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 - 16 avril 2024 - Saint Benoît-Joseph Labre
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Homélie

3e dimanche de Pâques

Pourquoi cette seconde finale au quatrième évangile ? Pourquoi cet ultime rebondissement alors que le dernier verset du chapitre 20 clôturait fort bien le livre ?
De plus tout est étrange dans ce récit : les « disciples » ne sont pas onze, mais sept, dont cinq seulement son nommés - tous des appelés de la première heure. Et que font-ils ? Parcourent-ils les villes et villages comme le Seigneur le leur a enseigné, invitant à la conversion et à la foi ? Pas du tout : ils retournent à leurs filets, et vont tout simplement …à la pêche !
On pourrait croire que dans le désarroi suite à la crucifixion, les apôtres reprennent leur activité professionnelle, ne sachant que penser et que faire. Mais non : les rencontres avec le Ressuscité, longuement relatées au chapitre 20, ont permis de rassembler le groupe dispersé par la tourmente. Le Seigneur les a même explicitement envoyés, avec la mission d’être les témoins de sa miséricorde victorieuse (Jn 20,23). Il est vraiment difficile de comprendre comment Pierre, Jacques, Jean, Nathanaël, et Thomas - dont on se souvient qu’il a bénéficié d’une apparition particulière (20, 28) - s’embarquent tranquillement pour une partie de pêche sur le lac de Tibériade !
Bref : ce chapitre ne saurait être une simple « suite » du chapitre précédant. Il apparaît plutôt, au terme du récit, comme une ultime ouverture sur la dimension universelle de la mission. Autrement dit, la péricope ne veut pas nous parler seulement de la communauté des premiers disciples, mais de toute communauté se réclamant du Christ. Les événements rassemblés autour du récit d’une pêche miraculeuse, constituent une sorte d’itinéraire que tout compagnon du Seigneur et toute communauté chrétienne ont à parcourir. Le chiffre sept évoque en effet une plénitude qui déborde le contexte strictement juif (où nous trouverions plutôt le chiffre douze) et qui ouvre sur les nations païennes.
Ces hommes qui vaquent à leur ouvrage sont spécifiés comme étant des « disciples ». Le double nom - Simon-Pierre - et le contexte d’une pêche miraculeuse, font écho à l’appel de celui qui deviendra le chef du collège apostolique. Le récit en Luc 5, 1-11 se termine par cette parole prophétique de Jésus adressée à son apôtre : « Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu prendras » (Lc 5,10). Et l’évangéliste d’ajouter : « Alors ils ramenèrent les barques au rivage et, laissant tout, ils le suivirent » (Lc 5,11). Rien ne nous autorise à penser que Simon-Pierre et ses compagnons seraient revenus sur cette décision. Nous pouvons donc interpréter la pêche nocturne en Jean 21 comme la description symbolique du travail d’évangélisation - comme le confirme d’ailleurs le nombre de poissons capturés en jetant le filet de la Parole sur l’ordre de Jésus : le chiffre « cent cinquante-trois » correspond au total des nations connues à l’époque de la rédaction du quatrième évangile.
Ainsi donc nos sept compagnons s’activent à l’annonce de la Parole, mais leurs efforts demeurent stériles. Pourtant, ils connaissent leur « métier » : n’ont-ils pas été à l’école du Seigneur lui-même ? On imagine sans peine le désarroi de ces hommes devant la fin de non-recevoir qu’opposent leurs interlocuteurs à leurs efforts d’évangélisation. Le Seigneur les aurait-il abandonnés ? L’Esprit se serait-il retiré ? N’ayant plus rien à perdre, ces hommes répondent à l’appel d’un inconnu et lui obéissent en dépit du bon sens. Traduisons : ils acceptent de sortir du cadre bien structuré de leur pastorale. Et voilà que la réponse à leur acte de foi, est au-delà de toute espérance.
Non, Jésus ne s’était pas éloigné ; mais il fallait que la communauté passe par cette expérience de l’échec, pour retrouver son dynamisme originel. L’écoute attentive du Seigneur et l’obéissance à son appel, sont bien plus importantes que nos stratégies longuement réfléchies et patiemment mises en place ; car le Maître c’est le Christ (Mt 23,10) : c’est lui qui appelle et qui envoie, c’est lui qui assure la fécondité.
Toute communauté évangélisatrice commence dans l’Esprit ; mais elle court le risque d’attribuer insensiblement le succès de son travail au fruit de ses propres efforts. Aussi est-il indispensable qu’elle fasse l’expérience amère de la stérilité. Heureuse la communauté qui devant l’échec, au lieu de poursuivre avec acharnement, ou de chercher à inventer d’autres techniques pastorales plus performantes, sait se remettre humblement à l’écoute du Seigneur, et discerner son second appel, qui passe souvent par des sollicitations totalement inattendues.
La fécondité d’une mission menée en dépit de toute prévision et programmation, laisse entrevoir qui agit dans le secret, afin de nous faire revenir à lui, source et fin de toute évangélisation.
Simon-Pierre comprend : oui c’est bien « le Seigneur » qui appelle à un plus grand dépouillement, à un plus radical abandon. Il prend conscience que sans même s’en apercevoir, il avait quitté le vêtement de la foi, pour agir plus librement en son nom propre. Se ressaisissant, « il passe un vêtement et se jette à l’eau », abandonnant tous ses stratagèmes pour rejoindre Jésus sur le rivage, où celui-ci a préparé pour les siens un repas.
C’est autour de l’Eucharistie que toute communauté se constitue, se structure ; c’est dans l’Eucharistie qu’elle se retrouve et refait son unité. C’est de l’Eucharistie qu’elle est envoyée pour récolter ce qu’elle n’a pas planté, moissonner ce qu’elle n’a pas semé.
L’épisode de la rencontre personnelle de Pierre et de Jésus est parmi les plus émouvantes de l’Évangile. La triple demande de Jésus s’explique par son désir de donner à Pierre la possibilité d’effacer son triple reniement au cours de la passion. Dieu donne toujours aux hommes une deuxième possibilité ; souvent une troisième, une quatrième, un nombre infini de possibilités. Il ne raye pas les personnes de son livre à la première erreur de leur part. La confiance et le pardon du Maître ont fait de Pierre une personne nouvelle, forte, qui sera fidèle jusqu’à la mort. Il conduira le troupeau du Christ dans les moments difficiles du commencement, lorsqu’il s’agira de sortir de Galilée et de se lancer sur les routes du monde. Au terme de sa course, Pierre sera même en mesure de tenir sa promesse de donner sa vie pour le Christ.
Le dialogue entre Jésus et Pierre peut-être transposé dans la vie de chacun d’entre nous. Commentant ce passage de l’Evangile, saint Augustin affirme : « En interrogeant Pierre, Jésus interrogeait également chacun de nous ». La question : « M’aimes-tu ? » s’adresse à tous les disciples. Le christianisme n’est pas un ensemble de doctrines et de pratiques ; c’est quelque chose de beaucoup plus intime et profond. C’est une relation d’amitié avec la personne de Jésus Christ. Au cours de sa vie terrestre il avait très souvent demandé aux personnes : « Est-ce que tu crois ? » mais jamais : « M’aimes-tu ? ». Il ne le fait que maintenant, après avoir donné la preuve, à travers sa passion et sa mort, de combien Lui il nous a aimés.
Jésus explique que la manière de l’aimer est de servir les autres : « M’aimes-tu ? Pais mes brebis ». Il ne veut pas recevoir les fruits de cet amour, il veut que ce soient ses brebis à les recevoir. Il est le destinataire de l’amour de Pierre, mais pas son bénéficiaire. C’est comme s’il lui disait : « Je considère que ce que tu feras pour mon troupeau, c’est à moi que tu l’auras fait ». Notre amour pour le Christ ne doit pas non plus demeurer quelque chose d’intimiste et de sentimental, mais il doit s’exprimer dans le service aux autres, dans le bien que nous faisons à notre prochain. Mère Térésa de Calcutta aimait répéter : « Le fruit de l’amour est le service et le fruit du service est la paix ».


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