Homélie
Férie de Carême
« Que vais-je te faire, Ephraïm ? Que vais-je te faire, Juda ? Votre amour est fugitif comme la brume du matin, comme la rosée qui sévapore à la première heure » (Première lecture : Os 6, 1-6). Pourquoi cette plainte du Cur de Dieu ? Pourquoi ce gémissement impuissant ? Les fils dIsraël ne sont-ils pas pleins de bonnes intentions ? Ne viennent-ils pas dexprimer la décision de se convertir, de revenir au Seigneur et de chercher sa face ?
Sans doute, mais leur discours trahit que leur cur est encore loin de Dieu ; ils ne le connaissent pas vraiment. Dailleurs ce nest pas à lui quils sadressent : il sagit dune délibération collective qui parle du Seigneur à la troisième personne.
Comme le fils prodigue, leur contrition est intéressée : ils veulent échapper au châtiment et jouir de la bénédiction du ciel mais sans sengager vraiment envers Dieu dans une relation filiale. Leurs paroles trahissent même un arrière-fond de revendication : « puisquil nous a déchiré, quil nous guérisse ; puisquil nous a meurtris, quil panse nos blessures » ; voire de complot : « allons-y, pour sûr « il » sera bienfaisant, et nous nous vivrons à nouveau en sa présence ». Devant ce marchandage, voire ce chantage, le Seigneur proteste douloureusement : « cest lamour que je désire et non les sacrifices ».
Le psalmiste a compris la leçon ; aussi confesse-t-il : « le sacrifice qui plaît à Dieu cest un esprit brisé ; tu ne repousses pas, ô mon Dieu un cur brisé et broyé » de repentir. Voilà ce qui fait cruellement défaut dans lattitude des fils dIsraël, comme dans celle du pharisien de la parabole proposée par Jésus dans lEvangile.
La traduction de Gen 1,26 la plus proche du sens hébreux serait selon les spécialistes : « Dieu crée lhomme debout » (nous traduisons habituellement : « à son image »). Nous avons hélas perdu la dignité de cette position par le péché qui nous courbe vers la terre. Jésus seul peut nous « relever » dans la puissance de sa résurrection et nous donner de nous tenir à nouveau « debout » devant notre Dieu. Or, le pharisien adopte cette attitude comme un droit quil possèderait par nature - ou en raison de son appartenance au peuple élu - oubliant labîme qui le sépare du Très-Haut. Son discours confirme cette suffisance : il « rend grâce » certes, mais cest davantage pour étaler sa « justice » - acquise par ses bonnes uvres - que pour glorifier Dieu, dont il nattend apparemment rien ; il ne formule en tout cas aucune demande. Le publicain par contre adopte spontanément lattitude juste, lattitude vraie : il sait combien son péché léloigne du Seigneur ; cest pourquoi il se tient « à distance », nosant pas « lever les yeux vers le ciel », mais les gardant tournés vers la terre, sabaissant devant son Dieu. La prière, qui exprime le repentir de son cur est une confession de foi : « Mon Dieu » ; une supplication : « prends pitié » ; et un aveu : « du pécheur que je suis ».
Le psaume 50 (51) reprend cette humble prière pour en expliciter toutes les harmoniques et en faire le plus bel hymne de pénitence qui soit monté vers le ciel ; hymne inspiré que le Seigneur met à notre disposition pour que notre cur en le méditant, puisse se mettre au diapason du sien et accueillir son pardon : « quand ce dernier rentra chez lui, cest lui qui était devenu juste ».
« Seigneur Jésus, Fils de Dieu, Sauveur, prends pitié de moi, pécheur. Que cette prière comme une flèche traverse les nuées et parvienne jusquà toi, Seigneur. Je ne suis pas capable de faire de longues oraisons : mes distractions et mes soucis me rejoignent et menvahissent. Je ne suis pas capable de prouesses ascétiques : ma volonté est trop faible, je ne tiens pas mes résolutions. Mais je toffre ce que je peux : ces cris que je lance vers toi ; autant pour me rappeler que je suis sous ton regard, que pour invoquer ta miséricorde sur le pauvre type que je suis : Seigneur Jésus, Fils de Dieu, Sauveur, prends pitié de moi, pécheur. Inscrit cette prière sur mon cur en lettres de feu, quelle ne quitte pas ma mémoire ; que je la murmure jour et nuit, que je sois levé ou que je sois couché ; et quelle monte vers toi avec mon dernier souffle quand tu rappelleras mon âme, et que lheure sera venue de me présenter devant toi. »