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 - 28 mars 2024 - Saint Gontran
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Homélie

30e dimanche du Temps Ordinaire

La guérison de l’aveugle Bar Timée est l’ultime miracle accompli par Jésus avant d’entrer dans sa Passion : Jéricho n’est qu’à quelques 27 Km au Nord de Jérusalem ; désormais Notre-Seigneur est proche de la fin de son long voyage. Il est frappant qu’immédiatement après cette guérison, le Seigneur accomplit ce que nous pourrions appeler un contre-miracle : il condamne un figuier à la stérilité (Mc 11,12-14), symbole de la stérilité de la vie de ceux qui refusent de « voir » ; ou plutôt de ceux qui prétendent voir alors qu’ils sont aveugles, et qui par le fait même refusent de venir à Jésus pour recevoir la guérison.
Il y a aussi ceux qui le suivent en croyant le connaître, mais qui se trompent sur son identité. Nous nous souvenons de la demande de Jacques et de Jean : « Maître, permets nous de siéger à ta droite et à ta gauche dans ton Royaume ». Alors que Jésus est tout entier finalisé sur le salut du monde qu’il s’apprête à accomplir, ceux qui se disent ses disciples se préoccupent de préséance. Les événements désormais proches de la Passion viendront briser ces rêves trop humains et jetteront les compagnons de Jésus dans le plus grand désarroi. Le reniement de Pierre (Mc 14,64-72) sera la sommet de la prise de conscience de la distance qui les sépare de leur Maître. Simon dit vrai lorsqu’il proteste : « Je ne connais pas cet homme » (Mc 14,71).
Pour le moment, il reste encore aux disciples à parcourir une longue route, qui doit les mener de Jéricho à Jérusalem, c’est-à-dire de la plaine de la mer Morte à la montagne de la Vie, au Golgotha. La grande conversion, pour eux comme pour nous, et d’accepter que la vie peut jaillir de la mort, que la Sources du salut jaillit du côté transpercé d’un Crucifié.
« Voir » signifie clairement accéder à la compréhension spirituelle de la Croix, reconnaître dans le Crucifié le « grand prêtre » qui a reçu son investiture de Dieu son Père lorsque celui-ci lui déclara solennellement : « Tu es mon Fils, moi aujourd’hui je t’ai engendré ; tu es prêtre pour toujours selon le sacerdoce de Melchisédech » (2nd lect.).
Le seul qui dénote au milieu de la foule, c’est précisément notre Bar Timée, dont le cri de détresse vient déranger les rêves de gloire des Apôtres. La foule des bien-pensants s’évertue à le faire taire, mais il n’en crie que plus fort : « Jésus, Fils de David, aie pitié de moi ! ». Sa détermination est à la mesure de la conscience de son impuissance, et par le fait même, il est bien plus proche du Seigneur que ceux qui croient déjà participer au pouvoir du futur Roi.
L’ironie du sort est que Jésus passe par les ignorants qui l’entourent, pour appeler à lui le seul qui le connaisse et que ses proches veulent précisément écarter. Cette situation paradoxale se répète sans doute tout au long de l’histoire de l’Église : Notre-Seigneur continue de se servir des pseudo-disciples que nous sommes, nous qui proclamons l’Évangile mais « oublions » de nous convertir, pour attirer à lui les aveugles en quête de lumière à qui il répète par nos voix : « Confiance, lève-toi, il t’appelle ».
Entendant ces paroles, Bar Timée « jette son manteau » ; avec détermination, il lâche le peu qu’il possède. Contrairement au jeune homme riche, il n’hésite pas à payer le prix de sa liberté et se trouve ainsi en position de « courir vers Jésus » au lieu d’être obligé de « s’éloigner tout triste ».
Et voilà que le mendiant du bord de la route se retrouve dans la position du Maître, à qui Jésus demande : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » Ayant tout abandonné pour venir au Seigneur, toutes les audaces lui sont permises : « Rabbouni, que je voie ». En échange de sa pauvreté consentie, Dieu lui fait le don le plus précieux : dans la foi, il lui donne de le « voir » en cet homme, Jésus, qui se tient devant lui.

Aussitôt que ses yeux s’ouvrirent, Bar Timée se mit à « suivre Jésus sur la route ». Il est entré dans la « grande assemblée qui revient, dont parlait la première lecture. Ils étaient partis dans les larmes, dans les consolations Dieu les ramène ; il les conduit aux eaux courantes par un bon chemin où ils ne trébucheront pas. Car il est un Père pour Israël, Éphraïm est son fils aîné » (1ère lect.).
Il ne suffit pas de voir : il faut encore « suivre », marcher sur le chemin où Jésus nous précède. Sans la foi, nous ne pouvons diriger nos pas, et nous demeurons comme l’aveugle, « assis au bord de la route ». Mais une foi qui ne se met pas concrètement à la suite de Jésus, est une foi morte.
Les yeux de la foi nous permettent de reconnaître le Christ, et les pieds de l’espérance nous permettent de marcher à sa suite, dans la force que nous donne la charité. Mais les trois, la foi, l’espérance et la charité, ne s’obtiennent qu’en réponse à la prière persévérante du cœur humble qui met tout son espoir en Dieu et ne se lasse pas de crier : « Jésus, Fils de David, aie pitié de moi ! ».
Aussi, cette prière devrait habiter continuellement notre cœur, la murmurant sans cesse, non pas comme une formule magique ou un mantra, mais comme l’aveu insistant de notre impuissance, la protestation de notre besoin vital de la présence tout près de nous de notre Seigneur, la confession ininterrompue de notre amour.
Il faudrait que ce cri soit plus fort que toutes les voix – extérieures et intérieures – qui proclament que l’homme du troisième millénaire n’a pas besoin de la « pitié » d’un Dieu, qu’il marche debout, la tête haute, et n’a à s’abaisser devant personne. Brisons ces propos de l’Ennemi sur l’humble supplication de Bar Timée : c’est dans ce cri que nous trouverons la paix et la joie, car bientôt nous nous entendrons dire nous aussi : « Confiance, lève-toi, il t’appelle ».
Alors commencera pour nous l’ultime étape du voyage : monter à la suite de Jésus jusqu’à Jérusalem, pour y vivre avec lui le grand passage. Car « le disciple n’est pas au-dessus de son Maître » : nous ne pourrons entrer dans son Royaume qu’en passant par le porche de la Croix. Ultime étape du passage dans la nuit, où il faudra nous souvenir plus que jamais de persévérer dans la prière obstinée de notre Bar Timée : « Jésus, Fils de David, aie pitié de moi ! ».
Puis viendra le jour qui ne finit pas : traversant le voile de la mort, nous entrerons dans la vie, et verrons de nos yeux notre Sauveur bien-aimé, qui nous demandera à nous aussi : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? »
Alors nous chanterons avec le Psalmiste : « Nous avons semé dans les larmes, nous venons dans la joie en rapportant les gerbes : quelles merveilles le Seigneur fit pour nous ! ».


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