Octave de Noël

Le dernier jour de l’année est mis sous le signe de la vigilance : « Nous sommes à la dernière heure, affirme saint Jean : Il y a dès maintenant beaucoup d’antichrists ». Cette « dernière heure » désigne le temps qui s’écoule entre l’« Heure » de la glorification du Christ ressuscité, et le Jour de son retour dans la gloire en Juge universel. Ces « antichrists » sont clairement identifiés : il s’agit de ceux qui, en niant que « Jésus est le Christ », rejettent non seulement le Fils, mais aussi le Père qui l’a envoyé (1 Jn 2,22). Nous sommes hélas bien obligés de nous rendre à l’évidence : les « antichrists » sont particulièrement nombreux, conformément à ce qu’annonce le Prologue du quatrième Evangile : « Le Verbe était la vraie lumière ; il était dans le monde, mais le monde ne l’a pas reconnu. Il est venu chez les siens et les siens ne l’ont pas reçu ». Tel est bien le drame de notre humanité ; devenue aveugle à la vraie lumière, elle affirme insolemment « Dieu est mort » et se hâte d’usurper sa place. Pauvre homme, ridiculement juché sur le trône qu’il s’est laborieusement taillé dans le roc d’un monde qui passe et qui demain ne sera plus !
Ces propos ne visent pas uniquement les ennemis « extérieurs » de la foi. L’ « antichrist » vit en chacun de nous, il se tapit dans cette part obscure de nous-même que saint Paul désigne comme « le vieil homme », c’est-à-dire ce qui en nous appartient au monde ancien et refuse de se soumettre à la royauté du Christ et à l’hégémonie de l’Esprit Saint. Saint Jean confirme cette interprétation lorsqu’il écrit : « Ils sont sortis de chez nous, mais ils n’étaient pas des nôtres » - voilà pour le vieil homme, qui n’est d’ailleurs pas forcément « sorti » et dont le travail de sape intérieure est d’autant plus dangereux qu’il demeure occulte. « Quant à vous, celui qui est saint vous a consacrés par l’onction, et ainsi vous avez la connaissance » (1ère lect.) - voilà pour l’homme nouveau, l’homme dit « spirituel » car il a accueilli « la grâce et la vérité qui sont venues par Jésus Christ », et a ainsi reçu « de pouvoir devenir enfant de Dieu : il est né de Dieu », sur lui la mort n’a plus d’emprise. Même s’il continue à vivre en ce monde, il n’est plus de ce monde : sa vie est déjà cachée avec le Christ ressuscité en Dieu. Aussi peut-il désormais, avec la création toute entière, « chanter au Seigneur un chant nouveau et bénir son Nom » (Ps 95).
Que le glaive à double tranchant de la Parole qui sort de la bouche de celui qui tient « les clés de la mort et de l’Hadès » (Ap 1,18), tranche dans le vif de notre humanité divisée, afin que nous puissions devenir des fils de lumière resplendissants de la gloire du Christ, « gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité ».