Catholic.net International English Espanol Deutsh Italiano Slovensko
 - 28 mars 2024 - Saint Gontran
Navigation: Homélie

 

Homélie

4e dimanche de Pâques

Nous méditons, avec la liturgie d’aujourd’hui, sur la beauté du visage de l’Église. Le livre de l’Apocalypse nous y aide en nous introduisant au cœur de la magnifique liturgie céleste où toutes les nations sont rassemblées autour du Trône et chantent les louanges de l’Agneau vainqueur.

Attardons-nous cependant sur la première lecture, tirée des Actes des Apôtres. Il pourrait y avoir un risque en effet, quand on parle de la beauté de l’Église, de concevoir une dichotomie simpliste entre l’Église d’en haut, parfaite et pure, et l’Église dans sa contingence historique, avec ses divisions et ses guerres.

Les événements qu’ont vécus Paul et Barnabé à Antioche pourraient alors être lus comme des aléas, tristes mais inévitables, de la séparation des nouveaux chrétiens d’avec leur milieu d’origine. Nous serions en somme à un virage dans la politique d’expansion du christianisme menée par saint Paul : puisque les juifs refusent d’entendre l’évangile, tant pis pour eux, on s’adressera désormais aux païens. Cette lecture n’est guère pertinente.

En effet, quand Paul et Barnabé arrivent à Antioche, l’accueil est sans réserve. Toute la synagogue est heureuse des paroles proclamées. Or la synagogue est une assemblée disparate. Elle comprend les juifs évidemment, mais aussi les prosélytes, qui sont des étrangers convertis ayant adopté les coutumes de la religion juive ; elle comprend encore les païens, qu’on appelle aussi les Craignant-Dieu, c’est-à-dire les sympathisants. Les païens ne se sont pas formellement convertis, mais ils placent ouvertement leur foi dans le Dieu d’Israël et participent à l’assemblée synagogale. C’est à cette assemblée hétéroclite et cosmopolite que s’adresse saint Paul. Il leur adresse la Bonne Nouvelle de l’accomplissement de la promesse faite à Israël dans la résurrection de Jésus. Ce message est entendu. Cette Bonne Nouvelle est accueillie avec joie et enthousiasme ; au point que la semaine suivante, la foule afflue. Il y avait presque toute la ville dans la synagogue, nous dit saint Luc.

Pourtant tout se gâte. Non pas que saint Paul ait perdu sa verve d’orateur ou son inspiration. Mais que le dessein de Dieu sur l’humanité se révèle aujourd’hui dans toute sa gratuité et toute son universalité. Il apparaît ouvertement dans le discours de saint Paul que Juifs et non-Juifs sont pareillement invités à recevoir la grâce messianique.

Une telle annonce semble à beaucoup une réelle nouveauté, et, connaissant les hommes, c’est-à-dire nous connaissant nous-mêmes, nous ne devons pas nous étonner outre mesure que certains des juifs d’Antioche refusent une nouveauté ébranlant leurs certitudes. Ils préfèrent maintenir qu’ils sont les seuls bénéficiaires possibles de l’Alliance et que les païens ne sauraient y avoir accès.

Leur refus de collaboration nous interpelle dans nos propres certitudes. En ce dimanche où le Bon Pasteur nous annonce vouloir rassembler son troupeau, nous devons nous demander quels sont ceux dont nous disons trop hâtivement qu’ils sont loin de l’Évangile ou loin de l’Église. Tellement loin que, nous en sommes convaincus, ils ne sont pas prêts de s’en approcher. Pire, quels sont ceux dont nous croyons savoir qu’ils ne sont pas intéressés par la rencontre avec Jésus, ou ne risquent pas de l’être. Il nous faudrait alors entendre la résolution de saint Paul dans toute sa vigueur : « nous nous tournons vers le païens ! ». « Nous », c’est-à-dire : « nous seuls », sans la partie des croyants qui se blottit dans ses prétendus privilèges et sa rassurante proximité avec le Seigneur. Ce « nous » désigne les apôtres qui malgré les oppositions et les rejets, persistent fermement à vouloir mener à bien la volonté de Dieu sur le monde et à inviter tout homme à croire en Jésus-Christ notre Sauveur.

Les paroles de saint Paul sont très fermes : « Voilà le commandement que le Seigneur nous a donné : j’ai fait de toi la lumière des Nations ». Parole paradoxale où le don, « j’ai fait de toi la lumière des nations » est un commandement. Cette expression « lumière des Nations » désigne, dans la Bible, Israël, le Christ, et finalement la communauté chrétienne elle-même. Ce n’est pas par hasard que le Concile Vatican II nous introduit dans le mystère de l’Église par ces mots : « lumen gentium », le Christ est la lumière des peuples. La question n’est pas de savoir qui nous paraît digne d’entrer au nombre des élus, mais de refléter fidèlement au monde la lumière du Christ. Tel est le don qui nous est fait, telle est notre responsabilité.

Cette lumière est en effet l’étoile qui guide les foules et les introduits dans la vaste liturgie que l’Église célèbre à toute heure et pour l’éternité. Le livre de l’Apocalypse nous montre l’Église dans sa situation finale, la foule innombrable participant au triomphe de l’Agneau. Agneau qui est aussi le Pasteur, les conduisant « vers les eaux de la source de vie ».

C’est pour cette vie qu’il nous faut nous décider, pour nous, et pour nos frères. Certes, Jésus nous avait promis de nous donner la vie en abondance. Mais aujourd’hui le Ressuscité nous offre la vie éternelle. Ce n’est pas seulement le Bon Berger donnant sa vie pour ses brebis, mais le Christ qui donne la vie, « tout court », dans sa plénitude. La vie qui est la nôtre désormais est la vie même de Dieu. Et cette vie fait notre unité, en nous et entre nous, parce que le Père et le Fils sont un.

Voilà le secret qui est au cœur de l’Église, et au cœur de toute mission. Il ne s’agit pas seulement de marcher ensemble, d’œuvrer ensemble, mais avant tout d’être unis, de vivre le mystère de l’union de chaque homme avec la Trinité et avec les autres hommes. Cette réalité est déjà en germe ici-bas. Elle est le don qui nous est fait et que Jésus nous dévoile quand il affirme « le Père et moi nous sommes un ».

Nous sommes ainsi invités à entrer dans cette vie ineffable, la porte nous est ouverte. Par sa résurrection, Jésus n’a pas seulement inauguré un nouveau rapport entre l’homme et Dieu, mais il a solidement établi un nouveau rapport entre les hommes. C’est cela que nous appelons être membres d’un même Corps et c’est l’Église qui nous donne les moyens permettant cette union dans sa dimension visible et sociale.

Ces questions nous conduisent à prier, aujourd’hui avec plus de ferveur qu’à l’accoutumée, pour que tout homme ait l’occasion de connaître et de prendre généreusement la place qui est la sienne dans le Corps mystique du Christ. Nous prions spécialement les vocations religieuses et sacerdotales qui sont particulièrement appelées à vivre et à témoigner de l’universalité du salut. Que chacun puisse répondre dans la confiance et dans la certitude d’être comblé, fortifiés par le spectacle que nous donnent Paul et Barnabé : on peut bien chasser les envoyés, on ne chasse jamais l’Esprit qu’ils ont reçu. Que chacun le constate : en quittant Antioche, ils débordent de joie et sont remplis de l’Esprit Saint. Que ce même Esprit embrase maintenant le monde et transforme le don que nous faisons de nous-mêmes en une offrande agréable à Dieu notre Père.


Accueil | Version Mobile | Faire un don | Contact | Qui sommes nous ? | Plan du site | Information légales