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 - 27 mars 2024 - Saint Habib
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Homélie

5e dimanche de Pâques

Jésus sait que son sort est décidé : Judas, un des Douze à qui il a donné toute sa confiance - qu’il a aimé plus que les autres en raison de sa faiblesse - Judas vient de sortir pour trahir son Maître ; pour le vendre comme un vulgaire objet évalué à trente pièces d’argent.
1- Paradoxalement Jésus semble avoir attendu ce moment pour déclarer : « Maintenant, le Fils de l’homme est glorifié ». Le « maintenant » ne peut porter que sur la trahison et sur tout ce qui s’en suivra : l’arrestation, les interrogatoires, la flagellation, la couronne d’épines, les humiliations de la soldatesque, le portement de croix, la crucifixion, la longue agonie et enfin la mort dans un grand cri.
Est-ce donc dans ces événements, où semblent triompher le mal, la haine, la violence, que le Christ est glorifié ? Qui donc voudrait participer à une telle gloire ? Et quel est donc ce Dieu qui réserve un tel sort à son Envoyé ?
Et comme si cela ne suffisait pas, voilà que Jésus poursuit en disant : « …et Dieu est glorifié en lui ». Comment Dieu peut-il être glorifié en cet homme meurtri, humilié, anéanti ?
Qu’est-ce que tout cela peut bien vouloir dire ?
Nous ne sommes pas au bout de nos peines, car il faut encore ajouter une apparente contradiction temporelle : Jésus annonce solennellement qu’il « est glorifié » - au présent ; mais au verset suivant il affirme que cette gloire, Dieu « la lui donnera bientôt », en retour de la glorification qu’il aura au préalable trouvée en lui. Autrement dit, ce n’est qu’après avoir reçu les honneurs de son Fils, que le Père l’exaltera à son tour.
Essayons d’approfondir ce mystérieux échange à la lumière de la Passion-Résurrection de Notre Seigneur :
-  C’est en tant que Fils que Jésus glorifie son Père par la kénose de la croix – entendons : par un abandon filial sans limite ;
-  C’est en tant que Père que Dieu exalte son Fils au matin de Pâques, en le ressuscitant et en lui conférant « le Nom qui est au-dessus de tout nom » (Ph 2).
Le point commun entre les deux démarches, est qu’elles sont toutes deux uniquement mues par l’amour : le Fils se livre sans compter au Père, et celui-ci arrache son Fils à la mort en lui donnant part à sa propre vie. Dès lors, cette « gloire » que le Fils et le Père échangent si généreusement, ne peut s’identifier qu’à l’Amour subsistant dont ils s’aiment éternellement, et qui porte un Nom : l’Esprit Saint.
Dès lors, la contradiction temporelle que nous avions soulignée n’est qu’apparente : c’est par son obéissance jusqu’à la mort que le Fils manifeste son amour envers le Père, c’est-à-dire qu’il le glorifie. Le Fils vit donc sa Passion dans la nuée de gloire de l’Esprit d’amour ; mais à ce point du déploiement du mystère, cette nuée est encore obscure.
C’est encore le même Esprit d’amour, procédant cette fois du Père, qui va relever Jésus du tombeau au matin de Pâques. La nuée qui illumine le Ressuscité n’est pas différente de celle qui reposait de manière invisible sur l’Agneau immolé : la gloire du Christ ressuscité ne fait que manifester au grand jour la victoire de l’Amour qui était secrètement à l’œuvre durant la nuit de la Passion, et qui se répand en flots de lumière à l’aube de Pâques.
2- Cette longue méditation était sans doute nécessaire pour accéder à l’intelligence de l’autre parole, tout aussi déconcertante de Jésus : « Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres ». Ce commandement est introduit par une considération sur l’éloignement prochain du Maître, et le désarroi que son absence va causer parmi les disciples – « je suis encore avec vous mais pour peu de temps » - la liturgie n’a pas gardé la suite du verset : « vous me chercherez, mais où moi je vais, vous ne pouvez pas venir ».
Jésus a déjà institué l’Eucharistie pour perpétuer sa présence ; le don du « commandement nouveau » semble se situer dans la même perspective : permettre aux disciples de le retrouver au cœur même de son absence apparente. C’est donc que l’observation de ce commandement leur permettra de rencontrer le Maître, présent au milieu d’eux de manière bien réelle quoiqu’invisible.
Se référant à cette expérience, St Jean dira dans sa première lettre : « Celui qui demeure dans l’amour demeure en Dieu et Dieu en lui » (1 Jn 4,16).
C’est donc vers une présence intérieure que Jésus oriente ses disciples ; présence qui s’expérimente et se vérifie dans une nouvelle capacité d’aimer, qu’ils découvriront dans la mesure de leur obéissance au commandement nouveau que leur donne leur Maître. En effet, si Notre-Seigneur s’adresse à ses apôtres comme à des « enfants » auxquels il commande de s’aimer, c’est qu’ils n’ont pas encore commencé à le faire, parce qu’ils en étaient jusque là incapables.
Il ne s’agit donc pas d’un simple amour humain, mais de la participation à l’Esprit d’amour, cet Esprit qui unit le Père et le Fils dans une glorification mutuelle. Voilà pourquoi Jésus précise : « Comme je vous ai aimés – c’est-à-dire dans l’Amour dont je vous ai aimé - vous aussi, aimez-vous les uns les autres ». L’amour de charité est avant tout un don que Jésus transmet à ses disciples ; c’est pourquoi il peut leur commander d’aimer, c’est-à-dire de vivre à la hauteur de ce don. C’est en laissant Jésus aimer en eux dans la puissance de l’Esprit qu’il leur donne, que les disciples peuvent expérimenter la présence permanente du Maître.
Nous pourrions synthétiser notre cheminement comme suit :
-  L’Amour dont Jésus nous a aimé le premier,
o nous fonde à aimer les autres de ce même Amour,
&#61607 ; nous permettant ainsi de le retrouver dans l’Amour que nous portons à nos frères en son Nom.
Peu à peu les choses s’éclairent. Nous aussi nous sommes appelés à la gloire : à nous aussi le Père veut donner part à « sa propre gloire ». Il nous l’a même déjà donnée dans l’Esprit reçu au baptême. Mais avant que cette gloire ne se manifeste en pleine lumière au-delà du voile de la mort, nous avons à vivre ici bas sous la nuée obscure de la foi, à la suite du Christ, triomphant dans la force de l’Esprit d’amour, de l’inertie du péché qui nous enferme en nous-mêmes et nous rive à la terre.
Certes, comme nous le rappelaient Paul et Barnabé dans la première lecture, « il nous faut passer par bien des épreuves pour entrer dans le royaume de Dieu » ; mais soyons en bien convaincus : si nous persévérons dans la foi, l’espérance et la charité, « Dieu en retour nous donnera sa propre gloire, et il nous la donnera bientôt ».
Saint Paul l’affirme avec force : « J’estime qu’il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire que Dieu va bientôt révéler en nous » (Rm 8,18), lorsqu’il nous accueillera dans « le ciel nouveau et la terre nouvelle, où il demeurera avec nous. Là il essuiera toute larme de nos yeux, et la mort n’existera plus ; il n’y aura plus de pleurs, de cris, ni de tristesse ; car la première création aura disparu » (2nd lect.).

« Seigneur, "affermis notre courage" (1ère lect.). Ne permets pas que nous fléchissions, que nous renoncions à te suivre sur le chemin étroit de l’Amour purifié et fortifié sur l’enclume de la Croix. Donne-nous de "persévérer dans la nuit de la foi" (Ibid.) afin de pouvoir participer à la gloire de ta résurrection, et être accueillis dans "la cité sainte, la Jérusalem nouvelle" (2nd lect.). Nous pourrons alors chanter éternellement "la gloire et l’éclat de ton règne" et te bénir pour la tendresse et la bonté que tu déploies pour toutes tes œuvres (Ps 144) ».


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