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 - 12 mars 2024 - Bx Louis Orione
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Homélie

26e dimanche du Temps Ordinaire

Dimanche dernier, nous avons été témoins que les disciples, sur la route de Jérusalem, discutaient pour savoir lequel d’entre eux était le plus grand. Cette semaine, nous entendons saint Jean s’indigner : « Maître, nous avons vu quelqu’un chasser des esprits mauvais en ton nom ». Manifestement, nous restons dans les mêmes préoccupations de préséance ; mais cette fois, la concurrence vient de l’extérieur. Il n’est pas sans saveur d’entendre que saint Jean prononce ces paroles sectaires. L’évangile s’occupe lui-même de ne pas nous laisser nous assoupir dans les imageries qu’il suscite. Saint Jean, l’apôtre le plus jeune, le disciple que Jésus aimait, est aussi appelé fils du tonnerre. S’il a accédé aux sommets de la mystique, c’est qu’elle n’est pas une mièvrerie édulcorée et qu’elle nécessite de rudes combats.

Jean, donc, lance un vif débat sur le thème de la domination. Quelqu’un pratique un exorcisme au nom de Jésus, « nous avons voulu l’en empêcher » car il ne répond pas aux critères nécessaires : « il n’est pas de ceux qui nous suivent ». Jean dit « qu’il nous suive » et non « qu’il te suive ». Pour lui, on ne peut réaliser des prodiges au nom du Christ que dans la mesure où l’on est explicitement chrétien. La situation n’est pas sans ironie, nous savons que les disciples n’ont pas réussi à chasser certains démons… Cela montre que l’appartenance au groupe n’est pas le seul critère de réussite et surtout que leur motivation est ailleurs. Mais leur réaction semble de bon sens : à quoi bon être chrétiens, c’est-à-dire peiner pour conformer sa vie à l’évangile, si n’importe qui peut accéder aux mêmes privilèges, « de l’extérieur » ? Pire : si d’autres font ce que Jésus fait, cela n’atténue-t-il pas son attrait ?

Jésus répond à Jean, avec la patience que nous lui connaissons et que nous avons vue à l’œuvre quand il répondait à la question « qui est le plus grand ? ». À ceux à qui il vient d’expliquer qu’il convient d’accueillir un enfant, le dernier de tous, comme s’il était le Christ, il demande à nouveau de n’exclure personne. Jésus ne fait aucune remontrance : il sait quels doutes nous avons sans cesse sur notre valeur et comment ces doutes nous poussent à nous comparer sans cesse aux autres. Il répond simplement : « ne l’empêchez pas ».

Cette défense n’est pas imposée aux disciples comme une parole autoritaire. Jésus fait appel à leur intelligence pour ouvrir à ses disciples de nouveaux horizons : « parce que celui qui fait un miracle en mon nom ne peut pas, aussitôt après, mal parler de moi ; celui qui n’est pas contre nous est pour nous ». La logique est simple et naturelle : comment celui qui agit dans la force de l’Esprit Saint pourrait-il se retourner contre le Seigneur ? En outre, comment une telle action pourrait-elle être néfaste à qui que ce soit ? Le bien que Dieu fait par les hommes ne peut nuire à aucun homme. Il peut même être bénéfique à d’autres que ces premiers destinataires : « celui qui n’est pas contre nous est pour nous ».

Le premier bénéfice est sans doute la stimulation. Si quelqu’un, en dehors du groupe des chrétiens, réalise de tels prodiges, n’importe lequel des chrétiens peut certainement y prétendre également. Et si quelqu’un vit des vertus évangéliques sans être disciple du Christ, quel exemple et quelle stimulation donne-t-il aux disciples ! Pour peu que nous nous laissions mettre en question…

Le bénéfice est grand également pour la compréhension que l’on peut avoir de soi-même. Les œuvres ne sont pas seulement conformes à l’évangile, elles sont aussi conformes à l’identité et à la mission de leur auteur. Nous avons tous une manière de mettre l’évangile en actes qui correspond à nos talents et à notre place dans le Royaume. Ainsi, aucun homme n’est interchangeable avec un autre. Des missions peuvent être abandonnées ou transmises, déposées ou reprises, mais ce que chacun peut faire – ou aurait pu faire – est autant unique que nous. Dans les œuvres de charité, la concurrence ne peut exister.

Enfin, cette occasion de changer notre regard sur la pratique des préceptes évangéliques devient pour nous l’occasion de vivre autrement la pratique. Il est facile de ne garder en tête qu’une liste de « devoirs » chrétiens : rendre service aux autres, donner sans rien attendre en retour, habiller celui qui est nu, donner à boire à celui qui a soif, etc. En un mot : expérimenter qu’il y a plus de joie à donner qu’à recevoir. Mais Jésus inverse à présent le mouvement : « celui qui vous donnera un verre d’eau au nom de votre appartenance au Christ, amen, je vous le dis, il ne restera pas sans récompense ». Notre qualité de chrétien nous prédispose également à recevoir sans espérer rendre en retour, pour le bonheur de celui qui prend soin du Christ en nous. Voilà une occasion de beaucoup grandir en humilité, une occasion aussi de manifester de la gratitude envers celui qui agit avec justice. Cela est aussi important qu’agir avec justice. Cette situation nous rappelle que nous dépendons en toute chose de la grâce de Dieu. Ce faisant, notre prochain chasse de nos cœurs les démons de la suffisance et de la domination.

Seigneur Jésus, aide-nous à discerner toutes les occasions de vivre l’évangile, celles où tu attends de nous que nous donnions sans compter comme celles où nous apprenons à recevoir notre nécessaire avec humilité et gratitude, pour notre croissance et celle de nos frères. Donne-nous surtout de comprendre combien est précieuse l’entrée dans le Royaume, au point qu’il faut être prêt à renoncer à tout ce qui pourrait nous en éloigner, y compris nos propres membres. Car le bonheur auquel tu nous invites dépasse tout ce que nous connaissons et tout ce que nous pourrions imaginer. Il est celui de ceux qui se livrent à toi sans rien retenir pour eux-mêmes.


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