices pour leur propre justification, alors que tout est à attendre de Jésus lui-même. Ceux qui pensent aimer par leurs propres forces s’entendent dire « votre amour est comme la rosée du matin qui tôt se dissipe ». Jésus leur révèle qu’ils sont en fait prisonniers d’une sécurité spirituelle qui contraint l’essence de l’amour le don de soi.

Puissions-nous trouver dans le repas que nous allons partager maintenant le réconfort de la présence de celui qui peut tout, puissions-nous y trouver la force de celui qui attend tout de son Seigneur et qui à l’appel de sa voix se lève sans poser de question, quitte toute sécurité pour le suivre, et s’offre en sacrifice à la miséricorde divine.


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