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 - 16 avril 2024 - Saint Benoît-Joseph Labre
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Homélie

2e dimanche du Temps Ordinaire

Ce dimanche, les textes ont comme un goût de « déjà vu »... Nous entendons les échos des thèmes abordés la semaine dernière, pour la fête du Baptême du Seigneur. La première lecture est à nouveau une présentation par Isaïe du Serviteur du Seigneur et l’évangile raconte à nouveau, mais dans la version de saint Jean, le baptême du Seigneur. Pourquoi cette redite, alors que nous abordons un nouveau temps liturgique ?

D’abord, dans la Bible il n’y a jamais de redite à l’identique. Nous avons parfois besoin de réentendre autrement, pour éclairer le mystère d’un jour nouveau ou complémentaire. Ainsi, la semaine dernière, nous avons centré notre attention sur le Seigneur qui nous invitait à entrer dans la vie filiale. Là est l’essentiel. Cette semaine, nous faisons davantage de place à Jean-Baptiste que le Seigneur a étroitement associé à sa mission. Souvenez-vous comme il disait : « c’est de cette façon que nous devons accomplir parfaitement ce qui est juste ». Jésus et Jean ont permis, ensemble, la manifestation explicite du dessein de Dieu sur l’humanité.

Voyons donc comment l’évangile nous présente aujourd’hui la figure de Jean-Baptiste. Tout d’abord, notre traduction dit « Comme Jean Baptiste voyait Jésus venir vers lui ». Il est possible d’être plus proche de l’original grec en lisant « Le lendemain, Jean-Baptiste voit Jésus qui vient vers lui ». Nous nous situons le lendemain, c’est-à-dire dans le devenir, dans le futur de la promesse des Prophètes. Or ce futur se présente en continuité de l’ancienneté de l’Alliance, car Jean-Baptiste ne parle pas de lui-même, ses paroles sont un tissu de versets de l’Ancien Testament enchevêtrés les uns aux autres pour mieux éclairer le mystère qu’ils dénouent. En un mot : nous célébrons un lendemain, un jour neuf qui commence, où Jean-Baptiste voit jaillir la nouveauté de l’Alliance dans une évidence éblouissante : « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ». Le lendemain promis est aujourd’hui.

Ainsi, Jean-Baptiste est un prophète ayant su discerner la nouveauté et la présence de Dieu parmi les hommes. Mais comment a-t-il reconnu Dieu enfoui dans l’humanité ? Ses paroles sont intrigantes puisqu’il avoue lui-même : « je ne le connaissais pas ». L’affirmation nous semble curieuse puisque nous savons que Jésus et Jean étaient cousins et parce que nous avons entendu le récit de la Visitation où Jésus et Jean se rencontrent pour la première fois. Pourtant il insiste et il répète : « je ne le connaissais pas ».

Pour comprendre, il nous faut tenir ensemble les deux éléments précédents : Jean-Baptiste discerne le jour de l’accomplissement des prophéties et il identifie son cousin Jésus comme l’Agneau de Dieu. Il discerne, c’est-à-dire qu’il observe la réalité à la lumière de l’Esprit. Jean-Baptiste n’est pas une marionnette répétant ce qu’il a lu dans Isaïe. Jean Baptiste lit et relit l’Écriture, il lit et il relit les Prophètes, jusqu’à voir comment chaque parole, écrite par d’autres il y si longtemps, en fait émerger une autre. Il repère le fil rouge de l’Esprit-Saint qui fait que chaque Parole en signale d’autres par allusion et les représente. Il reconstitue ainsi dans la Bible le chemin qu’entreprend Dieu jusqu’à l’homme, parce que la Parole de Dieu s’est d’abord faite Écriture avant de se faire chair. Ainsi se dévoile le sens de son « je ne le connaissais pas » : malgré tous ses efforts, Jean-Baptiste n’avait pas connu le chemin que tracent les Écritures dans les âmes. Avant de pouvoir reconnaître Celui qui accomplit la promesse, il faut d’abord accueillir le travail de la prophétie, le travail de l’Écriture dans nos cœurs. Jean-Baptiste confesse n’avoir pas réussi à mener ce travail jusqu’ à son terme : « je ne le connaissais pas ».

Cet échec est déconcertant : Jean-Baptiste a pourtant formellement reconnu celui qui accompli la promesse, il a nettement désigné Jésus comme le Verbe fait chair, l’Agneau promis par Dieu pour le rachat de l’humanité.

En effet. Là est justement la grandeur du mystère. À deux reprises Jean déclare qu’il ne le connaissait pas parce qu’il mesure, après coup, l’étendue de la grâce que Dieu fait aux hommes. Il reconnaît que, dans son cette impuissance, la grâce de l’Esprit-Saint a fait irruption et a illuminé son esprit. Jean-Baptiste était au cœur d’un événement qui le dépassait et dont il n’aura pas trop du reste de sa vie pour le méditer et pour s’approprier le don de Dieu. Quand il l’aura fait pleinement, il sera prêt à offrir sa vie par amour du Seigneur, il sera prêt au témoignage suprême du martyre.

Ainsi, l’Église nous donne en exemple ce matin l’itinéraire spirituel d’un chercheur de Dieu. Jean est devenu le « Baptiste », Jean a pleinement réalisé sa vocation, en laissant vivre en lui la Parole qui édifie et qui l’a construit comme prophète de la Nouvelle Alliance. À force de la méditer et de la scruter, la Parole a pris corps en lui, la citation est devenue interprétation, les mots du passé se sont faits prière du jour nouveau. Ne prenant la parole que pour être l’écho d’Isaïe, Jean écrit à nouveau la prophétie et participe à l’accomplissement de la promesse. Il y a ainsi pour l’homme un impératif de mémoire, un devoir de relecture, pour connaître vraiment le don de Dieu, pour se l’approprier en plénitude et pour le vivre jusqu’au bout. L’expérience de Jean Baptiste souligne que les évidences qui comptent le plus dans la vie sont celles qu’on n’avait pas saisies tout de suite ; celles qui nous font connaître notre retard. De cette manière, l’Esprit Saint lève le voile sur la réalité et la simplicité de Dieu.

Ainsi, notre obligation de relire n’est pas le signe d’une incapacité ou d’une indocilité — Jean Baptiste était soumis à la grâce —, elle nous indique seulement que l’instant de la révélation de Dieu ne doit pas se penser comme un moment de la vie aligné sur d’autres, mais comme un instant les récapitulant tous. Il est un point du temps qui contient l’éternité de Dieu. Il est donc un point qui se dilate comme un espace où l’on peut s’introduire et rester ; le temps de la grâce est un point d’entrée dans le mystère. Puis, cela est inhérent à notre humanité, nous nous l’approprions et nous l’approfondissons dans la durée.

« Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ». Cette formule est incomparable. Personne, aucun prophète ne l’avait prononcée avant Jean Baptiste. Lui qui n’était que la voix transmettant le message confié par un autre, dévoile dans son originalité l’identité de Jésus-Christ. En formulant l’évidence, Jean ouvre la porte du Temple éternel, sur qui demeure l’Esprit Saint, sur qui repose à jamais la Gloire du Père. Dans cette formule unique et magnifique, répétée à chaque eucharistie, est manifesté aux yeux de tous le plus intime de l’amour de Dieu. Son point d’équilibre et sa fragilité. Son point de rayonnement et sa vulnérabilité. L’origine et le terme de la parole qui parcourt la Bible de part en part. Voici l’Agneau de Dieu. Voici l’élection d’Abraham et l’alliance de David, voici le Serviteur souffrant et l’agneau de la Pâque. Voici le Sauveur que le monde attend. Voici le Fils de Dieu.

« Oui, j’ai vu et je rends ce témoignage » conclut Jean-Baptiste. Son témoignage, c’est-à-dire sa relecture, son interprétation ; son regard d’adoration qui mange le Verbe et fait communier à sa Gloire ; son acte de foi qui le fait serviteur et unit le disciple à la Croix. « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ». La Parole est consommée, le prêtre peut élever l’hostie à notre adoration, nous sommes prêts à proclamer : « Il est grand le mystère de la foi ».


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