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 - 16 avril 2024 - Saint Benoît-Joseph Labre
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Homélie

30e dimanche du Temps Ordinaire

Jésus poursuit son enseignement sur la prière. La semaine dernière, il avait mis en scène deux personnages emblématiques : le juge inique, paradigme de l’oppresseur, et la veuve sans recours, modèle de l’opprimé. A travers une brève parabole qui ne manquait pas d’humour, Notre-Seigneur nous incitait à la persévérance, dans la conviction de foi que Dieu nous exauce toujours, même s’il est parfois obligé de purifier notre demande au creuset de la patience.
Pour préciser l’attitude intérieure et extérieure qu’il convient d’adopter lorsque nous nous adressons à Dieu, Jésus met à nouveau en scène deux personnages, qui représentent cette fois le modèle même du juste - un pharisien, parfait observateur de la Loi - et du pécheur - un publicain, coupable de trafic d’argent au profit de l’occupant romain et qui plus est : sur le dos des contribuables juifs.
En lisant ce pourquoi le pharisien rend grâce à Dieu, on ne peut qu’admirer sa générosité ; vraiment, c’est un homme « bien », irréprochable. Cela ne semble pourtant pas être l’avis de Jésus qui ne raconte pas cette parabole pour ceux qui sont justes, mais « pour certains hommes qui étaient convaincus d’être justes ».
En fait, notre pharisien a établi lui-même la norme de sa justice. Comme par hasard, il a décidé que ce qui est important correspond exactement à ce qu’il fait et que les autres ne font pas : jeûner, payer les impôts... Il s’est construit une représentation du juste à son image. Il ne s’est apparemment pas rendu compte qu’il a négligé d’insérer dans ce tableau le plus important de la Loi, ce qui lui donne son sens, à savoir l’amour du prochain.
Mais il y a plus grave encore dans l’attitude de cet homme. Certes, il « rend grâce à Dieu » ; mais de ne pas être « comme les autres hommes », dont il se plaît à énumérer les péchés. Rien dans sa prière ne trahit qu’il aurait besoin de Dieu pour quoi que ce soit : il ne doit sa justice qu’à lui-même, à sa propre force intérieure, qui lui a permis de s’élever au-dessus des médiocres ; aussi méprise-t-il royalement ces derniers du haut de son éminence.
En entendant l’assurance de notre pharisien, on a l’impression qu’il discute avec le Seigneur sur un pied d’égalité. Somme toute, il se présente à Dieu pour recevoir ce qui lui est dû en raison des bonnes œuvres qu’il a accomplies. Dieu n’a plus qu’à lui remettre la récompense qu’il a largement méritée. A cet homme satisfait de lui-même et parfaitement suffisant, comment Dieu pourrait-il se communiquer ?
On se souvient de la terrible sentence prononcée contre les sœurs jansénistes de Port-Royal : « Elles sont pures comme des anges, mais orgueilleuses comme des démons ! »

Déplaçons maintenant l’objectif sur le publicain. Le contraste est saisissant. Aucune tentative de justification, et encore moins de comparaison ne monte à ses lèvres. S’il avait entendu le mépris avec lequel le pharisien parlait de lui, il n’aurait même pas récusé ses propos, tant il est persuadé de son indignité.
Pourtant il reste là en présence de Dieu, car il est convaincu que le Très-Haut « ne repousse pas un cœur brisé et broyé » (Ps 50) de repentir. Se tenant à distance, il « s’abaisse » devant lui, se frappant humblement la poitrine. N’ayant à se vanter de rien - ni jeûne ni aumône - il n’a que sa misère à offrir au Miséricordieux.
La seule prière qui monte de son cœur est un cri de confiance : « Mon Dieu » ; un appel au secours : « prends pitié », et un aveu : « du pécheur que je suis ». Il s’inscrit spontanément au nombre des sans-droits devant Dieu et devant les hommes, attendant la juste sentence qu’il mérite. « N’osant pas lever les yeux vers le ciel », il ne voit pas que « sa prière traverse les nuées » (1ère lect.), portée par les anges, qui la déposent sur l’autel du Très-Haut ; et Dieu exauce sa prière, lui donnant part à sa justice.
Le publicain, tout pécheur qu’il soit, peut accueillir la miséricorde, car contrairement au pharisien refermé sur sa suffisance, il reste ouvert et disponible devant Dieu, en qui il a mis toute son espérance.

Comme dans la plupart des paraboles où Jésus met en scène deux personnages contrastés, nous sommes à la fois le publicain et le pharisien. Au pire nous comportons-nous comme le publicain dans la vie - peu scrupuleux en affaires - et comme le pharisien dans le temple - croyant être justifiés par nos actes religieux !
En fait notre travail de conversion consiste à inverser ces tendances, et à devenir pharisiens dans la vie - en évitant toute forme d’injustice - et publicains dans le temple - en reconnaissant quand nous sommes devant Dieu, que le peu que nous avons fait est un don de sa grâce, et en confessant que nous avons un besoin vital de sa miséricorde.

Au terme de notre lecture, la question se pose : le pharisien croit-il en Dieu ?
Pas vraiment puisqu’il ne s’appuie en rien sur lui ; il n’a pas besoin de fonder sa vie sur le Seigneur, puisqu’il se suffit à lui-même.
La foi qui justifie et qui sauve est celle du publicain : son ouverture de cœur lui vaut la justification, car la grâce peut tout dans un cœur humble et contrit.
La première étape de la conversion n’est donc pas de changer de vie, mais de croire vraiment en Dieu au sens de le laisser agir en nous.
Certes, avec sa grâce, il faudra ensuite décider les changements de vie nécessaires pour que notre conversion porte son fruit. Cela demandera du temps et des efforts ; mais si nous avons accueilli Dieu dans notre cœur, l’essentiel est fait.
Le philosophe protestant Sören Kierkegaard l’exprime de manière lumineuse : « Le contraire du péché, ce n’est pas la vertu, mais la foi ».

« Merci Seigneur pour cet enseignement, qui est source de grande consolation pour nous qui peinons douloureusement sur le chemin de la conversion. Comme le bon larron qui a obtenu le ciel par l’élan de sa foi confiante, nous voulons renoncer à notre suffisance, nous tourner résolument vers toi, et ouvrir notre cœur à ton amour. Nous croyons que tu le répands sans mesure, et que c’est en lui que nous pourrons puiser la force d’avancer sur le chemin de sainteté. Nous n’aurons plus alors "qu’à recevoir la récompense du vainqueur, que dans ta justice, tu accordes à tous ceux qui auront désiré avec amour ta manifestation dans la gloire" (2nd lect.). »


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