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 - 28 mars 2024 - Saint Gontran
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Homélie

14e dimanche du Temps Ordinaire

La liturgie de ce jour se construit autour des difficultés éprouvées par le prophète dans son ministère de prédicateur. Rien ne garantit qu’il sera écouté, bien au contraire : le Seigneur l’avertit ouvertement des difficultés qui l’attendent, car le peuple auquel il est envoyé est « rebelle, ses fils ont le visage dur et le cœur obstiné » (1ère lect.). Mais « qu’ils écoutent ou qu’ils s’y refusent », l’important est « qu’ils sachent qu’il y a un prophète au milieu d’eux » (Ibid.). L’Evangile illustre parfaitement ce thème.
Jésus rentre chez lui à Nazareth, sans doute pour y retrouver les siens et prendre un peu de repos en famille. Mais une cruelle déception l’attend dans son village. Quel contraste avec les foules qui le suivaient, le pressant de toute part, sur le chemin conduisant à la maison de Jaïre ! Les nazaréens sont certes nombreux à venir écouter son enseignement dans la synagogue, mais leur cœur est fermé ; ils ne dépassent pas le stade d’un étonnement sceptique et critique, qui se transforme bientôt en hostilité et rejet. L’obstacle qui empêche les habitants de Nazareth de s’ouvrir au mystère du Royaume que Jésus rend présent au milieu d’eux, consiste paradoxalement dans le fait qu’ils le connaissent - ou du moins croient le connaître.
A la foi de la femme hémorroïsse, qui « touche » Jésus et obtient la guérison, s’oppose une connaissance selon la chair, qui empêche d’accéder au mystère du Christ. Certes les concitoyens de Jésus reconnaissent sa sagesse et sont bien obligés de constater qu’il opère de « grands miracles ». Mais ils refusent d’envisager que le Très-Haut puisse s’abaisser à agir à travers « le charpentier » de leur village, qui a grandi au milieu d’eux, au sein d’une famille qu’ils côtoient journellement. Aussi se posent-ils avec inquiétude la question de la provenance des dons extraordinaires qu’il déploie - laissant par le fait même supposer qu’ils pourraient bien être d’origine diabolique.
En raison de leur attitude, les nazaréens deviendront paradoxalement dans l’évangile de Marc, le modèle des incroyants, de ceux qui « regardent et ne voient pas, entendent et ne comprennent pas » (Mc 4,12), et du fond de leur aveuglement, manifestent leur hostilité : « ils étaient profondément choqués à cause de lui ». Après avoir évoqué les païens qui reconnaissent la puissance de Dieu à l’œuvre en Jésus ; les chefs religieux, jaloux de son prestige, et cherchant à le faire mourir ; l’évangéliste introduit ici un troisième groupe de personnages : ceux qui se scandalisent et se détournent du Seigneur malgré sa « sagesse » et les « grands miracles s’accomplissant par ses mains ».
Scandale de hier, d’aujourd’hui et de toujours : comment la puissance de Dieu se manifesterait-elle dans le fils d’un humble charpentier ? Penser cela n’est-il pas déjà un blasphème, un outrage à la grandeur et la majesté divines ? Le scandale sera à son comble lorsque nous prétendrons que ce Dieu-fait-homme sauve le monde en mourant sur une croix. On est en droit de se demander si une des raisons majeures de la défection de tant de nos contemporains, abandonnant la foi de leur enfance, n’est pas à chercher précisément dans ce scandale : qui peut croire à l’aube du troisième millénaire que Dieu puisse s’abaisser jusqu’à partager notre condition humaine, et pour une destinée aussi misérable ?
Nous aurions pu espérer que la victoire du Ressuscité vienne transfigurer la condition des Messagers de la Bonne Nouvelle ; or il n’en est rien : la seconde lecture nous rappelle que l’Envoyé a à combattre non seulement contre des ennemis extérieurs, mais aussi contre des ennemis intérieurs tout aussi redoutables ! Paul a beau supplier le Seigneur de le délivrer de cette mystérieuse « écharde dans sa chair » : rien n’y fait. Il semble même que cette pauvreté fasse partie de la condition du prophète : il est indispensable qu’il paraisse faible devant ses interlocuteurs, afin qu’il soit clair aux yeux de tous que la puissance qui se déploie à travers lui, ne vient pas de son propre fond, mais de Dieu (cf. 2 Co 4, 7). Bien plus : c’est même dans la mesure où il accepte de se vider de lui-même en consentant aux « insultes, persécutions, situations angoissantes », que le prophète permet à « la puissance du Christ d’habiter en lui » et d’accomplir à travers lui ses œuvres.
L’image du messager qui ressort des lectures de ce jour est celle d’un homme purifié au creuset des épreuves - extérieure et intérieure - qui s’en remet totalement entre les mains de Dieu, gardant « les yeux levés vers le Seigneur son Dieu, comme les yeux de l’esclave vers la main de son Maître » (Ps 122). La raison pour laquelle il y a si peu de prophètes de nos jours, ne serait-elle pas que l’humilité est morte ? Comment, à l’heure de la divinisation de l’humanité, une telle conception de la relation entre l’homme et Dieu pourrait-elle être reçue ? « Pauvres chrétiens, ironisent nos contemporains, croyez-vous vraiment que vos appels à la repentance ont une chance d’être entendus ? » Nous répondrons simplement avec les paroles de bon sens de Sainte Bernadette, s’adressant à son curé qui refusait de donner foi à ses propos : « Je ne suis pas chargé de vous le faire croire, mais de vous le dire ! » Et nous poursuivrons paisiblement l’œuvre d’évangélisation que le Seigneur nous a confiée.

« Seigneur, nous aussi nous sommes immergés dans cette culture hyper-individualiste qui ne jure que par l’autonomie et se scandalise d’un Dieu qui voudrait se mêler à notre vie. Garde nous vigilants dans la foi ; ne permets pas que tu sois pour nous cause de scandale ; mais donne nous de t’accueillir toujours avec joie, émerveillement et reconnaissance, toi qui viens de la part du Père pour nous donner ta propre vie en partage. »


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