Saint Janvier, évêque et martyr,

Il est rare dans l’Evangile que Jésus interprète lui-même les paraboles qu’il propose, comme il vient de le faire pour celle du semeur. Notre-Seigneur précise que cette interprétation nous est donnée comme « une lampe » destinée à éclairer toute notre vie, la nôtre et celle de notre entourage : ceux qui vivent avec nous, mais aussi « ceux qui entrent » dans notre demeure. Jésus ne nous enseigne pas une gnose, c’est-à-dire un savoir prétendument salvifique ; il est venu allumer la lampe de nos cœurs au Feu de l’Esprit, afin que nous puissions marcher en sécurité au milieu de la nuit de ce monde. Contrairement à ce que certaines écoles voudraient nous faire croire, Notre-Seigneur n’a jamais donné d’enseignement ésotérique, réservé à un cercle restreint de disciples initiés ; il ne nous entraîne pas dans les ténèbres des énergies occultes, mais nous attire tout au contraire au grand jour de la grâce divine, afin que nous vivions de la vie nouvelle, lumineuse de son Esprit. Même les entretiens qu’il accorde en privé à ses disciples, sont destinés à être partagés avec tous, mais en proportion de la foi de l’auditoire. C’est cette pédagogie que saint Paul met en œuvre lorsqu’il écrit aux jeunes convertis de Corinthe : « Frères, quand je me suis adressé à vous, je n’ai pas pu vous parler comme à des spirituels, mais seulement comme à de faibles êtres de chair, comme à des enfants dans le Christ. C’est du lait que je vous ai donné, et non de la nourriture solide ; vous n’auriez pas pu en manger car vous étiez encore des êtres de chair » (1 Co 3, 1-2).
C’est peut-être pour ne pas avoir suffisamment respecté cette progressivité dans la révélation des mystères que Dieu nous a confiés, que tant de nos contemporains en sont venus à nous mépriser, car « l’homme qui n’a que ses forces d’homme ne peut pas saisir ce qui vient de l’Esprit de Dieu ; pour lui ce n’est que folie, et il ne peut pas comprendre, car c’est par l’Esprit qu’on en juge » (1 Co 2, 14). L’étape fondatrice est nécessairement la rencontre personnelle avec le Seigneur Jésus-Christ, par l’accueil de sa Parole dans un cœur disponible. La seconde étape - qui découle de la première - consiste logiquement dans la repentance pour les péchés qui nous sont révélés à la lumière de cette Parole de vérité. Ce n’est que lorsque est enfin tombé le voile qui nous séparait de Dieu que peut « paraître au grand jour », « ce que personne n’avait vu de ses yeux ni entendu de ses oreilles, ce que le cœur de l’homme n’avait pas imaginé, ce qui avait été préparé pour ceux qui aiment Dieu. Et c’est à nous que Dieu, par l’Esprit, a révélé cette sagesse » (1 Co 2, 9-10).
Voilà pourquoi nous sommes invités à « faire attention à la manière dont nous écoutons ». Car « la foi naît de ce qu’on entend ; et ce qu’on entend, c’est l’annonce de la parole du Christ » (Rm 10,17). Si nous accueillons l’enseignement du divin Maître dans un cœur ouvert, celui-ci se dilatera sous l’action de l’Esprit, et nous pourrons « recevoir encore » et même toujours davantage ; « le Christ habitera en nos cœurs par la foi, et nous connaîtrons l’amour du Christ qui surpasse tout ce qu’on peut connaître. Alors nous serons comblés jusqu’à entrer dans la plénitude de Dieu » (Ep 3,17-19). Mais celui qui écoute distraitement la Parole de grâce sans s’y appliquer, celui qui se contente d’un savoir religieux superficiel qui ne s’épanouit pas dans une vraie connaissance de la personne de Jésus-Christ à la lumière de l’Esprit d’amour, celui-là « se fera enlever même ce qu’il paraît avoir » car sa foi est bel et bien morte.

« Vierge Marie, toi qui as accueilli la Parole dans ton cœur par la foi avant de l’abriter dans ton sein, apprends-nous à nous exposer à la Parole de Feu de ton Fils, afin qu’à ton image, nous devenions des Buissons ardents, qui illuminent la nuit de notre monde de la lumière de notre charité concrète. »