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 - 24 avril 2024 - Sainte Marie-Euphrasie Pelletier
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Homélie

mercredi des Cendres

L’imposition des cendres que nous vivons au début de chaque Carême manifeste le sens de ce temps liturgique. Ce rite signifie le désir de cette mise en route, humble et pénitente, vers la réconciliation promise par le Seigneur dont nous faisons mémoire lors de la veillée pascale.

Voyons comment les textes de la liturgie de ce jour nous invitent à prendre ce chemin. La première lecture, tirée du prophète Joël, est un appel à « revenir vers le Seigneur de tout notre cœur ». La précision - « déchirez vos cœurs et non vos vêtements » - nous rappelle qu’il s’agit d’une démarche intérieure. Certes, cette dernière doit s’incarner pour ne pas demeurer velléitaire. Cependant, l’essentiel réside dans la conversion que le prophète exprime en terme de retour vers le Seigneur duquel nous nous étions éloignés. Et comme pour bannir toute peur, Joël insiste : « Revenez au Seigneur votre Dieu, car il est tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour, renonçant au châtiment ». Comme le fils prodigue, nous sommes donc invités à nous mettre en marche vers le Père, dans l’espérance de sa miséricorde.
N’est-ce pas aussi l’essentiel du message que Saint Paul adresse au Corinthiens ? Dans un style particulièrement solennel, il supplie ses frères « au nom de Jésus-Christ » de « se laisser réconcilier avec Dieu ». Le passif montre bien que l’initiative de cette réconciliation vient entièrement de Dieu qui seul peut accorder le pardon ; mais en même temps, la supplication souligne que nous avons à accueillir ce pardon, lequel nous est offert et non pas imposé. A nouveau, il y a une démarche à faire : Dieu appelle par son ambassadeur Paul ; et nous sommes supposés répondre à cet appel en nous mettant en route vers lui.

Ainsi dans les deux lectures, un chemin est à parcourir ; d’où les traditionnelles processions d’entrée en carême. Comme les Hébreux, il nous faut quitter nos terres d’Egypte pour nous mettre en route vers la terre promise, tout en sachant que pour atteindre ce terme, il nous faudra oser nous enfoncer quarante jours au désert.
Le désert. Lieu de silence, de dénuement, de solitude voire de mort, le désert peut inquiéter ou même rebuter. Mais il peut se révéler aussi comme le lieu privilégié de la rencontre, avec soi, avec Dieu. C’est bien là tout le sens du Carême. Se dépouiller de soi, creuser en soi le désir de rencontrer Dieu en esprit et vérité. Dégager l’espace où il pourra venir se donner et ce, particulièrement, le jour de Pâques où il nous comblera de sa vie de Ressuscité. N’est-ce pas cela se convertir ? Ouvrage à remettre sans cesse sur le métier. Car il s’agit là d’une véritable lutte à mener contre nos idoles, notre autosuffisance, nos égoïsmes… Oui, le Carême est un temps de combat spirituel. L’oraison de la liturgie d’aujourd’hui nous le rappelle. Mais un guerrier, fut-il du Seigneur, ne part pas au combat sans armes.
Dans l’évangile de ce soir, Jésus nous en propose trois : l’aumône, la prière et le jeûne. Il attire notre attention sur les modalités de leur pratique pour qu’elles puissent se montrer réellement efficaces. Pour ce faire, par trois fois, Jésus va opposer à l’emphase spectaculaire des pharisiens la discrétion de celui qui agit en réponse à l’appel intérieur à la conversion et dont la seule motivation est de se rapprocher de Dieu pour se laisser réconcilier avec lui : « Ton Père qui est présent dans le secret connaît ton action ; ton Père voit ce que tu fais en secret : il te le revaudra ». Cette incise nous révèle le cœur de l’enseignement que Jésus veut nous donner.
La vraie récompense de l’aumône, de la prière et du jeûne, c’est l’intimité retrouvée avec le Père au terme d’une démarche sincère de conversion. Chemin de décentrement de soi, d’apparente perte du bénéfice de son action, bref de désintéressement, de gratuité.
Jeûner c’est faire de la place en nous pour permettre à Dieu de nous rejoindre. Jeûner c’est aussi reconnaître que le Seigneur est notre unique nécessaire et que tout nous vient de lui. Jeûner c’est enfin reprendre conscience que la seule chose qui ne vient que de nous et que nous pouvons présenter à Dieu pour qu’il nous en libère : c’est la pauvreté de notre péché. Libérés du trop plein de nous-mêmes nous pourrons alors par la prière rejoindre dans l’intimité celui qui toujours nous précède pour se donner à nous. Dans la reconnaissance du don gratuit de cet amour résonnera alors l’appel à nous donner à notre tour gratuitement aux autres. " Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement " (Mt 10,8). Voilà le sens de l’aumône : donner, se donner c’est-à-dire reconnaître que rien ne nous appartient, que tout nous est donné gratuitement par Dieu, à commencer par le don merveilleux de la vie.
« Ton Père te le rendra » : le regard du Père, qui scrute le secret des cœurs, est un regard gratifiant. Jésus ne précise pas ce que rend le Père, peut être parce qu’il n’a qu’une chose à donner en partage : sa propre vie. Autrement dit, en Jésus, Dieu me gratifiera du don de lui-même, dans la mesure de la perte à laquelle j’aurai consenti gratuitement.

Le Carême est donc chemin vers la vie, chemin de vie. Le Christ nous y précède. N’ayons pas peur de le suivre. Il est déjà vainqueur. Notre combat c’est celui de la disponibilité pour accueillir les fruits de sa victoire. Mais là aussi la grâce nous précède dans la personne même de l’Esprit-Saint.
Concluons en faisant nôtre l’exhortation de l’apôtre Paul en cette année qui lui est consacrée. Oui, frères : « Ne laissons pas sans effet la grâce reçue de Dieu. Car c’est maintenant le moment favorable, c’est maintenant le jour du salut où le Seigneur nous exauce et vient à notre secours ».


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