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 - 28 mars 2024 - Saint Gontran
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Homélie

Saint Antoine de Padoue, prêtre et docteur de l’Eglise,

Nous poursuivons les antithèses du sermon sur la montagne. : « Vous avez appris que… » ; « Eh bien moi, je vous dis… ». La barre est haute, très haute ; comme le ciel et les pensées de Dieu sont infiniment au-dessus de nos manières humaines d’évaluer les situations. Où inversement : c’est à la lumière des exigences formulées par Jésus que nous pouvons évaluer la profondeur de l’abîme dans lequel le péché nous a entraîné. Inutile d’y « aller au forcing » : nous aurions tôt fait de nous décourager et de trouver mille bonnes raisons pour baisser les bras. Certes ces conseils ont un caractère utopique (u : hors de ; topos : lieu) ; mais précisément : ils nous annoncent la charte d’un Royaume qui n’est pas de ce monde, mais que Jésus est venu instaurer et auquel il nous invite à participer. Il faut sans doute commencer par entrer dans la logique de ce discours inaugural du monde à venir ; nous laisser toucher par sa cohérence profonde ; laisser éveiller en nous les résonances cachées qu’il ne manquera pas de susciter ; afin de mobiliser notre volonté et tendre à sa mise en œuvre dans notre vie quotidienne. Alors le Seigneur lui-même viendra au secours de notre impuissance, et nous aidera à faire nos premiers pas hésitants dans un monde où nous avons perdu la plupart de nos repères.
Dans le passage que nous venons de lire, Jésus s’en prend vigoureusement à la logique de la répétition indéfinie de la violence - fût-elle légale. Une telle pseudo-justice est incapable d’établir une paix durable car elle revendique que l’autre souffre tout autant que moi, du mal qu’il m’a fait subir. Rien de plus certes, ce qui nous sauve de la vengeance disproportionnée que préconisait Lamek - « J’ai tué un homme pour une blessure, un enfant pour une meurtrissure » (Gen 23-24) -, mais c’est néanmoins la destruction qui triomphe : du bourreau à la victime et retour, le mal est doublé.
Jésus nous invite au contraire à une justice surabondante, qui renonce à revendiquer que le mal soit rendu, et par le fait même entretenu. Certes, celui qui pardonne ainsi sait qu’il prend un risque. En renonçant à la puissance du droit qui lui permet de régler le litige par la force, il s’expose à être lui-même victime de la violence à laquelle il a renoncé. Mais il sait aussi que sans ce risque, l’histoire n’a aucun avenir et que la violence se répétera indéfiniment par alternance d’oppresseurs devenant opprimés et d’opprimés se transformant en oppresseurs.
Celui qui pardonne rompt délibérément ce cercle infernal, au risque de sa propre vie. Jésus a couru ce risque jusqu’au bout et tant d’autres à sa suite, qui ont cru en la victoire finale de l’amour sur la haine, du pardon sur les exigences d’une justice tout humaine.
« Il n’y a pas de paix sans justice, mais il n’y a pas de justice sans pardon » (Jean-Paul II) : pardonner, revient à libérer le coupable en le relevant de sa dette, tout en sachant qu’il peut fort bien tourner contre nous l’arme que nous venons de déposer. C’est donc s’exposer sans défense à la liberté de l’autre auquel on fait pleinement confiance dans « l’obéissance de la foi » (Rm 1,5), et « une foi agissante par la charité » (Ga 5,6).
L’invitation à tendre la joue droite souligne l’exigence d’une telle attitude : à la violence, nous sommes invités à répondre par une attitude qui signifie que nous avons renoncé à nous faire justice, car nous avons choisi délibérément de laisser disposer de nous-mêmes, en remettant notre cause à un Autre, comme Jésus s’est livré entre les mains des hommes, en s’en remettant totalement au bon vouloir de son Père.
Il ne s’agit pas d’un laisser faire totalement passif, d’une démission, d’une soumission servile ; tout au contraire, Jésus nous invite à poser des actes de liberté positifs : « laisse ton manteau, fais deux milles pas avec lui, donne, ne te détourne pas ». C’est précisément en nous engageant ainsi à l’encontre de la violence, que nous sauvons notre liberté de toutes les haines, colères, et autres désirs de vengeance qui l’assaillent et la poussent à une riposte qui ne ferait qu’amplifier le mal.
L’attitude surprenante que Jésus nous invite à adopter - qui est fondamentalement la sienne tout au long de sa vie, jusqu’au cœur de sa Passion - est la seule qui sauvegarde la possibilité d’un dialogue, qui permette à chaque instant de renouer des relations humaines, qui maintienne l’avenir ouvert ; au lieu d’enfermer dans la reproduction indéfinie d’un passé mortifère.

« Seigneur donne-nous le courage de mettre en pratique ces préceptes dans nos relations quotidiennes ; de choisir de construire avec toi l’unité par le chemin du pardon, plutôt que de disperser nos forces spirituelles dans la violence aveugle. Apprends-nous à nous soucier davantage de “donner à qui nous demande”, plutôt que de réclamer ce qui nous est dû, même en stricte justice. Car la justice des hommes ne donne pas accès au Royaume de l’amour. »


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