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 - 28 mars 2024 - Saint Gontran
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Homélie

4e dimanche du Temps Ordinaire

L’homme est l’être de la parole : c’est là sa spécificité au milieu du monde animal auquel il appartient par sa dimension somatique. Mais il n’est pas la source du verbe : l’enfant n’accède à la parole que dans la mesure où un adulte - son père - l’invite à prendre sa place dans le dialogue qu’il instaure avec lui. Autrement dit, la prise de parole est toujours réponse, qui fait suite à l’écoute d’une parole venant d’un autre. Ultimement, au bout de la chaîne - qu’elle soit horizontale ou verticale - c’est la Parole du Tout-Autre qui fonde notre discours humain.
Hélas depuis que la ruse du Serpent a perverti notre intelligence, la parole du « Père du mensonge » (Jn 8,44) interfère avec celle de Dieu. Désormais notre cœur est double : nous avons le souci non seulement « des affaires du Seigneur », mais aussi - et souvent en priorité - « des affaires de cette vie » (2nd Lect.). Pour retrouver l’unité et la paix intérieures et extérieures, il n’est pas d’autre chemin que de nous recentrer sur la Parole de Dieu, afin « de lui être attachés sans partage » (Ibid.). C’est pourquoi le Seigneur nous a envoyé ses serviteurs, porteurs de sa Parole ; il a promis à Moïse de faire lever au milieu de ses frères un prophète comme lui, qui transmettrait tout ce que le Très-Haut lui prescrirait (cf. 1ère lect.).
Nous le croyons : c’est en Jésus, le Verbe incarné, que Dieu accomplit cette promesse. L’Evangile de ce jour décrit l’action toute-puissante et irrésistible de sa Parole : « Voilà un enseignement nouveau, proclamé avec autorité ! Il commande même aux esprits mauvais, et ils lui obéissent ». Non seulement Jésus est la Parole de Dieu qui nous offre la possibilité d’entrer à nouveau en dialogue avec le Père, mais par sa simple présence, il dévoile le Menteur et lui impose le silence.
Aujourd’hui comme hier, l’ennemi est toujours à l’œuvre ; il a en effet acquis des droits sur nous en raison de nos complicités avec le péché, et il ne se reconnaît pas vaincu sans opposer auparavant une résistance farouche. Il était hors de question d’admettre un démoniaque dans une synagogue ; il clair que cet homme ignorait le triste état de son âme, et l’esprit malin ne s’est trahi que parce que Jésus l’y a contraint par sa présence. La contestation rencontrée par Jésus de son temps, perdurera de générations en générations ; car si par sa Passion victorieuse Notre-Seigneur a effectivement déjà triomphé du Mauvais et nous a rendu participants de sa victoire, il n’a pas pour autant interdit au Satan de nous tenter. Notre participation à la rédemption consiste précisément à « choisir la vie » (Dt 30, 19) en adhérant à la Parole de Dieu et en repoussant le discours du Diable, dont nous pouvons reconnaître les sophismes et les mensonges à la lumière de l’Esprit. Car de même que nous avons librement failli, c’est par un nouvel acte de liberté, soutenu par la grâce divine, que nous sommes appelés à exprimer notre adhésion au Christ Sauveur. Plus précisément : c’est en obéissant à sa Parole de vérité que nous avons à nouveau accès à la vie, cette vie divine que nous avions perdue par notre adhésion au discours de celui qui est « homicide dès les origines » (Jn 8,44).
Qui d’entre nous n’a pas éprouvé de résistance devant les exigences de l’Evangile ? Ce ne sont pas que les possédés qui réagissent violemment en présence de Jésus : lorsque paraît le Verbe-lumière, nous sommes tous débusqués dans nos complicités secrètes avec les ténèbres. C’est même alors qu’elles révèlent précisément leur visage hideux et que nous découvrons - souvent à notre plus grande confusion - nos oppositions parfois acharnées à la seigneurie du Christ dans nos vies. Le mal hérité du péché originel est en effet très profondément enfoncé et diffusé en nous, et ne s’éveille qu’au moment où nous nous engageons sur le chemin de la conversion : « Aussi longtemps qu’un homme est retenu dans les choses visibles de ce monde, explique Saint Macaire, il ne sait même pas qu’il y a un autre combat, une autre lutte, une autre guerre au-dedans de lui-même. C’est en effet quand un homme se lève pour combattre et se libérer des liens visibles de ce monde, et qu’il commence à se tenir avec persévérance devant le Seigneur, qu’il fait l’expérience du combat intérieur contre les passions et contre les pensées mauvaises. Aussi longtemps que quelqu’un ne renonce pas au monde, ne se détache pas de tout son cœur des convoitises terrestres, ne veut pas s’unir entièrement et sans réserve au Seigneur, il ne connaît ni les ruses secrètes des esprits de malice, ni les passions mauvaises cachées en lui. Mais il est étranger à lui-même, ne sachant pas qu’il porte en lui les plaies des passions secrètes ».
Saint Maxime le Confesseur souligne lui-aussi que nos passions sont en général voilées sous nos préoccupations quotidiennes et demeurent dans un état de sommeil apparent, de sorte que notre âme s’établit dans un état de paix qui en vérité est illusoire. Dès que nous nous engageons sérieusement sur le chemin de la vie spirituelle, des passions dont nous ignorions jusqu’à l’existence, ou qui nous paraissaient peu développées en nous, se réveillent et se manifestent dans toute leur intensité. « Les bêtes féroces étaient déjà là, cachées, écrit Saint Jean Climaque, mais elles ne se montraient pas. »
Que cela ne nous trouble pas, mais nous incite tout au contraire à nous exposer avec plus d’ardeur encore à la Parole qui nous délivre et nous sauve : « Aujourd’hui si nous entendons sa voix, ne fermons pas notre cœur » (Ps 94), mais accueillons la Parole du Seigneur. C’est elle qui tout à la fois nous restaure dans notre orientation originelle vers le Père, qui nous délivre des tromperies de l’Ennemi, et nous donne de pouvoir lui répondre dans la liberté filiale retrouvée.

« “Sauve-nous, Seigneur notre Dieu ; par ta Parole toute-puissante, rassemble tes enfants dispersés” (Ant. d’ouv.) ; qu’elle nous libère de nos compromissions avec le mal, nous fasse découvrir ton visage, et nous révèle notre identité profonde. Nous pourrons alors “t’adorer sans partage, et avoir pour tout homme une vraie charité” (Or. d’ouv.) ».


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