Homélie
Férie du Temps Pascal
« Je suis sorti du Père, et je suis venu dans le monde ; maintenant, je quitte le monde, et je pars vers le Père ». La beauté et la grandeur du parcours que nous fait découvrir lévangile de saint Jean depuis Pâques tient dans ce verset. Il prolonge la fête de lAscension et prépare la Pentecôte.
Quand Dieu nous révèle son visage, celui de Jésus apparaît. Sorti du Père, le Verbe est venu dans le monde. Nous sommes tellement coutumiers du mystère de lIncarnation que nous ne voyons peut être plus très bien laspect déconcertant de la chose. Quand Dieu se montre, un homme apparaît. Quelle merveille. Ce nest pas la volonté divine qui permet dexpliquer ce prodige : Dieu se serait fait homme parce quil laurait voulu. Largument est un peu court. Dieu ne peut pas faire nimporte quoi, sa volonté ne connaît pas nos caprices. Dieu sest fait homme parce quil y a en lui, dans sa nature, quelque chose dintimement proche de lhomme. Dieu a la capacité de lhomme, et quand il le décide il la réalise. Parenté admirable et inouïe. Nous loublions trop facilement, cest nous qui sommes à son image, pas le contraire.
Maintenant, Jésus quitte le monde. Linstant nest pas aussi tragique que le samedi saint, mais une parenté entre les deux temps existe. Nous avons à nouveau perdu le contact direct avec notre maître. Ses disciples entrent dans le temps de lattente et de linterrogation. Comment cela va-t-il se faire ? La fête de lEsprit couronne le mois de Marie.
Il est bon que le Fils sen aille. Il part vers le Père. Il est monté au Ciel, lieu de la rencontre entre lhomme et Dieu. Il sefface devant le Père quil est venu nous révéler. Sur terre en effet le Christ exerçait une authentique paternité sur ses disciples. Il était leur exemple et leur éducateur. Jésus reconnaît cette paternité quand il dit : « je ne vous laisserai pas orphelins ». Cette paternité visible était nécessaire à la croissance des disciples. Mais Jésus respecte infiniment notre liberté, il nous faut devenir pleinement homme, c’est-à-dire en Dieu. LAscension est la marque de ce respect. Claudel faisait dire au Seigneur : « Il faut que je vous soustraie mon visage pour que vous ayez mon âme ».
Le Fils est parti pour que lEsprit vienne, celui qui nous inspire. Non pas celui qui décide pour nous, cela ne serait pas digne de Dieu, mais celui qui nous inspire les décisions. Jésus sefface pour que nous perdions lhabitude de tout attendre de lui. Il nest plus question pour les disciples de lui demander laction à entreprendre où la décision à prendre comme on va chercher une consigne. En montant au Ciel, il tourne définitivement nos regards vers le Père. Le Père peut en effet exercer désormais pleinement sa paternité sur ses enfants, engendrer ses disciples à sa propre vie.
Dans ce verset, saint Jean résume le mouvement adorable du Fils vers le Père, rassemblant en lui toute humanité. Dans ces jours dinvocation du Saint-Esprit nous prenons la pleine mesure du temps pascal. La Pâque que nous avons célébrée est le passage, de la terre au ciel, du monde à lintimité de Dieu. Là est lessentiel de la foi.