Saint André Kim et Paul Chong et leurs compagnons,

Jésus nous invite à passer de l’exigence de la vision - « ta mère et tes frères veulent te voir » - à l’écoute de la Parole de Dieu, en vue de sa mise en pratique.
La vision saisit d’un seul regard tout ce qu’elle embrasse et se l’approprie dans l’instant, sans attendre. Mais elle ne peut atteindre que la superficie des choses et des personnes : elle reste « dehors ».
L’écoute par contre invite à la patience : pour entendre ce que mon interlocuteur veut me dire, je suis obligé de le laisser s’exprimer, et ce faisant je fais l’expérience de l’humble attente, j’entre dans la durée. Je renonce à la satisfaction immédiate de mon désir, et accepte d’être dépendant du bon vouloir de l’autre, car ce n’est qu’au dernier mot de son énoncé que celui-ci livre son sens.
Mais la récompense est à la mesure du renoncement, car la parole authentique, celle qui jaillit du plus profond de celui qui me parle, m’introduit « à l’intérieur » de son intimité, me révèle quelque chose du mystère de sa personne. L’écoute accueille l’autre pour ce qu’il est : non pas un objet manipulable, mais un être-parlant, une personne, la seule créature que Dieu ait voulu pour elle-même. C’est pourquoi la parole vraie est toujours un don précieux, et une grâce à accueillir avec respect et reconnaissance.
Par le regard, l’autre s’imprime en moi ; je dispose dès lors de son image, et à travers elle, je me suis approprié celui qu’elle représente. Dans l’écoute, celui qui m’adresse la parole demeure le tout-autre, différent, original, sujet d’initiatives, qui me fait signe et m’invite à une réponse. Le dia-logue qui s’instaure n’est pas exclusivement verbal, car s’il tend à la communion, il porte en soi l’exigence d’incarner la parole échangée dans l’action. L’Alliance ne devient effective que dans l’agir qui engage ma liberté dans un avenir construit à deux : « Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui entendent la parole de Dieu et qui la mettent en pratique ».
Telle est l’attitude que le Seigneur attend de nous ; telle est bien l’attitude exemplaire de Marie. Rien n’est dit dans le récit de l’Annonciation sur la vision dont elle aurait été bénéficiaire : tout l’événement se concentre sur l’échange de quelques paroles : une initiative divine à laquelle consent la Vierge ; une Parole du ciel à laquelle elle répond concrètement en lui offrant son corps.

« “Chaque matin, Seigneur, ta Parole me réveille ; chaque matin elle me réveille pour que j’écoute comme celui qui se laisse instruire” (Is 50, 4). Mais hélas, je fais si souvent la sourde oreille, préférant me tourner vers mes préoccupations ou vers mes distractions, au risque de laisser étouffer la semence de la Parole que tu sèmes dans mon cœur. Donne-moi de me convertir et de te donner dans ma vie la place qui te revient, à savoir la première, celle qui conditionne toutes mes pensées, mes paroles et mes actions. Vierge Marie, apprends-moi à “ne pas me révolter, à ne pas me dérober lorsque le Seigneur m’ouvre l’oreille ” (Is 50, 4), mais comme tu m’y invites, “à faire tout ce qu’il me dira” (Jn 2,5), afin d’être une “bonne terre”, qui “ayant entendu la Parole dans un cœur bon et généreux, la retient, et porte du fruit par sa persévérance” (Lc 8,15). »