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 - 28 mars 2024 - Saint Gontran
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Homélie

La Vierge Marie reine

Les frères ennemis font front commun pour tenter d’éliminer leur adversaire : après l’échec des sadducéens, c’est au tour des pharisiens de « mettre Jésus à l’épreuve ». La question posée est parfaitement académique : il était courant de demander à un Rabbi de hiérarchiser les commandements de manière à faire ressortir les traits saillants de sa doctrine ; plus précisément : l’originalité de son interprétation de la Torah. Aussi n’est-il pas facile de discerner où se situe à proprement parler « l’épreuve » : les pharisiens entendent-ils simplement faire passer à ce Rabbi un « examen de compétence » ? C’est peu probable : l’hostilité ouverte des chefs religieux contre Jésus trahit que la phase d’observation et d’évaluation est largement dépassée. Mais alors où est le piège ? Peut-être ses contradicteurs cherchent-ils à nouveau à obliger Jésus à prendre position dans un débat d’école, afin de diminuer son ascendant sur la foule en la divisant à son égard ? Ou plus simplement encore, les pharisiens ont-ils perçu que Notre-Seigneur refuse de réduire la Loi à un ensemble de préceptes qui écrasent de leurs exigences les petites gens ; aussi espèrent-ils secrètement que Jésus rejettera ouvertement la dimension prescriptive de la Thora, en refusant d’énoncer « le grand commandement », c’est-à-dire celui qui s’impose de manière absolue. Il est certain qu’ils auraient ainsi un solide motif d’accusation, car la dimension éthique est essentielle à la Révélation de la première Alliance.
La réponse de Jésus a de quoi surprendre. Dans un premier temps, on ne peut qu’admirer l’à propos et la délicatesse avec laquelle Notre-Seigneur ramène ses contradicteurs à l’essentiel. Mettant en relation un verset du Deutéronome (Dt 6, 5) et un autre du Lévitique (Lv 19, 18), il enracine l’ensemble des préceptes de la Loi dans deux impératifs qui n’en font qu’un – ou qui du moins sont « semblables » : l’amour inconditionnel de Dieu et du prochain. Mais là réside précisément le paradoxe : comment l’amour peut-il faire l’objet d’un commandement ? Si l’amour est contraint, il n’est plus libre ; et s’il ne procède pas de la liberté, il est indigne d’être appelé « amour ».
Ce genre d’objection est caractéristique de la culture contemporaine et procède de la confusion entre l’amour-sentiment et l’amour-volonté. Il est clair que l’on ne peut contraindre quelqu’un à ressentir un sentiment d’amour pour une autre personne. Les sentiments et émotions – tels que l’amour de convoitise, le désir ; ou leurs contraires : la haine, l’aversion – sont des passions de l’âme qui s’éveillent spontanément en réponse à une action extérieure perçue par les sens (ou imaginée intérieurement). Il est absurde de chercher à « commander » ce qui est de l’ordre du réflexe. Par contre l’amour-volonté désigne l’orientation délibérée et volontaire de la personne vers une fin discernée comme étant un bien. Seule cette forme d’amour est un « acte humain », c’est-à-dire une action qui implique un engagement de la liberté ; l’amour-sentiment est un acte dit « de l’homme », c’est-à-dire une action instinctive, spontanée, sans valeur morale. La confusion entre ces deux modalités de l’amour est redoutable : bon nombre de jeunes gens de nos jours refusent de s’engager dans le mariage sous prétexte qu’ils ne peuvent pas assurer que leur sentiment survivra à l’usure du temps. Sur ce point ils n’ont pas tort : les sentiments sont versatiles par nature ; c’est bien pourquoi ils doivent être pris en relais par un acte de volonté qui les ratifie et en fait un choix libre et durable. La décision d’aimer pour la vie procède d’un discernement aboutissant à la conviction partagée par les fiancés qu’ils sont « faits l’un pour l’autre », c’est-à-dire qu’ils sont donnés l’un à l’autre pour qu’ils apprennent à s’aimer et puissent découvrir au cœur de cet amour, le visage de leur Dieu. Une fois le discernement accompli et la décision prise, c’est dans l’obéissance à la parole donnée que les époux persévèrent dans l’amour, jour après jour.
Il en va de même pour notre relation à Dieu : le précepte de l’amour de Dieu et du prochain n’a de sens que sur l’horizon de l’Alliance, c’est-à-dire de l’engagement réciproque contracté entre Dieu et son peuple, une fois pour toutes. Israël a toujours célébré les préceptes comme des dons du Dieu-Epoux permettant à l’Epouse de lui manifester concrètement son amour et sa fidélité. Hors de ce contexte, les commandements se dénaturent en prescriptions formelles et la morale en moralisme. C’est pourquoi Jésus ramène ses contradicteurs – qui ne sont pas indemnes de cette dérive – au fondement de la Loi, à son enracinement dans l’Alliance toujours première. Ce n’est que sur l’horizon de l’initiative gratuite de Dieu à notre égard, que notre obéissance au précepte de l’amour prend son sens comme un acte délibéré de reconnaissance et de réciprocité.

« Seigneur, comment pourrions-nous répondre à une telle exigence, nous qui ne sommes que des “ossements desséchés” (1ère lect.) ? Comment pourrions-nous aimer avec un cœur de pierre ? Souffle encore sur nous ton Esprit, afin que nous vivions. Fais-nous sortir de nos tombeaux, mets en nous ton Esprit d’amour et installe-nous sur notre terre de liberté. Nous pourrons alors obéir au “grand commandement”, qui consiste à “t’aimer de tout notre cœur, de toute notre âme et de tout notre esprit ; et à aimer notre prochain comme nous-mêmes”. »


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