mercredi, 15ème semaine du temps Ordinaire.

« Père, je proclame ta louange ! » Ne croyons pas que cette exultation jaillisse des lèvres de Jésus à l’annonce d’une très bonne nouvelle qui aurait réjoui son cœur. La situation est à vrai dire peu réjouissante : loin de susciter un mouvement de conversion salutaire, les miracles qu’il a accomplis comme signes de l’avènement du Royaume, suscitent l’hostilité des chefs religieux et l’accusation de complicité avec le Prince des démons. Devant cet endurcissement, Jésus aurait pu décider de renoncer à une mission dont l’issue paraît sérieusement compromise. Tout au contraire, il se tourne vers Dieu son Père pour puiser en lui la force d’aller jusqu’au bout de sa tâche, qui se réalisera non pas en renversant les obstacles, mais en se servant d’eux pour en tirer un plus grand bien. Tel est le miracle de l’amour, qui transfigure tout ce qu’il touche : la Sagesse de Dieu se servira de la haine meurtrière de ses ennemis pour réaliser son plan rédempteur. Telle est la folie de Dieu, qui est « plus sage que l’homme, et la faiblesse de Dieu est plus forte que l’homme » (1 Co 1, 25). Aussi Jésus loue-t-il son Père pour cette sagesse qui demeure « cachée aux savants » de ce monde, mais que « dans sa bonté » il est venu « révéler aux tout-petits ».
Les miracles qui fleurissent sur le passage de Jésus ne visent pas à exalter sa personne ; mais ils sont la révélation de la paternité bienveillante du « Seigneur du ciel et de la terre », agissant à travers son Fils afin d’attirer à lui tous les hommes. Les signes qu’il accomplit ont pour but de manifester la relation unique qui l’unit à son Père céleste, dont il est le plénipotentiaire : « Tout m’a été confié par mon Père ». C’est dans le Christ et en lui seul que le Dieu trois fois saint, le Créateur Transcendant, se manifeste au cœur de ce monde, pour révéler aux hommes son visage de tendresse et son œuvre de miséricorde : « Personne ne connaît le Fils, sinon le Père, et personne ne connaît le Père sinon le Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler ». Avec tous ceux qui dans l’Esprit - c’est-à-dire dans la foi - ont accueilli cette révélation, Saint Paul s’écrie : « Nous annonçons ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme, tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment » (1 Co 2,9). Voilà la véritable « gnose », l’unique connaissance salvifique. Cette connaissance n’est pas à proprement parler intellectuelle, même si la raison n’en est pas exclue ; il s’agit plutôt d’une connaissance cordiale - le cardinal Tomas Spidlik parle d’une « cardiognosis » - fruit d’une foi vivante qui s’épanouit dans l’amour.
Notre adhésion au christianisme est-elle un simple choix rationnel parmi les diverses propositions religieuses qui se présentent à nous, où notre foi résulte-t-elle du consentement à l’action de l’Esprit Saint en nos cœurs, nous donnant accès à une connaissance infuse du Père et du Fils ?
Que la Vierge Marie nous aide à nous désencombrer de nous-même, afin d’accueillir le don de Dieu comme des « tout-petits ». Nous pourrons alors entrer dans son Magnificat et nous joindre à la louange de Jésus, rendant grâce au Père pour tant de bonté, de patience et de fidélité envers les pécheurs que nous sommes.

« Père, Seigneur du ciel et de la terre, moi aussi je veux proclamer ta louange en Jésus ton bien-aimé. Par lui, ta Parole vivante, tu nous ouvres le chemin vers toi et nous apprends à te connaître comme le Dieu de tendresse et de pitié, qui “pardonne toutes nos offenses et nous guérit de toute maladie ; qui réclame notre vie à la tombe et nous couronne d’amour et de tendresse” (Ps 102). Que le Feu de l’Esprit Saint embrase nos vies, afin que comme Marie, nous devenions des Buissons Ardents qui brûlent de charité sans se consommer. »