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 - 14 avril 2024 - Sainte Lidwine
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Homélie

29e dimanche du Temps Ordinaire

La veuve de la parabole a foi dans la justesse de sa cause, elle est convaincue qu’elle mérite d’obtenir réparation, elle n’hésite pas se battre pour cela. Elle a en effet toutes les raisons de s’inquiéter, car le juge chargé de son affaire n’aime pas la justice : « il ne respecte pas Dieu et se moque des hommes », souligne le Seigneur avec insistance. Ce juge inique n’a ainsi aucune intention d’exaucer la veuve et il n’a aucun égard pour elle. Heureusement, l’histoire finit bien : même s’il refusa longtemps, le magistrat finit par perdre patience devant l’insistance de la veuve et il lui rendit justice, pour retrouver sa tranquillité.

Comme les fins heureuses sont toujours consolantes, il serait aisé d’en rester là. Il serait confortable de nous satisfaire du raisonnement a fortiori : si le juge inique finit par rendre justice, combien plus sommes-nous assurés que le Bon Dieu nous exaucera. « Je vous le déclare, dit solennellement Jésus, sans tarder il leur fera justice ».

Pourtant, nous rassurer sur ce point n’était pas l’objectif du Seigneur Jésus. Saint Luc explique en effet qu’il « disait une parabole pour montrer à ses disciples qu’il faut toujours prier sans se décourager ». Quel est le risque de découragement si le Bon Dieu nous exauce « sans tarder » ? Cela voudrait-il dire qu’il peut tarder, lui aussi, à nous répondre ? Le plus surprenant est dans le « toujours » : « il faut toujours prier sans se décourager ». Chacune de nos prières exige donc de la persévérance ?

Pour nous aider à résoudre ce paradoxe, la liturgie nous donne à méditer un passage du livre de l’Exode où Moïse intercède pour son peuple pendant une bataille. La situation d’Israël est alors comparable à celle de la veuve de l’Évangile : le peuple vient de subir une attaque particulièrement lâche de la part des Amalécites, les ennemis héréditaires. Ces derniers ont pris la colonne qui sortait d’Égypte par l’arrière, décimant ceux qui étaient les plus faibles et les plus fatigués. Justice doit être rendue. Mais l’ordre que Moïse donne à Josué montre qu’il ne compte pas prendre les choses en main : désigner « le bâton de Dieu » est invoquer la puissance du Seigneur. Si la bataille doit être menée, elle sera remportée par l’action du Seigneur et non par la seule force des guerriers. Ainsi, chaque fois que la fatigue fait baisser le bâton, le combat tourne en défaveur d’Israël. Le fait illustre que la force et la persévérance de la prière sont la clé de la victoire. En choisissant d’engager la bataille, Moïse exprime sa confiance en Dieu qui fait justice ; en gardant les bras du prophète levés, le peuple démontre la force d’une prière pauvre et simple. En somme, la première lecture illustre comment la confiance en Dieu peut renverser les situations les plus désespérées. Elle nous montre aussi que la grâce d’une victoire peut être donnée promptement par le Seigneur, mais que cela n’enlève pas le temps de l’actualisation. Le Seigneur exauce sans délais, mais un combat reste à mener ; la grâce doit se déployer dans notre humanité, elle a besoin de temps pour porter son fruit, nous avons besoin de temps pour découvrir et apprécier son action. La prière n’a pas pour seule vertu d’obtenir la grâce, elle l’entretient, elle la fortifie et lui permet de s’épanouir en nous. Persévérance de l’homme et promptitude de Dieu ne sont donc pas contradictoires.

Ce point éclairci, revenons à l’évangile. « Je vous le déclare », disait Jésus en répondant à nos hésitations. Ce n’est pas une question mais une certitude : le Bon Dieu a souci de ses enfants et leur donne tout ce dont ils ont besoin. La parabole n’avait pas pour but d’affirmer une évidence mais de nous faire comprendre quel souci inquiète le Seigneur : « le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? ». En effet, Dieu fera justice à ses élus « qui crient vers lui jour et nuit », mais entendra-t-il encore des veuves lui présentant leurs requêtes ? Parmi ceux qui entendent la parabole, combien « crient vers [Dieu] jour et nuit » ? Voici pourquoi il nous faut toujours prier avec persévérance : pour entretenir en nous la foi !

Le mécanisme est finalement assez simple ; il trouve son ressort, comme toujours, dans le désir qui habite le cœur de l’homme. Ce désir est orienté vers Dieu et ne trouve satisfaction qu’en Dieu. Une prière habillée de cris vers Dieu est vaine si elle n’est pas habitée et motivée par le désir de Dieu. Apparaît ici une différence essentielle entre le juge de la parabole et le Bon Dieu. Celui qui s’adresse à un juge ne voit en lui qu’un moyen puissant pour obtenir ce qu’il veut. Celui qui s’adresse au Bon Dieu avec foi ne cherche pas tant à être exaucé qu’à être exaucé par le Père des Cieux. Ce qui différencie une requête et une prière est la foi en Dieu qui donne, c’est considérer Dieu comme le seul de qui on attend d’être exaucé car lui seul peut combler le désir fondamental de nos cœurs.

Ainsi, la prière persévérante que Jésus demande n’est pas un exercice formel qui oblige à rester des heures à genoux. Il aurait été vain que Moïse reste les bras en croix jusqu’au coucher du soleil si son cœur n’avait pas crié son besoin de Dieu, s’il n’exprimait pas par ce geste un élan irrépressible et continuel vers Dieu, un mouvement qui n’accepte d’être détourné de sa quête que lorsqu’il est comblé.

L’aspect formel de la prière est cependant nécessaire. Il serait illusoire de prétendre rester en prière continuelle, au milieu des activités de nos journées, sans prendre le temps de se mettre à genoux, sans prendre le temps du silence qui permet à l’âme de respirer en Dieu. Jésus lui-même, dont le cœur était en dialogue intime avec le Père à chaque instant du jour et de la nuit, prenait le temps de se retirer pour prier, de chanter les psaumes avec ses disciples et de rejoindre l’assemblée synagogale chaque semaine. Ce dernier point est fondamental : la liturgie de l’Église n’est pas un contexte esthétique et convivial donné à nos élans pieux. Elle possède en propre la vertu d’orienter nos cœurs vers Dieu.

En somme, comme l’explique le passage de la Lettre de saint Paul à Timothée que nous avons entendu, nous avons besoin de raviver et de nourrir notre foi chaque jour par la méditation de la Parole de Dieu : « fils bien-aimé, tu dois en rester à ce qu’on t’a enseigné ». Cela veut dire que la Parole ressource notre désir de Dieu, au sens fort : elle en est la source et il nous faut rester près de cette source, toujours. Rester dans ce qu’on nous a enseigné veut dire, pour saint Paul, demeurer dans la Parole, considérer la Parole comme notre milieu de vie. Nous n’avons pas la foi comme nous avons un objet utile mais comme nous avons une maison. L’image de la maison est intéressante pour figurer notre lieu de vie mais aussi pour dire que l’Église est le lieu de la transmission de la Parole. Notre bâton de Moïse, notre équipement pour le combat spirituel, est ainsi constitué à la fois de la Parole de Dieu et de la tradition de l’Église ; d’où l’insistance sur la nécessité de transmettre à notre tour ce que nous avons reçu.

Nous voici au moment de la conclusion ; pour Jésus, elle reste une question : « le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? ». Ainsi, l’enseignement de ce dimanche concerne le retour du Christ, qui est certain, aussi certain que le Père nous exauce. Par hâter le retour du Christ, nous entretenons le désir de cette rencontre ultime. Prions avec persévérance, parce que, tôt ou tard, il pourra nous sembler que le Christ tarde à revenir. Nous pourrons même être tentés de croire que ce retour est hypothétique ou qu’il ne nous concerne pas. Notre persévérance sera en effet mise à l’épreuve par les mauvais traitements dont nous sommes l’objet, de la part de ceux qui ne respectent pas Dieu et qui n’aiment pas les hommes. Suivons donc l’exemple de la veuve qui croyait fermement en la justesse de sa cause, suivons l’exemple de Moïse qui savait que toute victoire se remporte par la confiance dans le Seigneur, et armons-nous pour ce combat de tous les jours. Sans lâcher prise, prions sans nous décourager, gardons nos cœurs tournés vers Dieu, prenons sérieusement le temps du silence et du recul nécessaires à la prière personnelle et familiale.

Seigneur Jésus, tourne nos cœurs vers toi. Fais-nous grandir dans l’attente patiente et confiante de voir exaucées nos demandes, fais-nous demeurer en ta Parole et donne-nous de la proclamer par toute notre vie. Apprends-nous à prier de manière à ce que nos corps, nos âmes et nos esprits ne soient qu’un seul élan vers le Père.


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