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 - 28 mars 2024 - Saint Gontran
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Homélie

Férie de Carême

L’évangile que la liturgie propose aujourd’hui à notre méditation peut se décomposer en deux parties : un premier ensemble qui traite de la prière, un second constitué du dernier verset de notre péricope, appelé communément la Règle d’or.

Regardons tout d’abord les versets concernant la prière. L’enseignement que Jésus y donne doit être mis en relation avec celui qu’il avait déjà dispensé quelques versets plus haut où il invitait ses disciples à demander non avec force de paroles mais en s’en remettant avec confiance au Père qui connaît bien les besoins de chacun. Cette attitude filiale est explicitée ici encore davantage par Jésus : « Demandez et vous recevrez ; cherchez, vous trouverez ; frappez, la porte nous sera ouverte. Celui qui demande reçoit ; celui qui cherche trouve ; et pour celui qui frappe, la porte s’ouvrira ». Ces mots traduisent l’assurance d’être exaucé dans toutes nos demandes. Et c’est bien cette assurance qui reflète la qualité de notre relation filiale par rapport à notre Père. Celui qui se reconnaît pleinement fils ne doute pas de son père. Et, à la limite, il se soucie peu de ce que son père lui donnera. Non pas que cela lui soit indifférent mais parce qu’il sait que son père lui donnera toujours ce qu’il y a de meilleur pour lui. L’évangéliste, pour appuyer cette idée, utilise l’argument a fortiori propre au Judaïsme de l’époque de Jésus : « Si donc, vous qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus votre Père qui est aux cieux donnera-t-il de bonnes choses à ceux qui les lui demandent ».

A quoi bon alors se creuser la tête pour savoir quoi demander ? A quoi bon même demander puisque nous sommes sûrs du don du père ? Mais de telles questions relèvent-elles d’une attitude filiale ?
Remarquons que, dans le verset que nous venons de citer, il est précisé que le Père donnera « de bonnes choses à ceux qui les lui demandent ». Il s’agit donc de demander et demander quelque chose de précis. En effet, un fils ne se sent en rien dispensé de demander à son père. Car, s’il se reconnaît fils, cela veut dire que, dans une joyeuse dépendance, il attend tout de son père. Ne rien demander ne finirait-il pas par signifier, qu’au fond, il n’a pas besoin de lui. De la confiance, il serait passé à l’indifférence. Oui, c’est bien le propre du fils de demander à son père et de demander, non pas tout court, mais de demander bien concrètement, du « pain », du « poisson ». Car le père se réjouit de la confiance de son fils lorsque celui-ci lui adresse des intentions bien concrètes. Il se voit alors reconnu dans sa paternité. Un fils ose toujours demander à son père même s’il sait que ses demandes peuvent parfois ne pas être ajustées. Mais qu’importe puisqu’il permet ainsi à son père d’exercer doublement son ministère de paternité. Car, celui-ci peut alors rectifier la demande de son fils et y répondre de la manière la meilleure pour lui. A ce titre, notons que dans notre passage d’évangile il n’est pas précisé ce qui sera donné, ce qui sera trouvé ou le lieu qui sera ouvert. Ainsi, le véritable fils prie avec insistance son père dans un abandon total à sa providence.

Nous nous rendons compte alors que le regard que nous portons sur Dieu a comme un effet boomerang sur nous-mêmes. Plus nous regardons Dieu comme Père, plus nous devenons fils, plus nous avons confiance en lui. Mais, plus nous nous méfions de Dieu, plus nous trouvons des raisons de nous méfier de lui. Le problème c’est que nous projetons sur le visage de Dieu le visage d’une paternité humaine forcément imparfaite. Comment alors regardez Dieu comme Père ?

Il me semble que la réponse nous est donnée dans le parallèle de ce passage en saint Luc. Ce dernier nous dit : « Si donc vous qui êtes mauvais savez donner de bonnes choses à vos enfants combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent » (Lc 11,13). L’Esprit Saint ! L’Esprit Saint qui nous fait nous écrier Abba Père ! Oui, pour regarder Dieu comme notre Père, notre première prière de demande est à adresser à la troisième personne de la Trinité. Seigneur Esprit Saint, nous ne savons pas prier. Mais toi, viens à notre secours. Tourne-nous vers le Père et fais de nous des fils.

Restaurés dans notre filiation, nous retrouvons alors le chemin du Père, le chemin de la Source de vie éternelle. En buvant à cette source, nous goûtons les prémices du salut. « Si donc vous qui êtes mauvais savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus votre Père qui est aux cieux donnera-t-il de bonnes choses à ceux qui le lui demandent ! » Derrière ces « bonnes choses » que notre Seigneur nous invite à demander à notre Père du ciel, nul doute que c’est au salut qu’il pense. En effet, qu’y a-t-il de meilleur que la vie éternelle que le Père nous offre en partage dans l’Esprit ? L’œuvre de salut, accomplie par Jésus en notre faveur, est bien plus importante que la délivrance de Juda des mains du roi de Perse en réponse à la prière toute confiante et toute abandonnée de la reine Esther que nous entendions dans la première lecture (Est 14, 1.3-5.12-14) : c’est l’humanité toute entière que Notre Seigneur arrache à l’esclavage du Satan et à une mort absurde, pour l’introduire dans la liberté filiale et la vie divine.

Introduits dans cette liberté filiale, nous nous découvrons alors fils d’un même Père et nous nous recevons comme frères. N’avons-nous pas là la clef d’interprétation du dernier verset de l’évangile de ce jour ? « Donc, tout ce que vous voudriez que les autres fassent pour vous, faites-le pour eux, vous aussi, voilà ce que dit toute l’Ecriture : la Loi et les Prophètes ». Cette Règle d’or, que l’on trouvait déjà dans le livre de Tobie (4,15) sous la forme : « Ce que tu n’aimes pas, ne le fais à personne », reçoit à cet endroit dans la bouche de Jésus un sens nouveau. Elle n’exprime plus le jeu calculateur d’une justice sociale mais l’élan créateur de l’amour du Père. Elle exprime le souhait d’être accueilli par les hommes en fils du Père, ce qui exige que nous devenions frères de tous dans le même élan d’Amour que celui du Père vis-à-vis de chacun d’entre nous. Jésus se fait ici l’interprète de tout l’Ancien Testament (Loi, Prophètes et Ecritures). Il explicite pour les disciples le deuxième grand commandement : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » en leur faisant comprendre que le modèle d’agir des fils de Dieu envers leurs frères en humanité c’est l’agir du Père à travers lui, Jésus, à l’endroit de chacun d’eux : vouloir le salut de chacun et œuvrer en ce sens. C’est là le fondement de l’amour. C’est là l’essentiel. C’est là toute l’Ecriture !


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