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 - 21 avril 2024 - Saint Anselme de Cantorbéry
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Homélie

Saint Dominique, prêtre

Le verset introductif de notre péricope nous invite explicitement à faire le lien avec l’événement de la Transfiguration. Sur la montagne, Pierre, Jacques et Jean ont eu la révélation de la destinée eschatologique de notre humanité, c’est-à-dire de ce qu’elle est appelée à devenir en Dieu lorsque l’Esprit aura achevé en nous son œuvre de transfiguration. Mais – nous avertit saint Pierre – nous ne « deviendrons participants de la nature divine qu’en fuyant la dégradation que le désir produit dans le monde » (2 P 1,4). Ou pour le dire autrement : nous n’entrerons dans la lumière de la Résurrection et de la vie dans l’Esprit qu’en mourant aux ténèbres du péché et à l’opacité de la chair.
Avec les apôtres privilégiés qui ont vu Notre-Seigneur transfiguré, il nous faut donc descendre de la montagne du Thabor pour affronter l’ennemi dans la plaine ; bien plus : nous aurons nous aussi, à monter à la suite de Jésus sur une autre colline, celle du Golgotha, car pour « connaître le Christ et éprouver la puissance de sa résurrection », il faut accepter de « communier aux souffrances de sa passion, en reproduisant en nous sa mort, dans l’espoir de parvenir, nous aussi, à ressusciter d’entre les morts » (Ph 3,10-11). C’est aux exigences de ce combat spirituel que nous confronte l’évangile de ce jour.
L’homme qui « tombe à genoux devant Jésus » le reconnaît comme son « Seigneur » ; il intercède en faveur de son fils qui « est bien malade ». Elevons-nous tout de suite au niveau d’une interprétation spirituelle et reconnaissons en cet homme le premier Adam qui implore le second Adam de venir en aide à sa progéniture qui « est bien malade » depuis que le péché nous a tous soumis à la fureur destructrice du Malin.
Ce qui frappe dans cette maladie, c’est son caractère autodestructeur : l’enfant se jette lui-même dans le feu ou dans l’eau - c’est-à-dire dans les éléments de ce monde - au péril de sa vie. Privé de la lumière surnaturelle du discernement, l’homme se précipite aveuglément sur la créature, au risque de s’y perdre. Embrasé par le feu de la volonté de puissance, il cherche à dominer la nature pour se l’asservir ; ou alors il se laisse engloutir dans les grandes eaux des énergies créées qu’il a divinisées.
Depuis qu’en s’éloignant de Dieu, l’homme est devenu sourd à l’appel à la filiation divine, il erre en quête de son identité. L’humanité est malade, nous sommes tous malades de Dieu, car sans la lumière du Verbe, nous errons dans les ténèbres de l’ignorance ; sans la douce sécurité de la présence du Bon Berger, nous sommes enfermés dans la peur. Ne vivant plus sous le regard du même Père, nous ne nous reconnaissons plus comme frères et nous nous déchirons au lieu de nous rassembler dans « l’unité de l’Esprit par le lien de la paix » (Ep 4,3).
Cet enfant que l’on amène à Jésus, c’est donc moi, c’est chacun de nous.
On peut s’étonner que Notre-Seigneur le guérisse en expulsant un démon, dont saint Marc précise qu’il s’agit d’un « esprit sourd et muet » (Mc 9,25). Mais le démon n’est-il pas partout à l’œuvre non seulement pour nous pousser à faire le mal, mais aussi pour amplifier les conséquences négatives du péché ? Il nous pousse dans le feu des passions irascibles, ou dans les grandes eaux des convoitises qui sollicitent notre nature de manière anarchique depuis que nous avons perdu notre finalité surnaturelle. Le démon sourd est celui qui nous empêche d’entendre la Parole de notre Père et le murmure de l’Esprit au fond de notre cœur ; le démon muet est celui qui nous empêche de confesser la seigneurie de notre Seigneur Jésus Christ qui nous ouvre à nouveau le chemin de la filiation divine.
L’action de Jésus est significative : « il interpelle vivement » l’enfant, et non pas le démon. A vrai dire Notre-Seigneur est le seul qui s’adresse à l’enfant ; les autres personnages se contentent de parler de lui. Jésus lève la voix comme pour arracher l’enfant à un mystérieux sommeil, et le mettre en position d’inter-locuteur. La voix de Jésus pénètre jusqu’au fond des tombeaux dans lesquels nous nous sommes enfermés, repliés sur nos multiples peurs : peur de Dieu, peur des autres, peur de nos propres passions. De même que Lazare revient de la mort à l’appel du Seigneur, l’enfant sort de son mutisme et de son comportement pathologique en réponse à la parole vigoureuse – c’est-à-dire la parole qui redonne vigueur – de Jésus.
N’est-ce pas ce que nous avons tous pu expérimenter de l’une ou l’autre manière ? N’est-ce pas la Parole de Jésus qui nous a éveillé de notre léthargie spirituelle et a initié en nous une conversion salutaire ? N’est-ce pas la Parole vigoureuse de Notre-Seigneur qui nous a relevé de nos fautes et nous a relancé sur le chemin qui nous ramène à la maison du Père ? Et c’est encore pour nous exposer à l’action bienfaisante de cette Parole que nous nous rassemblons en Eglise.
Le reproche que Jésus adresse à ses disciples qui s’étonnent de ne pas avoir pu expulser ce démon, s’adresse aussi à nous : « C’est parce que vous avez trop peu de foi ». Les apôtres ont probablement tenté de délivrer l’enfant en invoquant le nom de Jésus, mais ils s’en sont servis comme d’une parole magique ; ils ont voulu exercer un pouvoir au nom du Seigneur, mais ce faisant, ils se sont interposés entre lui et l’enfant. La foi qui sauve est tout au contraire total abandon à Dieu et entière disponibilité au prochain, que le Seigneur peut dès lors rejoindre à travers nous. C’est pour libérer en nos vies une telle charité, que nous avons à passer par le Golgotha, afin d’y crucifier le vieil homme, qui fait obstacle à l’action divine.
L’Ange avait déjà affirmé à Marie que « rien n’est impossible à Dieu » (Lc 1,37). Aujourd’hui Jésus nous dit que si nous avions « de la foi gros comme une graine de moutarde, rien ne nous serait impossible ». Le rapprochement des deux versets nous montre clairement que la foi vivante par la charité est union à Dieu, qui peut dès lors librement demeurer et agir en nous selon son bon plaisir.

« Marie, apprends-nous à oser la confiance ; à nous livrer comme toi à Dieu dans l’abandon de tout notre être ; enseigne-nous à redire chaque jour : « Voici la servante du Seigneur ; que tout se passe pour moi selon ta parole » (Lc 1,38).


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