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 - 28 mars 2024 - Saint Gontran
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Homélie

14e dimanche du Temps Ordinaire

Le troisième Évangile est le seul à mentionner cet envoi en mission non plus des seuls Apôtres, mais d’un groupe de disciples. Leur nombre - soixante-douze - est hautement symbolique : il correspond au nombre de peuples connus à l’époque. Le message est clair : ce ne sont pas les seuls Apôtres et leurs successeurs - évêques, prêtres et diacres - qui sont chargés d’annoncer l’Evangile ; mais tout baptisé, de par son statut de disciple, est co-responsable de l’évangélisation de la terre entière.
Au moment de l’envoi, Notre-Seigneur leur fait un dernier « breefing », dans lequel il récapitule les conditions de la mission. Mais ses propos, aux échos eschatologiques très marqués, débordent largement le contexte d’une action originellement limitée à quelques villages situés sur la route menant de la Galilée à Jérusalem où se rend le Seigneur.
D’ailleurs, pourquoi donc Jésus devrait-il encore se rendre personnellement « dans toutes ces villes et localités » où ses disciples l’ont précédé, dès lors que leur travail d’évangélisation a pleinement porté son fruit ? A moins que la venue qu’ils sont chargés de préparer soit le retour dans la gloire de leur Maître ; ce que confirme le titre « Seigneur », qui apparaît dans le verset introductif, et surtout sur les lèvres des disciples racontant leurs démêlés victorieux avec « les esprits mauvais ».
Cette seconde partie de notre péricope ne peut d’ailleurs être que post-pascale : seul le Ressuscité peut proclamer : « Je voyais Satan tomber du ciel comme l’éclair ». Seul le vainqueur du matin de Pâques peut « donner pouvoir sur toute la puissance de l’Ennemi » dont il a victorieusement triomphé sur la croix.
Au-delà du compte-rendu d’une mission particulière confiée par Jésus à la communauté prépascale, c’est donc bien l’envoi de l’Eglise de tous les temps par le Seigneur ressuscité, dont il est question dans l’Evangile de ce jour. Écoutons donc, comme nous étant adressées, les conditions concrètes de la mission ici-bas, qui consiste essentiellement à préparer le retour glorieux du Christ Seigneur.
Premier constat : nous serons toujours trop peu nombreux pour assurer la moisson, c’est-à-dire le travail qu’il faut accomplir à la fin de l’été, au terme de la croissance d’un grain jeté en terre avant l’hiver, c’est-à-dire depuis longtemps. Il apparaît donc que les missionnaires de tous les temps ne font qu’engranger le fruit de semailles bien antérieures, lorsque la Parole de vie s’est enfouie dans les sillons de notre humanité par l’incarnation du Verbe de Dieu. Cette moisson est si abondante, que nous ne serons jamais assez nombreux pour l’assurer. Voilà pourquoi ne sommes invités à « prier le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson » - c’est même la première démarche à faire. N’est-ce pas spontanément ce que nous faisons lorsque nous nous trouvons devant une tâche dont il est évident qu’elle dépasse nos moyens ? Nous commençons par chercher de l’aide, en ventant l’abondance de la moisson à engranger.
Dès lors, une des raisons du problème contemporain des vocations ne serait-il pas que nous ne percevons plus la surabondance de la moisson produite par l’enfouissement du Fils de Dieu dans notre chair ? Autrement dit, notre problème n’est-il pas un sérieux déficit au niveau de la foi, vertu surnaturelle qui nous permet de discerner et d’annoncer que « le règne de Dieu est tout proche », et que ses fruits mûrs n’attendent qu’à être cueillis ?
On comprend que Jésus prenne des précautions pour que ses envoyés ne se fassent pas « récupérer » par le Prince de ce monde, qui tient les hommes aliénés dans la frénésie de l’avoir (symbolisé par l’argent), la fascination de l’autonomie (les sandales) et la préoccupation de la gloire (salutations) – dont les missionnaires doivent s’abstenir. Ils sont envoyés « comme des agneaux » vulnérables – car nous aussi nous sommes soumis aux tentations de la nature marquée par le péché – « au milieu des loups » qui cherchent à nous dévorer, c’est-à-dire à nous absorber dans leur mode de vie, leurs stratégies, leurs idéologies. La seule force des envoyés, est celle de l’Agneau immolé pour le salut du monde, à savoir : leur confiance inébranlable dans l’amour de leur Berger, qui leur a « donné pouvoir d’écraser serpents et scorpions et pouvoir sur toute la puissance de l’Ennemi » de sorte que « rien ne pourra leur faire du mal » - si du moins ils persévèrent dans l’attitude de « paix et de miséricorde » qui convient à ceux qui vivent dans « la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ » (2ème lect.).
Guérison de la lèpre du péché, et délivrance de la peur de la mort sont les signes qui accompagnent la proclamation du message de consolation que le Seigneur confie à ses disciples, confirmant ainsi l’irruption de « la création nouvelle » (2ème lect.) au cœur du monde ancien. Car le « règne de Dieu » n’est pas à redouter comme le temps de la vengeance du Tout-puissant contre son peuple rebelle ; tout au contraire : « de même qu’une mère console son enfant, moi-même je vous consolerai », dit le Seigneur. La seule chose que le Père nous demande, c’est de reconnaître et d’accueillir la seigneurie de son Fils, afin qu’il puisse nous libérer de l’esclavage auquel le Satan nous a soumis en raison de notre péché. Vers tous ceux qui mettent dans « la croix de notre Seigneur Jésus Christ leur seul orgueil », et « qui suivent la règle de vie » (2nd lect.) de l’Evangile, Dieu « dirige la paix comme un fleuve et la miséricorde comme un torrent qui déborde » (1ère lect.).
Tel est le message de réconciliation que nous avons à annoncer, à proposer, à offrir de la part de Dieu notre Père. Sans chercher à convaincre par des procédés et des astuces de ce monde, mais dans la simplicité d’un cœur livré à l’Esprit et qui le laisse parler et agir à travers nous.
Oui, « le règne de Dieu est tout proche » : laissons-nous envahir par sa présence. Certes le passage de l’ancien monde à la nouveauté du Royaume est resserré, la porte est étroite ; une douloureuse « circoncision du cœur » est indispensable pour nous arracher à nos attachements désordonnés et découvrir en Jésus notre unique trésor. Cependant, ce que l’on retient d’un enfantement, ce n’est pas la douleur du travail, mais la vie triomphante, « la création nouvelle » que le Seigneur réalise pour nous. Sur ce chemin qui nous ramène à la maison du Père, gardons courage, et « réjouissons-nous parce que nos noms sont d’ores et déjà inscrits dans les cieux ».


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