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 - 28 mars 2024 - Saint Gontran
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Homélie

jeudi, 34ème semaine du temps ordinaire

Nous sommes au cœur de la « grande apocalypse » de Saint Luc, qui diffère notablement des parallèles en Matthieu et Marc. Saint Luc inclut en effet dans le discours eschatologique, le récit historique de la destruction de Jérusalem en ‘70 par les armées de Titus. L’auteur du troisième Évangile avait pourtant connaissance du récit de Saint Marc dans lequel celui-ci rapporte des paroles différentes : « Lorsque vous verrez le Sacrilège Dévastateur installé là où il ne faut pas – que le lecteur de l’Écriture comprenne ! – alors, ceux qui seront en Judée, qu’ils s’enfuient dans la montagne ». Les familiers des Écritures mettront spontanée ce passage en rapport avec les événements qui étaient advenus un siècle et demi avant notre ère sous le roi Antiochus IV Épiphane. Celui-ci avait profané le Temple de Jérusalem en élevant une statue ou un autel dédié à Zeus, en lieu et place de l’autel du sacrifice perpétuel. Reste à découvrir ce que sera le nouveau sacrilège auquel Jésus fait allusion, et qui annoncera la fin des temps.
Saint Paul précise dans la seconde lettre aux Thessaloniciens, que cette abomination sera commise par un usurpateur, qui se fera passer pour dieu : « Il faut que vienne d’abord l’apostasie, et que se révèle l’Homme de l’impiété, le Fils de la perdition, celui qui se dresse et s’élève contre tout ce qu’on appelle bien ou qu’on adore, au point de s’asseoir en personne dans le temple de Dieu et de proclamer qu’il est Dieu » (2Th 2,3-4).
Difficile de ne pas voir également une allusion au pouvoir éphémère de l’Anti-Christ au chapitre 13 de l’Apocalypse. Les deux animaux mis en scène dans ce passage, semblent bien symboliser une puissance politique et une puissance religieuse agissant de concert pour séduire les hommes et se faire adorer à la place de l’Agneau.
Saint Luc ne mentionne pas la venue de l’Anti-Christ, mais interprète la destruction de Jérusalem par la puissance romaine, comme le sacrilège qui initie le temps de désolation précédant la fin. Il est vrai que le carnage fut terrible : dans son ouvrage relatant la guerre de Judée, l’historien romain Flavius Josèphe parle d’un million cent mille Juifs tués et de quatre-vingt-dix-sept mille emmenés en captivité. Sans doute les chiffres sont-ils un peu gonflés pour souligner l’importance de la victoire, mais la catastrophe fut effectivement terrible pour le peuple d’Israël et la nation juive.
Avec la chute de la cité sainte s’ouvre « le temps des païens » qui précède la fin des temps. Rien n’indique combien d’années s’écouleront avant que l’Anti-Christ n’apparaisse pour mener l’apostasie à son paroxysme, et que le Seigneur de gloire vienne définitivement triompher de lui et établir son Règne. Mais nous savons que nous sommes dans une période de l’histoire où les forces du mal, pressentant leur défaite depuis la Résurrection du Christ, vont tout faire pour tenter de maintenir et d’étendre leur pouvoir sur les hommes. En ce sens, la guerre de Jérusalem perdure dans la vie de chacun de nous.
« Ce seront des jours où Dieu fera justice pour accomplir toute l’Écriture » : ces paroles mystérieuses sont au cœur du discours de Jésus. Or dans tout son Évangile, Luc - comme les autres hagiographes - insiste sur le fait que c’est en Jésus et en lui seul que s’accomplissent les Écritures. Plus précisément encore, c’est dans la Passion de son Fils que Dieu « fait justice » à son peuple pour « accomplir toute l’Écriture », qui annonçait le temps de la miséricorde, de la réconciliation, de la paix. Ainsi donc, nous sommes invités à croire qu’aux jours de la destruction de Jérusalem, et d’une façon plus large : aux jours d’épreuve de nos vies, alors que tout semble perdu, Dieu en réalité « fait justice » et accomplit sa promesse de salut…
Insistons encore : une telle proposition ne trouve bien sûr son sens qu’aux yeux de la foi, et d’une foi bien ancrée, car il n’est pas facile de discerner le travail de l’amour divin au cœur des souffrances purificatrices ! Pourtant, nous touchons ici un thème récurrent dans la Bible : les épreuves, les catastrophes, ne sont jamais définitives ; elles n’ont jamais le dernier mot : « Jérusalem sera piétinée par les païens – y a-t-il épreuve plus terrible pour le Juif pieux ? Abandon plus radical de la part de son Dieu ? – jusqu’à ce que le temps des païens soit achevé ». Le Seigneur lui-même semble compter les jours de détresse pour ne pas charger exagérément son peuple, mais ne lui infliger qu’une punition médicinale.
Nous disions à l’instant que pour pouvoir discerner ainsi au cœur de l’épreuve, la gloire qui s’y annonce, il fallait une foi bien ancrée. Mais où sommes-nous invités à jeter l’ancre de notre espérance ? Nous connaissons bien la réponse : seul celui qui aura gardé les yeux fixés sur Jésus crucifié, c’est-à-dire sur le mystère de solidarité de Dieu avec l’humanité marquée par le péché, « verra le Fils de l’homme venir dans la nuée, avec grande puissance et grande gloire ». Chaque vendredi saint annonce une Pâque à qui sait attendre dans l’espérance.
Quand vient la Croix, il est bien vrai que nous courbons la tête - voire même l’échine – surtout lorsque le joug se fait trop lourd. Cela vaut pour nos épreuves personnelles, comme pour celles que nous traversons communautairement. C’est le Corps tout entier de l’Église qui, à l’image du Saint Père, ploie sous le poids de l’indifférence de ce monde – quand ce n’est pas sous le poids de son sarcasme voire de son mépris – envers le Christ et l’Évangile. Extérieurement, nous ne reproduisons que les traits du Crucifié, et pas encore ceux du Ressuscité. L’avenir nouveau, le monde nouveau, l’Homme nouveau n’ont commencé matériellement qu’en Jésus glorifié. Cependant, par la foi et l’espérance, nous participons dès maintenant aux « forces du monde nouveau ». Car le Christ ressuscité est pour tout croyant la garantie de la victoire finale sur tout mal qui nous écrase encore sur cette terre.
Alors qu’autour de nous « Babylone la Grande » étend son pouvoir et multiplie ses sortilèges afin de faire de la planète tout entière « une tanière de démons, un repaire de tous les esprits impurs, un repaire de tous les oiseaux impurs et répugnants », la Parole du Dieu tout-puissant nous déclare bienheureux, nous qui sommes « invités au repas des noces de l’Agneau ». L’Eucharistie en effet est le fruit de l’Arbre de vie, situé au milieu de la place de la Cité Sainte, entre les deux bras du fleuve qui jaillit du trône de Dieu et de l’Agneau (cf. Ap 22). Chaque fois que nous célébrons l’Eucharistie, nous sommes introduits dans l’assemblée des Anges et des Saints au cœur de la Jérusalem céleste. « Heureux sommes-nous qui avons lavé nos vêtements pour avoir droit aux fruits de l’arbre de vie et pouvoir franchir les portes de la cité » (Ap 22,14).
Il ne fait pas de doute que si le Saint-Père nous invite tout au long de cette année à nous rapprocher de l’Eucharistie pour en vivre davantage, c’est parce qu’il a perçu que l’Ennemi renforce ses attaques contre l’Église (cf. Ap 12,17), et qu’en Berger vigilant il veut nous mettre à l’abri dans la Bergerie du Père, c’est-à-dire dans le Cœur eucharistique de Jésus ressuscité.
Répondons avec un zèle renouvelé à l’invitation du psalmiste : « Venez dans la maison du Seigneur lui rendre grâce, car il est bon, éternel est son amour, sa fidélité demeure d’âge en âge » (Ps 99). Pleins de reconnaissance, unissons nos voix à celle de tous les Anges et de tous les saints qui entourent l’Autel où va se manifester le Christ vainqueur et proclamons : « Alléluia ! C’est à notre Dieu qu’appartiennent le salut, la gloire et la puissance, car ses jugements sont justes et vrais ».


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