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 - 16 avril 2024 - Saint Benoît-Joseph Labre
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Homélie

vendredi, 22ème semaine du temps Ordinaire.

Etrange rabbi qui accepte d’entrer avec ses disciples dans la maison d’un publicain et de s’attabler avec des pécheurs ! Pour le juif pieux de l’époque, un maître en Israël ne pouvait que rappeler au peuple élu sa consécration à Dieu, et l’exigence qui en découle de se tenir à l’écart des autres hommes, comme le « sacré » est séparé du « profane » et le « pur » de l’« impur ». Tout mouvement de « réveil » de la foi, ne pouvait se traduire que par une plus grande exigence de pureté rituelle et par une intensification de la vie de prière.
Souvenons-nous des Esséniens : ils avaient quitté Jérusalem parce que la « ville sainte » était selon eux souillée, en raison des compromissions des chefs religieux avec une royauté non-davidique. Retirés au désert, ils y pratiquaient des jeûnes et des prières en grand nombre pour hâter la venue du Messie, qui rétablirait le droit et la justice en Israël.
Ainsi donc les contemporains de Jésus attendaient bien un renouveau religieux, mais dans le prolongement de ce qui s’était fait par le passé. Ils espéraient la venue d’un nouveau prophète qui appellerait à la conversion en augmentant les exigences religieuses. Face à cette attente qu’il connaît bien, Notre-Seigneur va multiplier les gestes prophétiques, n’hésitant pas à entrer dans la maison des pécheurs, à manger avec eux, à se rendre en terre païenne, à toucher les malades et même les morts : autant de comportements qui le rendent impur, selon une interprétation traditionnelle de la Loi.
Jésus ne veut ni scandaliser ni provoquer ses interlocuteurs, mais il cherche à éveiller leur conscience, afin qu’ils puissent découvrir qui il est, à partir de ce qu’il fait. Les prescriptions sévères visant à garder une distance entre Israël et les nations n’étaient-elles pas en vue de la venue du Messie, dont la mission serait tout au contraire de porter le salut de Dieu jusqu’aux confins de la terre (Is 49, 6) ? Comment oublier l’universalisme des derniers chapitres du prophète Isaïe : « Je viens rassembler les hommes de toute nation et de toute langue. Ils viendront et ils verront ma gloire. Parole du Seigneur » (Is 66, 18) ? Si donc Jésus s’adresse aux païens et les invite à entrer eux aussi dans le salut de Dieu, ne faut-il pas en conclure qu’il n’est pas un simple prophète rappelant à Israël sa mission de peuple porteur du Messie à venir, mais qu’il est celui que les prophètes attendaient et dont ils étaient chargés de préparer la venue ?
En prenant la place de l’Epoux, Notre-Seigneur va même plus loin, puisque dans le langage des prophètes, l’Epoux n’est pas le Messie mais Dieu lui-même : « Ton Epoux, c’est ton Créateur, “Seigneur de l’univers ” est son nom. Est-ce qu’on rejette la femme de sa jeunesse ? dit le Seigneur ton Dieu. Un moment je t’avais abandonnée, mais dans ma grande tendresse, je te rassemblerai » (Is 54, 5-7).
En se présentant comme l’Epoux présidant le festin des noces où Dieu convoque tous ses enfants, sans exception, Jésus suggère qu’il est non seulement le Messie venu « rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés » (Jn 11,52), mais qu’il participe, d’une manière mystérieuse mais bien réelle, à la condition divine, puisqu’il s’arroge la place que Dieu se réservait jalousement.
Pourtant, « un temps viendra où l’Epoux leur sera enlevé » : Jésus entrevoit déjà, à travers l’attitude hostile des pharisiens, le sort qui l’attend. Qu’il est difficile aux hommes de s’arracher à l’inertie des habitudes ! La nouveauté dérange, elle fait peur, car elle menace les anciens acquis. Les chefs religieux de la nation chargée de donner au monde le Messie ne reconnaîtront pas le temps de sa venue ; ils ne le peuvent pas, car cela impliquerait pour eux de renoncer à leur position de « maîtres », pour se mettre humblement sous l’autorité de celui qui vient de la part de Dieu.
Les temps messianiques sont certes en continuité avec ce qui précède sans quoi nous ne pourrions parler d’ « accomplissement ». Et pourtant, la discontinuité est tout aussi grande, car l’accomplissement dépasse infiniment les plus folles espérances des hommes. En Jésus nous est révélé « ce que personne n’avait vu de ses yeux ni entendu de ses oreilles, ce que le cœur de l’homme n’avait pas imaginé, ce qui avait été préparé pour ceux qui aiment Dieu » (1 Co 2, 9).
Nous aussi nous devons demeurer vigilants à ne pas « mettre le vin nouveau » de l’Evangile dans les « vieilles outres » de nos conceptions religieuses pré-chrétiennes - voire dans les outres étrangères de traditions néo-païennes ! Certes le dogme nous est donné comme un résumé précieux de la Révélation divine qui nous permet de vérifier l’orthodoxie de notre foi. Mais il ne faudrait pas confondre les formulations dogmatiques avec le mystère de Dieu, que nous n’enfermerons jamais dans nos concepts. Le Credo est une boussole ; il n’est pas le Royaume. Le Christ est notre Terre promise, et nous cheminons vers lui avec les instruments qu’il nous donne dans son Eglise pour que nous ne nous égarions pas en chemin.
Chaque jour nous avons à nous remettre en route dans la pauvreté de notre condition de pèlerins qui « n’ont pas encore saisi » l’Epoux, mais qui « poursuivent leur course pour le saisir » (Ph 3,12-13).
Telle est la mystérieuse condition du disciple, qui ne pourrait ni initier ni poursuivre sa quête s’il n’avait pas déjà « été saisi par le Christ Jésus » son Seigneur, vers qui il tend dans la nuit, avec toute la force du désir que lui donne l’Esprit.

« “Dieu éternel et tout-puissant, augmente en nous la foi, l’espérance et la charité ; et pour que nous puissions obtenir ce que tu promets, fais-nous aimer ce que tu commandes” (Or. ouv.), car c’est dans l’humble obéissance à ta Parole que nous pouvons découvrir ton vrai visage. »


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