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 - 30 avril 2024 - Saint Pie V
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Homélie

23e dimanche du Temps Ordinaire

La liturgie de ce jour s’ouvre sur un cri d’espérance : « Dieu lui-même vient nous sauver ! » Et le Seigneur ne fait pas les choses à moitié : « les yeux des aveugles et les oreilles des sourds s’ouvriront, le bouteux bondira, la bouche du muet criera de joie » : l’humanité est restaurée dans son intégralité. La vie peut à nouveau jaillir à profusion : elle va irriguer les déserts de nos existences mortelles et couler comme un torrent, abreuvant nos terres assoiffées : « le pays torride se changera en lac ; la terre de la soif, en eaux jaillissantes » (1ère lect.).
Comment cela va-t-il se réaliser ? Les actions symboliques posées par Jésus dans l’Evangile nous en donnent un pressentiment.
« On amène à Jésus un sourd-muet » : un homme qui ne peut ni entendre, ni prononcer une parole, et qui dès lors est exclu des relations spécifiquement humaines. Un homme humilié par son handicap, perdu dans la foule, enfermé dans sa solitude ; image de l’humanité blessée par le péché, incapable d’entendre la voix de son Dieu et d’y répondre.
Notre-Seigneur « l’emmène à l’écart », loin de la foule, trop avide de merveilleux et de sensationnel. Il l’invite à un tête à tête, afin de le restaurer dans sa capacité relationnelle et le réintégrer dans la vie religieuse et sociale.
Les proches du sourd-muet ne demandaient à Jésus que de lui imposer les mains ; Notre-Seigneur prend l’initiative de poser des gestes qui manifestent concrètement sa solidarité avec cet homme souffrant. Il prend avec délicatesse entre ses mains, la tête de cet homme qui s’abandonne à lui avec confiance. Le geste rappelle celui du potier qui étreint suffisamment l’argile pour lui imprimer la forme voulue, sans toutefois l’écraser. Notre-Seigneur enfonce doucement ses doigts dans les oreilles du malade, afin qu’il puisse à nouveau entendre la Parole créatrice par laquelle le Père imprime en lui l’image de son Fils.
Cette interprétation en termes d’une nouvelle création est confirmée par l’autre geste posé par Jésus : « prenant de la salive, il lui toucha la langue ». Pour pouvoir façonner l’argile, il faut qu’elle soit humide ; la salive représente le souffle condensé, c’est-à-dire l’Esprit. C’est par l’action conjointe du Fils et de l’Esprit que le Père nous rétablit dans notre dignité filiale et nous attire à lui.
En « levant les yeux vers le ciel », Jésus révèle à la fois l’origine de la puissance qu’il met en œuvre et le terme ultime de la guérison qu’il offre à notre humanité : il est venu d’auprès du Père, pour nous ouvrir le chemin qui reconduit à lui.
La guérison ne découle pas des gestes posés ni d’une formule rituelle que Notre-Seigneur aurait prononcée, mais de la seule autorité et puissance de sa Parole : « Effata ! Ouvre-toi ». Quant au profond soupir que laisse échapper Notre-Seigneur, il trahit la conscience du Fils de l’Homme de ce qu’il va lui en coûter de nous sauver. Jésus va « délier les enchaînés » (Ps 145) en prenant sur lui leur chaînes ; « redresser les accablés » en prenant leur joug sur ses épaules ; il va « ouvrir les yeux des aveugles » en fermant les siens sur la Croix.
La guérison du sourd-muet qui annonce notre rédemption, est un miracle peu spectaculaire, comme le sera la Pâque du Seigneur : elle aussi aura lieu à l’abri des regards indiscrets. Le Ressuscité ne sera visible qu’aux yeux de la foi de ceux qui auront entendu l’injonction de Notre-Seigneur : « Ouvre-toi ! » ; non pas à l’esprit du monde pour proclamer les prodiges que Jésus a accompli (comme le fait l’entourage du sourd-muet, malgré la recommandation du Seigneur), mais ouvre-toi à "l’Esprit qui vient de Dieu", afin de pouvoir "proclamer la sagesse du mystère de Dieu, sagesse tenue cachée, prévue par lui dès avant les siècles, pour nous donner la gloire" (1 Co 2, 7) ».
Tous les miracles que Jésus a accomplis n’ont en effet d’autre but que de nous aider à interpréter correctement l’événement pascal, qui passe par le scandale de la Croix. Or « le langage de la Croix est folie pour ceux vont à leur perte ; mais pour ceux qui vont vers leur salut - pour les croyants - il est puissance de Dieu » (1 Co 1, 18).
La rédemption est avant tout un mystère de solidarité et de compassion : c’est en assumant notre faiblesse jusqu’au bout, que le Seigneur nous communique sa force. Telle est encore la stratégie qu’il déploie de nos jours dans son Eglise, et qu’il déploiera jusqu’à son retour glorieux : « Ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour couvrir de confusion ce qui est fort ; ce qui est d’origine modeste, méprisé dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour détruire ce qui est quelque chose, afin que personne ne puisse s’enorgueillir devant Dieu » (1 Co 1, 27).
C’est bien ce que nous rappelle saint Jacques dans la seconde lecture : « Dieu n’a-t-il pas choisi ceux qui sont pauvres aux yeux du monde ? Il les a faits riches de la foi, il les a faits héritier du Royaume qu’il a promis à ceux qui l’auront aimé ».
Ce n’est donc pas notre faiblesse qui doit nous inquiéter : si nous la livrons à notre Rédempteur, elle ne nous éloigne plus de lui, mais devient tout au contraire le lieu de la révélation de son amour personnel pour chacun d’entre nous, et le lieu où il déploie de manière privilégiée sa force : « Ma grâce te suffit : ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse » (2 Co 12, 9).
Accueillir ce regard de miséricorde du Seigneur sur notre vie, implique de changer également notre regard sur celle des autres, et de cesse de les « juger selon des valeurs fausses » (2nd lect.). En ce début d’année, la liturgie nous invite à faire un examen de conscience sur la manière dont nous nous apprêtons à assumer nos relations familiales, professionnelles et sociales :
- Croyons-nous que Jésus nous aime d’un amour de tendre compassion non pas « malgré », mais « en raison » de nos faiblesses ?
- Oserons-nous porter ce même regard à ceux que nous côtoyons quotidiennement ?
Ce n’est qu’ainsi que nous serons les artisans d’une société qui soit non seulement plus solidaire, mais aussi plus fraternelle, conformément à l’appel lancé par le pape Benoît XVI dans sa récente Lettre encyclique Caritas in veritate.

« Et il lui dit : "Ouvre-toi !" » : ne restons pas frileusement hors de portée de la grâce : « ceux qui l’auront aimé, Dieu les a faits héritiers du Royaume » !


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