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 - 24 avril 2024 - Sainte Marie-Euphrasie Pelletier
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Homélie

15ème dimanche du temps Ordinaire.

« Jusqu’à ce jour, la création gémit dans les douleurs de l’enfantement. Et elle n’est pas seule : nous aussi nous crions en nous-mêmes notre souffrance ». Qui d’entre nous n’a pas douloureusement vécu le contraste dont parle Saint Paul entre la dure réalité quotidienne et l’espérance chrétienne ? Entre « les souffrances du temps présent », dont nous portons notre part, et « la gloire que Dieu va bientôt révéler en nous », mais dont pour le moment nous n’expérimentons pas (encore) grand-chose ? Comme Marie nous avons envie de dire : « Comment cela va-t-il se faire ? » (Lc 1,34) C’est précisément à cette question que veut répondre la liturgie de ce jour.
La Révélation nous enseigne que la souffrance et « la dégradation inévitable » sont entrées dans le monde comme conséquences du péché ; c’est-à-dire comme le fruit empoisonné d’une parole mensongère, destructrice, qui s’oppose au travail de structuration de la Parole créatrice, et provoque un retour au chaos. A présent, seule une nouvelle intervention divine - une nouvelle Parole recréatrice - peut arracher « la création au pouvoir du néant » (2nd lect.) auquel elle a été « livrée », et la rétablir dans l’harmonie pour laquelle elle avait été conçue de toute éternité.
Nous le croyons, cette Parole a été prononcée par le Père en Jésus-Christ Notre-Seigneur : le Semeur divin a jeté dans notre terre le Bon Grain, son Fils unique ; il a « arrosé nos sillons » (Ps 64) des grandes eaux de l’Esprit, afin que nous portions du fruit au centuple. En Jésus ressuscité, dans son Humanité glorifiée ainsi que dans celle de la Vierge Marie, la création exulte déjà dans les cieux. « En lui s’est révélé, d’une manière nouvelle et plus admirable, la vérité fondamentale sur la création que le livre de la Genèse atteste quand il répète à plusieurs reprises : “Dieu vit que cela était bon” » (Jean-Paul II, Redemptor Hominis, 8).
Mais si la Tête est arrivée au terme de son chemin, le Corps lui « crie sa souffrance dans les douleurs d’un enfantement qui dure encore » (2nd lect.). Pourtant les prémisses de sa résurrection lui sont déjà données : la semence de vie éternelle est enfouie dans le cœur des croyants depuis le jour de leur baptême ; la Parole recréatrice agit dans nos vies et la transforme, dans la mesure de notre disponibilité à l’action de l’Esprit. Autrement dit, ce n’est pas Dieu qui tarde à établir son Règne, c’est plutôt nous qui ne sommes pas au rendez-vous de la grâce. Heureusement, notre Dieu est un Dieu patient et suprêmement généreux ; il sait combien « le cœur de l’homme est compliqué et malade » : c’est pourquoi il sème en surabondance, y compris au bord du chemin, dans les ronces ou sur les rochers. Les oiseaux du ciel auront beau picorer, il y aura toujours assez de grain pour qu’il en tombe dans le peu de bonne terre que nous portons en nous.
Voilà une image de Dieu décidément bien déconcertante ! Non seulement le Père nous manifeste son amour en nous réconciliant avec lui par la mort de son Fils alors que nous étions encore ses ennemis (cf. Rm 5,10), mais il jette à pleines mains la Parole de salut dans les sillons de notre vie, sans se soucier de nos refus, de nos indifférences, de nos négligences, dans la certitude qu’il y aura toujours quelques grains qui parviendront à s’enraciner.
Cette parabole est réconfortante pour les adultes à la nuque raide que nous sommes, mais elle apporte aussi consolation et bon conseil à tous ceux qui sont en charge de catéchèse auprès des adolescents et des jeunes. Quelle souffrance pour bon nombre de parents de voir leurs enfants délaisser la foi de leur enfance ! Mais la foi ne se transmet ni avec les chromosomes ni avec le lait de la nourrice : nous pouvons proposer à nos enfants l’amitié de Jésus, mais nous ne pouvons pas l’accepter à leur place ni la leur imposer. Notre-Seigneur ne nous demande pas l’impossible : contentons-nous de faire comme lui, et de semer abondamment par la parole et par l’exemple, même dans l’apparente indifférence ; il en restera toujours quelque chose et le grain semé poussera en temps voulu ; car « la parole, qui sort de la bouche du Seigneur, ne lui reviendra pas sans résultat, sans avoir fait ce qu’il veut, sans avoir accompli sa mission » (1ère lect.). Notre souci doit être de préparer la terre à recevoir le grain, puis de la nourrir afin qu’elle puisse produire l’épis. Pour cela nous sommes invités à arracher - autant que faire se peut - les mauvaises herbes et nourrir le sol de l’engrais des vertus, en particulier par l’exemple d’une vie évangélique vécue dans la paix et la joie.

Au terme de notre méditation, nous découvrons que ce n’est pas la lenteur avec laquelle le Royaume prend corps qui doit nous étonner, mais plutôt la longue patience de Dieu qui devrait susciter notre émerveillement. De même qu’une seule Parole a suffi pour créer les univers, c’est par une seule Parole que Dieu a sauvé l’humanité toute entière, une fois pour toutes. Mais il diffère la moisson jusqu’à la fin des temps afin de ne perdre aucun épi. Chemin faisant, la Parole se propose avec la discrétion d’une parabole : elle laisse son interlocuteur libre de l’interpréter selon son penchant. Celui qui ne veut pas se laisser interpeller n’a aucune peine à décliner mille raisons de la repousser. Mais celui qui « entend la Parole et la comprend porte du fruit à raison de cent, ou soixante, ou trente pour un ». Il ne s’agit pas de comprendre rationnellement - les paraboles sont très simples et accessibles à tous - mais plutôt d’accueillir dans la foi l’étonnante image de Dieu qui s’en dégage.
Tous les acteurs de la parabole ont entendu, mais seuls les derniers ont compris la Parole, c’est-à-dire l’ont prise chez eux, comme un bien précieux sur lequel ils vont désormais veiller. Heureux sommes-nous si nos oreilles entendent ce que nous dit le Seigneur et si nous prenons au sérieux son appel à la conversion : il nous guérira et nous fera vivre ; « libérés de l’esclavage, nous connaîtrons alors la liberté, la gloire des enfants de Dieu » (2nd lect.) ; et nous porterons du fruit, « à raison de cent, ou soixante, ou trente pour un ».

« Seigneur que le grain semé dans nos sillons au jour de notre baptême, se lève au grand soleil de ton amour, afin que nous portions l’épis que tu attends de nous ; rassemblés par l’Esprit, et unis à l’unique Pain eucharistique, nous deviendrons alors à notre tour le Pain ecclésial, livré pour la vie du monde. »


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